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Rotten Flowers [Requête]

Rotten Flowers [Requête] Brandw10
Jeu 4 Juil - 21:10

Rotten flowers

Let the hunt begin


Le maquillage est une arme redoutable. Transformer ses propres traits. Sans l'aide d'aucun cristal. C'était à la portée de n'importe qui. Avec de l'entrainement et un peu d’habilité certains devenaient de véritables artisans du travestissement. Une arme qu'elle affectionnait. Qu'elle avait perfectionner. Cent ans durant.

Ces cernes ne pouvaient avoir raison de son expérience. Elles disparaissent dans le miroir. Reflet parfait. Illusoire. De celle qui n'est plus. Qui n'a jamais été. Ses doigts l'effleurent, surface lisse, froide. L'ombre sous ses yeux a disparue, l'éclat dans son regard aussi. Rubis éteint.

Pourtant, elle se tient toujours là.

Parée du velours de l'apparat et de la soie de ses mensonges. Chāyā Lelwani adresse un sourire las à celle qui se trouve de l'autre côté du miroir. Avant de l'abandonner à son cachot de glace.

Mets du rouge sur tes lèvres.
Poudre tes joues.
Souris.

Faisait-il ainsi, lui aussi ? Masquait-il ses traits pour ne plus ressembler au visage recherché ? Les plus longs voyages commencent tous par un premier pas. Celui d'Ekiel Reyes Zadicus avait commencé par un mauvais pas. Celui qui le mena en Epistopoli.

Le destin est ironique.
Sarcastique.
Ministre déchu.
Princesse promue.

Où mèneraient ses pas désormais ? Seraient-ils bons ou mauvais ? Sur ce chemin emprunter seul, ferait-il le choix, d'être meilleur ? Est-ce que cela signifiait encore quelque chose en ce monde ? Un soupire, incontrôlé, glisse des lèvres grenat comme un fantôme de plomb. Elle est si fatiguée. Voir en cette ombre fuyante, un reflet de sa propre couardise n'était d'aucune utilité.

Elle doit se reprendre. Redresser ce dos. Esquisser un sourire naturel. Jouer ce rôle. À la perfection. Il n'en faudrait pas moins pour tromper le bleu acéré qui se poserait sur elle. Elle le craint. Ce saphir.

Autant qu'elle voudrait l'étreindre.

Une épaule.
Un ami.
Le ciel d'Aramila.

Lèvres scellées. Un seul mot et elle le sait, ce grain de sable pourrait se glisser au coeur d'engrenages déjà grinçants. Un geste et il détruirait ce château de cartes. Elle suffoquerait sous les décombres. Elle qui peine à respirer. Alors jouer une nouvelle carte, marquée du sceau de l'Ordre. Y joindre les desseins monétaristes, pour les éloigner. Spinelles roses et céruléennes.

Pour les protéger.
Joyaux mortels.
Faiblesses admises.

Il acquiesce. Elle sent pourtant, qu'il ne se contentera pas du maquillage. Le temps jouait contre lui. Lorsqu'il reviendrait, elle devrait être prête. Si elle était encore là. Un clignement, paupières lourdes, mais les cils se relèvent, sur cet éclat frauduleux, mimé, alors qu'on frappe à la porte de son bureau.

- Lan-Lan, laissez-moi vous présenter votre accompagnateur.

Un geste ample, la grâce des comédiennes aguerries. Elle danse. Sur ce fil ténu. Qui finira par se rompre. Hypocrite créature qui ouvre une chasse à l'homme, elle, traquée. Ekiel sera-t-il plus doué qu'elle ? Pour échapper à ce destin qui lui court après, il lui faudra être rusé et déterminé. Qui sait, il pouvait encore tirer son épingle du jeu, il avait des cartes à jouer, selon le chasseur devant lui. La royauté n'était pas joueuse, ou plutôt, elle était mauvaise perdante. Les Monétaristes étaient différents.

Ils ne perdaient pas.
Jeu 11 Juil - 11:05

Pot pourrie

Et le jour chassa la nuit


Au commencement vivaient deux bêtes. La première, lumineuse, glorieuse, apportait chaleur et vie sur son passage. Son pelage était éblouissant car il était fait de lumière pure. La seconde, sage et sombre, était crainte et fuie car elle n’apportait rien d’autre que froid, et obscurité. Les deux bêtes se partageaient le ciel d’égale à égale, cohabitant ensembles en parfaite harmonie.

Mais un jour, la seconde bête, jalouse du pelage de sa consœur, s’empara de quelques uns de ses crins pour les ajouter à son dos - à cet instant, le ciel obscure se mit à scintiller, parée d’étoiles lumineuses qui n’étaient pas sans rappeler l’astre diurne. Mais la première bête vit en cet acte un affront impardonnable et se mit à la poursuite de la lumière dérobée.

Ainsi, le jour chassa la nuit, et cette course éternelle ne cessa jamais depuis. Parfois, en été, la nuit est fatiguée, et le jour gagne du terrain. Parfois, en hiver, le jour est épuisé, et la nuit parvient à retrouver une confortable avance.
Mais jamais l’un n’attrape l’autre - cette chasse est infinie.


Et si le jour gagnait?

Elle chassa distraitement une mèche de son front, discrète nébuleuse colorée qui gravitait dans la pièce dans un silence de façade. Tout comme le reste de l’édifice, le salon où ils se trouvaient était une curiosité - les meubles en cuir dégageaient une forte odeur d’usure et de peau, s’ajoutant aux vernis et onguents qui recouvraient méthodiquement les trophées de chasse que l’on avait disposés sur les murs. Crocs, dents, épines… Autant de pointes, autant de morts, des quatre coins d’Uhr et d’ailleurs pour enrichir le tableau, pour éclairer toujours un peu plus les visiteurs de nouveaux regards éteints, mais juges. Pourraient-ils seulement comprendre les enjeux, ces âmes déchues, regardaient-elles à travers eux comme ils se devaient de voir les courbes complexes d’un dessein plus grand?  

Ainsi le jour chassa la nuit… Ce conte, murmurait le soir avant de dormir, lui était brusquement revenu en tête alors qu’elles patientaient dans un silence de cathédrale. Elles ? Soeurs fàtales, dos et paume d’une même main dans laquelle se tenait une épée, et sur laquelle reposait une fiole de poison. Elle la chercha un instant du regard, sa pervenche - droite et fière, comme à son habitude, la fille des lames du Guet retourne en terrain conquis après avoir défait le mal et empêché tout l’édifice de tomber quelques années plus tôt. Elle admire secrètement son port altier, son sang-froid qui irradie comme une aura implacable, contre elle qui est si lassement assise sur un boudoir, main sous le menton. Au-dessus d’elle danse le dragon d’or qui finit d'asseoir leur statut si arrogant. Huang-Long est un sceaux, un sceau vivant: pour la cour Xandrienne, il n’est guère plus qu’une clef d’apparat qui ouvre certaines portes. Mais pour elles, il est tellement, tellement plus.

La mélodie finit par franchir ses lèvres discrètement - chant simple et enfantin, ancien. Millénaire. Et devant ses yeux, améthystes scintillantes, défilent les souvenirs.

La terre et le sang mêlés, boue carmin.

Le corps ouvert, les viscères répandues.

L’enfant mort. La mère abattue.

Les bois du Mesnon transformés en tombeau.

La nuit avait chassé le jour
- ce n’était pas une scène de crime, mais une boucherie. Et dans les sillons de sang, une vérité: ils n’étaient pas morts pour rien, mais pour repaître la bête qui mourrait de faim sur le chemin de l'exil.

Homme devient bête, ministre devient paria, et monétariste flaire l’astra: ils avaient senti le gros poisson sous le regard complice du Guet - tête primée, oui. Le revoir était synonyme de devoir accompli, mais le Mesnon n’était pas une simple route, c’était une sortie. Et ainsi l’affaire dépassait maintenant les affaires de Xandrie. Il faudrait voir plus loin, aller plus loin. Chercher le fugitif là où il se cachait - pour l’honneur de la nation. Mais était-ce si simple? N'y avait-il pas plus juteux? Aucun chemin n’était tout à fait droit.
La voix de la panthère la tire de ses rêveries, et son regard se braque vers la porte qui s’ouvre. Nouveau personnage qui, dans son sillage, charriait les sables chauds et ocres des dunes Aramilanes, fragrances des vents du Sud, esprit des déserts.

Lan-Lan, sage poupée Xandrienne, se tait tout à fait, indolente petite créature de cour qui s’apprête à se lancer sur les chemins de la traque. Mais sous son crâne se dessine déjà d’autres tableaux, des dessins plus grands. Oh, qu’elle voulait le découvrir, son accompagnateur. Car elle comptait bien l’accompagner jusqu’à Ekiel, et rien de moins.
Pour que le jour, enfin, avale la nuit.

Jeu 18 Juil - 11:22

Danse macabre

La Juste entremise


L’immensité du ciel avait apporté le calme, de là-haut, les voix se taisent. C’est dans la contemplation qu’on peut tous regarder dans la même direction. Lente traversée qui avait vu le soleil découper les Trois Sœurs qui, d’abord hésitant, venait affronter les ombres des versants. Il finissait toujours par gagner dans sa course en avant, il finissait toujours par perdre face aux ombres qui le rattrapaient. Il ne construisait rien pour se protéger où leur mettre un coup final. Un conquérant et un fuyard permanent alors que je volais vers la Juste.  

Si nous venions ici c'était avec un but et un seul, c’était pour la voir. Il restait des moments où la parole est d'or bien plus que l'argent de la pointe d'un stylo. Ça n'échappera pas à nos amis monétaristes et, pour le coup, le voyage avait été nécessaire, demandé. Pour demander son soutien en échange de n’importe quel prix, pour l’Oasis et son grand projet. Ça n’allait pas se faire sans contrepartie, donnant-donnant comme on dit.

Dire que j’étais impatient de la revoir, de pouvoir enlever au moins un masque et parler un peu plus franchement était une bouffée d’air frais. Respiration qu’un vent mauvais avait eu tôt fait de dissiper, la prudence insidieuse. Cela faisait bien des lunes que je ne l'avais pas vu, elle savait qui j’étais alors, pas ce que j’avais vécu depuis. Finalement, peut-être ne faudrait-il pas se laisser aller. D’un côté comme de l’autre, il y avait des choses plus faciles à cacher à l’écrit, n’est-ce pas ? Même certains messages codés dans d’autres imbroglios volontairement confus.

Ne jouons-nous pas sur la corde raide ?

J’étais arrivé la veille au soir, esquivant les habituels points de chute dans le quartier des bâtisseurs, j’avais pris une chambre ni trop modeste, ni trop bourgeoise dans une auberge ni trop pouilleuse, ni trop guindée. À la limite salubre des bidonvilles. Jaruk était émerveillé par la ville en mouvement, la folie douce de ces habitants qui vivaient. Comme à Aramila dira-t-on, mais avec un soupçon de débrouille en plus. Un soupçon de vice aussi qui vient avec la liberté de ne pas se sentir jugé par les Douze. Cette ville te va bien, petite fripouille à l’odeur d’orange. Niché dans ma capuche, cherchant à se protéger du vent vicié, mais les yeux bien ouverts. Découvre mon grand.

C’est un agent privé de la Chef des Monétaristes qui se présenta le lendemain à la Guilde, la tête encadrée de cheveux d'encre n’était pas inconnue, mais elle n’avait pas été vue depuis longtemps aussi pris-je le temps de faire les politesses d’usage. Tes filles vont bien ? Grande nouvelle ! J’ai entendu parler des sabotages sur la ligne de train oui, que veulent-ils vraiment à la fin ? Oh ! je te le fais pas dire, même si c’est loin, on en entend quand même parler à Aramila. Oui je viens voir dame Lelwani, elle m’a mandé pour lui faire un point sur la situation. Tu sais ce que c’est motus et bouche cousue je ne peux rien te dire très chère…

Bon aller, finis-je par lâcher le morceau, faisant mine de le faire à contrecœur dans ce jeu de ragots bien connus des salles aux pas perdus comme ici. Ça concerne quelques opérations immobilières aux abords des bois d’Adrianne, dans les coteaux, ils font de sacrés vins et il y avait des caves entières quasiment laissées à l’abandon. Tu imagines ? Il doit y avoir une vente aux enchères prochainement et je viens voir avec la dame sur quels lots nous devrions nous positionner.

Tout s’achète et tout se vend, je lui glissais quelques indices ni vu ni connu sur les bons coups spéculatifs, si elle avait la chance de pouvoir mettre la main dessus après tout, j’aurais ma commission dans tous les cas… J’attendis quelques instants dans ce vestibule richement décoré de quelques talentueux taxidermistes qui reproduisent des compositions fantasmées. Mes yeux se perdaient dans la contemplation d’une Salamandre affrontant un Loup dans une danse terrible, les deux s’attaquent, les deux se tournent autour pourtant, le choix de ne pas les présenter immaculés, mais déjà fatigués, la bouche en sang, montrait la volonté de réalisme. Et les autres compositions, comme celle avec ce cousin de Jaruk semblait les contempler, discret spectateur d’un combat qu’il ne pouvait rejoindre.

Je détournais les yeux du Narangpé bien vivant alors qu’on m’indiquait un couloir et un numéro de pièce dans laquelle on m’attendait. Sourire canaille, je connaissais ce numéro, après tout, c’était toute la politique de la cheffe des Monétaristes de se mettre au plus près des siens. Ainsi on se retrouvait dans son étude plutôt qu’une pièce plus discrète. Je toquais à la porte, entendant une annonce. Nous n’étions pas seuls, comme je m’y attendais.

Discrète révérence en rentrant dans la pièce baignée de lumière qui montrait les signes d’une activité de tous les instants. Au four et au moulin, je contemplais le Maitre Caravanier face à moi qui prenait en main le destin économique de Xandrie et au-delà, fidèle à elle-même, peut-être un peu trop parfaite. “Ma dame, lançais-je. Mesdames...” Yeux d’aigles qui balayent la pièce et ses occupants. On ne m’avait pas informé de qui serait de la partie de cette entrevue, comme toujours, certaines cartes valent mieux d’être jouées avec un timing particulier. Fà, à l’attitude, même de la plus guindée et droite des deux, attitude martiale certaine, attitude de fausse légèreté, l’une protégeant l’autre.

Arno Dalmesca pour vous servir ambassadrice, me présentais-je même si je ne doutais pas que ça avait déjà été fait avant mon arrivée. J’ai cru comprendre que vous aviez un intérêt certain pour quelques vignobles du Sud. On y aurait implanté des cépages xandriens qui ont disparu de la circulation…

Une excuse fort à propos pour justifier un déplacement à Aramila, excuse qui devait déjà se répandre dans les couloirs de la Guilde depuis la révélation que j’avais faite à la réception.

Le cours des vins aramilans devrait monter de quelques points avec ce que d’aucuns appelleraient délit d’initié.

J’aurais dû faire la même chose avec les épices.
Jeu 22 Aoû - 18:15

Rotten flowers

Dansent comme les autres.


Qu'est-on prêt à devenir lorsque le destin fait des siennes ? Que nos plans ne se déroulent pas comme espéré ? Que la solitude devient notre seule alliée. Là, au milieu de cette infinie noirceur que notre coeur recèle. Nul ne saurait dire, ce qu'il advient de notre âme, essorée de ses espoirs. Mais l'ignorance ne pardonne pas la déviance. Aussi loin qu'elle se soit égarée, l'âme de celui qui fut déchu, elle finirait juger pour ses méfaits. La déception et l'errance ne sauraient excuser la barbarie des décisions prises.

Peut-être l'espérait-il ? Cette justice, cette épée de Damoclès. Que ses actes aient encore des conséquences, des répercussions sur le monde, c'était exister. Et si certains étaient assez déterminés pour le chasser alors Ekiel Reyes Zadicus n'avait pas tout à fait disparu. Son nom résonnait encore. Qu'importe alors, la manière.

Est-ce ce qu'elle désirait ?
Un nom honni,
Restait un nom.

Et cette épée de Damoclès, qui viendrait lui prouver qu'elle n'était plus sur la bonne voie.. serait-ce aussi à eux, de la manier ? Précieuses spinelles. Morceaux d'améthyste et de ciel. Finiraient-ils par se ternir en se posant sur elle ? Ou par briller de colère ?

Est-ce douloureux ?

Si cela l'était, alors, peut-être n'était-elle pas encore tout à fait perdue ? Peut-être que la nuit n'avait, ici, pas encore gagnée.

Rubis tenace, faussement inébranlable, joue son rôle. Menton fière, la monétariste a le sourire aisé, affable, taillé sur mesure. Il invite à la discussion, accueille avec bienveillance les nouveaux et derniers acteurs de cette scène. Il était temps de donner ses ordres. Une direction à suivre.

Ironique, non ?


- Comme toujours vos informations sont précieuses, Arno, et vous ne sauriez ignorer que les palais xandriens sont friands de ce délicieux vin du sud. Alors si en plus de cela il y a là quelques racines xandriennes à entretenir, vous savez bien que vous trouverez ici portes ouvertes.

Plissement léger, au bord des yeux, amical sans avoir à forcer le trait. Animal rusé au regard d'aigle, marchand avisé, oui, cela devait certainement venir de là. Le sourire se fane pourtant, avec la gravité nécessaire au sujet qu'elle s'apprêtait à aborder. Portes désormais closes.

- Si vos pas vous mèneront peut-être au Sud, cela ne sera pas pour explorer quelques vignobles, hélas. Je crains que l'homme que je vous envoie poursuivre n'aura pas davantage choisi cette destination pour ces beaux paysages, quoi qu'il puisse goûter au vin de la région, il semble ne plus.. s'en contenter.

Ce n'est certainement pas de bonté de coeur qu'elle se tourne désormais vers l'ambassadrice. Les souvenirs devaient encore être frais et donc déstabilisants, douloureux. Cependant, la jeune Fà était, avec sa soeur, la seule à pouvoir donner davantage de détails sur ce qui attendrait peut-être leur trio sur les traces du fugitif.

Ven 30 Aoû - 10:00

Sous ses canines

Le goût fiévreux du sang


La porte s’ouvre, presque à la hâte. Et une tête s'engouffre, un courant d’air chargé d'épices. Un oiseau noir de geai. Entre deux âges, visage criant de jeunesse, et pourtant la prestance de cent ans. Il donnait envie de lui offrir une confiance sans condition: c’était bon signe. Excellent signe, même.
Rubis; Saphir. Un collier de pierres rares, la scène scintille déjà de mille feux. Est-ce que le jeu vaut vraiment tous ces carats? Sans le moindre doute. Ils sont après un diamant brut, après tout. Le joyaux sur la couronne de Xandrie. Il est sorti de son socle pour mieux s’enfuir - peut-être voulait-il trop briller, seul. Mais un collier n’est beau qu’en accumulant les joyaux.

La panthère s’avance, suivie de son éminent conseiller. Affable, elle révèle des racines bien plus profondes que Xandrie, des cartes sur tout le continent - et sans doute ailleurs. L’éminent Huang n’avait pas choisi sa successeuse par hasard, bien au contraire; aussi ce n’était pas surprenant qu’elle ait des alliés dans tous les pays et bien au-delà des frontières. Il fallait parfois avoir le bras long pour mieux jouer avec les astras.
Ou avec les couronnes.

Pourtant, Lan-Lan, précieux bouton de rose, levait un sourcil surpris. Aramila ne lui avait encore jamais semblé être une terre de premier plan, et même si elle concevait sans peine que ce fut un pays en voie de promesse et de développement, elle n’était pas un terreau encore trop fertile pour les affaires. Elle y voyait surtout une terre en pleine lutte intestine pour savoir qui de sa foi ou de son développement choisir. Un peu comme Xandrie qui se démenait encore dans ses chaînes, huilant petit à petit ses poignets pour mieux les libérer.

Une terre d’opportunité… Oui, c’était ça. Une terre où tout était possible, car tout était à faire; Mais d’un point de vue des alliances, les opportunités étaient encore rares, décriées. Audacieuses. La présence du jeune homme parmi elles trahissait des ramifications jusqu’à la capitale Sudiste - féline rubis, aurais-tu déjà des plans pour cette nation? Pour l’avenir, c’était osé. Pour l’instant, c’était parfait.
Car Aramila était une grande Nation.

Et sans doute le meilleur endroit pour se cacher.

Monsieur Dalmesca. Elle inclina poliment son visage, faisant mine au passage de soulever un couvre-chef imaginaire. Il me tarde déjà de goûter ce cépage, il manque cruellement à nos tables.

Elle aimait déjà ce jeu - tourner autour du pot, dire sans dire. Au sommet de la tour des monétaristes, les secrets se cultivent comme des fleurs, et même si il n’y a déjà plus d’oreilles pour les écouter, le jeu perdure et perdurera toujours.
Pendant que Chāyā accueille le jeune homme, Lan-Lan cherche sa sœur des yeux. Les lignes tendues, affaires en court, affaires passées, plans futurs: une croisée des chemins pour bien des âmes ambitieuses. Au coeur de cette route, les crocs acérés, se tenait un homme en fuite. Si elle pouvait le lui apporter…

Mais le jeu s’arrête aussitôt que les portes se ferment: fin du spectacle et début de la confidence. En effet, les vins attendront: c’est bien un homme que l’on cherche. Un homme qui a déjà tué. Le silence embaume la pièce, et alors, doucement, les regards se portent sur elles, avec, lui semble-t-il, de la bienveillance. Elle ne peut s’empêcher d’adopter un regard sombre, plus grave. Qui pouvait bien se réjouir de pareil spectacle?

Il a effectivement développé un goût pour le rouge. Murmura-t-elle, volant la parole à sa petite sœur, pas tant pour porter le manteau que pour la préserver de devoir remuer souvenirs aussi sanguins.

Malgré sa position, elle n’aimait toujours pas la savoir confrontée à des affaires aussi sordides. Elle méritait les fleurs, l’or, l’encens; pas les viscères et le sang.

Il y a de cela quelques semaines, le corps d’une femme et son enfant ont été retrouvés dans les bois du Mesnon, à quelques lieux du passage - position idéale pour une fuite. Elle marque une petite pose. Lacération profonde. Net. Ce n’était pas un meurtre, mais une boucherie. Elle appuya sur ce mot. Gorge diaphane. Bleue. Un travail d’une bête affamé plutôt que d’un assassin. Mais si peu de sang.

Grand corps, tranché avec fièvre, pâle, gris: étendue dans la boue, ses yeux vitreux tournés vers la terre et les verres qui s’affairaient à se remplir la panse sur les chairs violacées. Ce n’était pas le travail d’un loup ou d’un ours: trop acharnés, ils n’auraient laissé que les os. Encore entière, il n’a rien emporté. Du moins, rien emporté de solide.
Tout petit corps abîmé, la tête sur le côté. Caché, presque en acte de repentance - tu étais une erreur, sans doute. La conséquence d’un oubli ou d’un appétit trop féroce. Il n’était sans doute pas censé trouver la mort, ce jour-là. Seulement sa mère était la première victime, il fallait bien faire quelque chose de toi… Il n’avait pas un an; pas assez de chair, pas assez de sang. Causalité funeste: mauvais endroit. Mauvais moment.

La boue était putride, ferrugineuse. Mais pour une belle enveloppe contenant quelques six litres du précieux liquide, ce n’était rien. Rien de plus qu’une gadoue un peu rougie. Alors, quid du sang? La réponse était si limpide.

Il a tout bu. Presque, jusqu’à la dernière goutte. Femme et enfant réduit à des verres de vin. De quoi retourner un estomac fragile. Elle a lutté mais il n’a pas eu à le faire: il avait suffisamment de force - en plus de ses crocs, il faudra compter sur un précieux arsenal. C’est un homme en fuite, assis jadis sur une précieuse fortune. Sans compter la fougue de l’exil, partons du principe qu’il est bien équipé… Et mécaniquement, j’entends pas là.

La cognition de sa petite sœur leur avait permis de mieux voir la force de son bras, mais elle était persuadée qu’il se cachait dans ses poches quelques précieuses pierreries dont il faudra se méfier. Après tout, il était connu pour être redoutable. Peut-être que d'anciennes connaissances seraient bien à même de nous en dire davantage…