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[FB] Hé ho, hé ho, ils rentrent du boulot

[FB] Hé ho, hé ho, ils rentrent du boulot Brandw10
Mar 25 Juin - 18:33

Contrairement à ce qu'on pouvait le plus souvent penser, c'était aux petites heures du matin que les rues de la basse-ville de Xandrie étaient le plus agitées. Les maraîchers préparaient leurs échoppes, hurlant déjà des prix défiant toute concurrence aux rares passants, les artisans dressaient sous leurs tentures vieillies par le temps des objets en tous genres et les gamins des rues profitaient de la relative ébullition matinale pour se faire quelques astras, en travaillant ou en chapardant. L'avantage, c'est que les matins ne toléraient pas de crimes plus graves que ces petits larcins. La nuit emportait toujours en se couchant les gens les plus louches, les ombres les plus grandes. Après tout, la croyance populaire n'avait pas inventé la peur du noir sans aucun fondement.

Aussi Lillie se sentait plus en sécurité le matin. Les esprits s'échauffaient moins loin de l'alcool et des cris des corps brisés par une journée de travail. Il lui semblait qu'aux premières lueurs du jour, elle ne craignait presque rien. À son humble avis, la Révolution devrait avoir lieu à six heures. Elle serait aux mains d'esprits éclairés.

La gronde montait plus vite que les digues qu'elle avait pu ériger pour la contenir. Partout la rumeur de la violence s'insinuait comme un lierre mal entretenu. La Générale n'était pas jardinier pour un sou, mais elle savait que l'heure de l'action approchait, et elle voulait s'assurer de connaître les positions de chacun avant le grand dénouement. Aussi la Révolution avait-elle depuis longtemps gardé un œil et une oreille sur les doléances des miniers. La plupart des tunnels étant sous contrôle opalin, il n'était pas rare que le sujet de l'indépendance énergétique de Xandrie ne parvienne aux oreilles de Lillie. Aussi, le probable rachat d'une mine par la Guilde des miniers, soutenue par les Monétaristes, n'était pas passée inaperçue. C'était une opportunité en or pour fédérer les plus fervents défenseurs de la cause autour d'un projet commun. Du Myste xandrien, produit par eux, et pour eux. Sur le papier, c'était le projet le plus révolutionnaire de la décennie.

Aussi Lillie avait-elle arrangé une rencontre avec les miniers et les monétaristes, aux plus jeunes heures de la journée. Elle ne l'avait évidemment pas fait en son nom et avait pris toutes les précautions pour protéger son rôle et son identité. Elle était plutôt fière du système de communication qu'elle avait mis en place, son langage des oiseaux comme elle aimait y faire référence. Aux deux seuls lieutenants dans la confidence de son identité, elle transmettait l'intégralité du message. Ceux-ci avaient ensuite pour ordre de le coder et de le faire passer par au moins six messagers différents, chacun devant ajouter une clé de sécurité lui étant propre. Ce message, il devait à chaque étape supplémentaire être relu, avant de finalement être remis à Flaco, dernier oisillon de la chaîne. Un gamin des rues bavard que côtoyait chaque jour une gamine aux cheveux roses. De sa bouche, Lillie pouvait alors s'assurer que le message était passé et que personne n'avait essayé de l'altérer. Dans d'autres configurations, Flaco aurait été le pire messager possible. Mais sa naiveté enfantine et sa langue trop heureuse de remuer en faisait l'allié parfait de la Générale. Elle savait donc que son dernier message avait été transmis aux concernés en temps et en heure. Il était simple, concis.

"Xandrie évolue. Peut-on l'y aider ensemble ? Le parc Juo-Ling sera en fleurs demain matin. Avez-vous déjà vu plus beau spectacle ?"

Elle n'avait pas menti sur ce point. Le parc avait tout du symbole ultime de Xandrie ce matin-là. Chaotique, mal entretenu et foisonnant au premier abord, il n'offrait sa beauté phénoménale qu'aux curieux, capables d'admirer l'incroyable variété de crocus en fleurs au milieu des herbes hautes et des parterres délaissés. C'était ça, Xandrie. Un jardin depuis longtemps laissé à l'abandon, où poussaient encore parmi les plus belles choses de l'enclave. Lillie, 85 ans, se pencha pour ramasser une fleure mauve teintée de rouge.
Ven 5 Juil - 11:28

Jacquassez, pies espiègles

Rien ne brille plus qu’une couronne


Révolution. Petit mot pour une idée si grande - des contours si propres pour autant de passion. Il était sur tant de petites bouches, ce petit mot si doux; il tombait, ricochet mutin, passait de phrases en phrases. Un spectre invisible dont l’avidité n’avait de limite que celles du peuple, grossissant comme une rivière, s’abreuvant de la pluie de rumeurs qui jaillissaient de toutes parts dans les basses sphères. Et comme chaque rivière, nulle barrage ne pourrait jamais lui faire face.

Et des petites révolutions, il y en a partout. Un mot au-dessus de l’autre, savoir dire non, gagner quelques astras de plus… Des petits signes en cachant un autre. Dans les rues soufflait un vent chaud, un vent de révolte. Un vent de conquête. Et une mélodie toute minérale, celle des pierres que le vent pousse doucement jusqu’à la percussion. Une mélodie fàscinante.

Elle ouvrait la voie, ambassadrice de son crue - elle ne pourrait jamais se prétendre générale, colonelle ou même commandante - soldat lui allait bien mieux. Un titre sans dorure, sans broderie, mais armé: et avec toute la marge de manœuvre d'exécuter le verbe de son vrai chef - sa vraie cheffe, si on voulait jouer sur les mots. Et elle avait ses propres manigances à mener, après tout. Une famille à porter, c’était suffisant - une guilde entière? Non, non… Elle préférait sa position, plus douce, plus audacieuse. Plus féroce: elle pouvait mordre de là où elle était.
En arrivant aux abords du parc, elle la chercha du regard, la commandante des Monétariste, plus sauvage que toutes les fleurs qui tapissaient le parc coloré. Mais elle n’était encore en vue… C’était l’occasion de découvrir en avant première ce terrain de jeu.

Une tradition pour Xandrie, le parc Juo-Ling - un bonbon pour les connaisseurs, un symbole pour ses habitants. En terrain familier, Lan-Lan osa finalement s’avancer, précédé par les bruits de ses bijoux qui s’entrechoquaient gaiement en créant un glas tout religieux; les cloches d’une cathédrale colorée de blasphème.
On n’avait pas entretenu le parc depuis longtemps. On ne l’entretenait jamais vraiment, d’ailleurs. Loin des parterres et des jardins de cour, c’était un vrai hymne à la nature sauvage, à ce que les mains d’Adhra font de mieux. Tout n’était que couleurs chaudes, sanguines, printemps des fleurs et des odeurs ambrées. Et au milieu de ce décors, une plus belle créature se tenait debout, usée par les âges, le front plissé de rides.

Prenez-soin de votre dos, Madame. Laissez-moi faire.

Sans bein réfléchir, Lan-Lan s’était imposée, s’agenouillant presque devant cette figure des âges. La fleur était à portée de main - les pétales veloutés à peine éclos, beauté en devenir mais déjà parfaite. Née dans la pierre, la pivoine allait exalter.
Aussi prestement, elle la tendit vers sa véritable maîtresse, détaillant un instant son visage. Le vent de la révolution allait souffler.

Les rues appartiennent aux fleurs sauvages.
Lun 22 Juil - 16:54



Rappelez-vous l’objet que nous vîmes, mon âme,

Ce beau matin d’été si doux


Crocus sauvages aux couleurs chatoyantes, se mêlent aux hautes herbes d'un parc depuis longtemps laissé au bon soin de mère nature. Quelques bonnes âmes aux mains vertes, s'essaient parfois à entretenir ce petit poumon rabougri au coeur de la cité. Volontaires, elles se fatiguent parfois, de voir leurs efforts laborieux, si chichement récompensés. Ce n'est pourtant pas pour la gloire, qu'elles s'échinent. Mais ce pays a-t-il bien conscience, de leur labeur ? Elles arrachent les mauvaises herbes, ici, à défaut de pouvoir le faire ailleurs.

Elles repoussent.
Toujours.

Combat sans fin. Épuisant. Elles s'usent, ces mains caleuses. Sur leur dos, la résignation laisse des tâches brunes, que l'âge ne fait qu'étendre. Elles ont tout donné, à ce pays. Creuser la terre pour en extirper des richesses dont elles ne gouteront que le poison. Acquiescer aux restrictions, courber l'échine devant les étrangers. Donner ses enfants. Pour perpétuer le cycle.

La brise matinale est douce, sur les pétales des crocus.

Il y a pourtant une odeur nauséabonde, que couvrent les herbes folles. Dans un buisson, quelque chose est mort. Dans l'indifférence de celles qui arpentent les chemins mal entretenus du parc. Un rat. Que dévorent les vers.

Charogne en décomposition.
Aujourd'hui un rat.
Demain un roi ?


Le peuple aurait-il, cette fois, l'occasion d'arracher les mauvaises herbes ? Ou le jardin tout entier brûlerait-il ? Il était trop tard pour l'empêcher. Fallait-il pour autant l'encourager ? Les monétaristes avaient beaucoup à perdre. Beaucoup à gagner aussi. Un pari dangereux.

Ce n'est pourtant pas le moment.

Ne savent-ils pas que le Mandebrume est en vie ? Qu'il est bien réel et qu'il pourrait menacer toute vie sur Uhr ? À quoi bon batailler pour des droits sociaux, économiques, lorsque le monde est menacé d'annihilation ? Ne savent-ils pas que la brume qui est entrée en Opale, pourrait entrer ici aussi ? Une révolution, maintenant ? Alors qu'ils devraient ne faire qu'un, s'ils voulaient sauvegarder ce qu'il restait du continent.

Sauraient-ils que cela ne changerait rien.

Le Mandebrume est une menace lointaine. Zénobie ? Où est-ce ? Combien d'uhrois sauraient l'indiquer sur une carte ? Combien de xandriens ? Mains tâchées de poussière et de myste non-purifié. L'attaque du treizième cercle sur Opale ? Ne l'avaient-ils pas chercher, ces maudits opalins ? Pour une fois que la misère passait la frontière. C'était triste pour les innocents. Combien y en avait-il à cette réunion des puissants ? Combien s'étaient soucier de leur sort à eux, innocents qui piochaient du matin au soir pour les éclairer, là bas, dans leur ville lumière ?

Rien ne saurait arrêter ce qui était déjà en marche. Pourtant, tout restait encore à faire. Cet avenir certain était encore à dessiner, pour les monétaristes. Bien sûr, ils avaient déjà donné quelques coups de pinceaux. Ils ne laisseraient pas le futur s'écrire sans eux. Mais à quel point, voulaient-ils que leur nom résonne ?

Chāyā Lelwani lève un regard sceptique vers le ciel bleu pâle au-dessus d'elle. Ses cheveux noirs attachés en queue de cheval haute caressent les épaules abritées sous un costume masculin. Elle n'approuve pas ce lieu de rendez-vous. À découvert. Plus personne ne venait ici et ce n'était pas sans raison qu'elle avait discrètement fait le tour des lieux mais la caravanière ne connaissait que trop de moyens d'infiltrer pareil environnement pour ne pas se sentir affreusement exposée.

Ce n'est qu'après s'être à nouveau assurée d'être seule, que la monétariste rejoignit sans se presser la pivoine qu'elle avait repérée près d'une mystérieuse silhouette courbée.

- Je vois que nous ne sommes pas seules à apprécier ce parc de bon matin.
Sam 3 Aoû - 9:26

Il n'y avait pas tellement d'air ce matin-là. Les brins d'herbe étaient immobiles, comme figés par la moiteur de l'air de la ville. On entendait en contrebas monter les rumeurs du petit matin, ce mélange tonique d'invectives de maraichers pressés d'écouler leur stock et de marchandages à peine moins vifs de clients faussement scandalisés. L'accent de Xandrie était probablement le plus marqué de tous. Le moins élégant, disaient les gens d'Opale. Il faisait la part belle aux toniques et aux gutturales, noyant souvent les voyelles ouvertes dans un océan sec et rêche. Lillie s'y était depuis longtemps habituée. Sans doute l'avait-elle aussi fait sien. Il ne lui semblait plus si étranger. Elle arrivait même à lui trouver une certaine poésie. Pas la poésie en vers des grands Épistotes, ni même les odes aramilanes à la Gloire des Douze. Non, quelque chose de plus réel, de plus quotidien, l'essence même de l'existence, qui s'embête rarement à arrondir ses fins de phrases avec des rimes parfaites. Xandrie, son accent, le parc Luo Jing... Tout ça ne rimait pas, non. Ça vibrait. Et c'était tout aussi beau.

Maintenant rejointe par deux des plus éminents personnages de la Juste, la Générale savait qu'elle allait devoir jouer ses cartes avec précaution. Il lui fallait maintenant danser avec l'imprudence, sans jamais risquer l'impertinence. Le sort de Xandrie en dépendait. Une fleur entre les mains, elle se redressa en souriant. Quelle drôle de grand-mère, pensa-t-elle pour elle-même.

- Mesdames, je ne saurai trop vous remercier d'avoir accepté mon invitation. Elle les toisa une à une avant de désigner un banc proche de l'index. J'aime beaucoup ce parc. Je l'ai toujours beaucoup aimé. J'ai donc beaucoup de mal à accepter qu'il dépérisse de la sorte. Il mérite mieux, n'est-ce pas ?

Une fois assise sur le banc, Lillie déposa la fine veste de coton qui couvrait ses épaules. Il était important pour elle de faire comprendre qu'elle n'était pas armée, qu'elle ne voulait pas représenter une menace pour ses interlocutrices. Elles pouvaient, si elles le souhaitaient, s'assoir de part et d'autre de la grand-mère en laissant une bonne distance entre elles. Une simple invitation.

- Je ne suis pas une adepte des énigmes, mais je ne peux malheureusement pas encore vous confier mon identité. J'ai conscience que cette rétention déséquilibre notre échanges, puisque je sais moi qui vous êtes. Aussi ne vous ferrai-je pas l'affront de tourner autour du pot. Elle marqua une pause d'un sourire sincère. Le vert de ses yeux s'évanouit un instant sous la plissure de ses paupières. La Révolution a eu vent de l'excellente initiative de la Guilde des Miniers de reprendre le contrôlé d'une exploitation abandonnée. Initiative qui, et j'espère ne pas me tromper, a reçu votre soutien. Vous n'ignorez pas que la Révolution croit en la capacité du peuple de Xandrie à ouvrir les yeux et à agir sans violence. L'attente a été longue, mais nous avons de bonnes raisons de croire que Xandrie évolue enfin. Nous sommes là pour soutenir ce mouvement, pour joindre notre souffle au vent de la liberté. Mais nous ne pouvons souffler seuls. Nous pensons que la coopération nous mènera plus loin que la coercition.
Mer 14 Aoû - 18:36

Souffle enflammé

brûle avec passion, attise le feu de la révolution


Charmante personne - cette dame. Charmant lieu. Charmant ciel. Tout le décor était charmant, humble, une toile discrète et ordinaire comme s’en amourache parfois les poètes et les peintres. Ils ne se seraient sans doute pas entêtés pour elles pourtant, sans doutes un rien trop ordinaires, un brun trop banales, même coiffées d’or, d’astras, ou d’une vieillesse respectable. Ils auraient eu bien tort: peut-être que les mots qui allaient s’échanger là feraient autant l’histoire que la plus savoureuse des proses.

Chāyā les avait rejoint, prudente créature féline, charriant dans son sillage le tintement des astras. Maintenant que toutes les actrices avaient répondu présentes, voilà que la vieille dame montrait subtilement son vrai visage.

Mais n' y a-t-il pas de beauté dans sa nature sauvage? Le parc est plus beau quand on le laisse vivre, naturellement. Libérées des coups de ciseaux et des bêches, les fleurs n’en sont que plus belles.

Elle chantonnait presque sur le chemin du banc que la mystérieuse révolutionnaire avait désigné du menton. Surprenant partie prit pour une fille de la noblesse, mais Lan-Lan avait depuis longtemps assumé ses penchants pour la liberté. Enervée par les tenailles, fatiguée des menottes. Couronne comme bâillon, Xandrie était une nation définitivement enchaînée, définitivement enfermée par ses voisines, un outil plus qu’un pays alors que tout son peuple ne demandait qu’à la porter plus haut.

Jeux subtils, amies en apparence, en réalité, elles marchaient toutes sur des œufs. Les gestes signifient bien plus que ce qu’ils étaient - peut-être car les révolutionnaires portaient un manteau de rumeurs plus solides que le coton, elle remarqua que leur vénérable amie avait rapidement fait tomber sa veste, dévoilant avec humilité qu’elle n’était pas une menace.
Installant ainsi un rapport de force.

Curieuse façon de négocier - mais innocence appréciable.

Jeux subtils, Lan-Lan s’assoit, à la même hauteur, jambes croisées, tête posée sur une main curieuse, toute candide et oreille grande ouverte. Elle est le poux dans la discussion car son pied traîne encore dans les cours et la noblesse - pourtant elle œuvre discrètement avec le licorice carmin pour pousser Xandrie vers des sphères plus hautes, vers là où elle mérite de s’élever.

Mieux qu’un soutien: c’est un travail d’équipe. Minimiser l’implication des monétaristes aurait été bafoué tous les efforts de maître Huang, et de sa nouvelle dépositaire. Regardant vers la révolutionnaire, elle essaya de se détourner du regard de Chāyā, ne sachant tout à fait si il approuvait ou désapprouvait ses paroles. Il était bien une chose qu’on ne lui enlèverait pas: Lan-Lan était fière à outrance, que ce soit de leur organisation, de sa famille, ou de sa propre personne. Aussi souhaitait-elle rectifier les on-dit. Chaque coup de pioche, chaque négociation nous rapproche un peu plus de la production du premier myste Xandrien. Un grand pas pour notre nation.  

Une révolution, sans doute, et avant tout: un doigt levé vers leurs oppresseurs. Mais dans toute cette histoire, elle demeurait légèrement… Sceptique.

A titre personnel, mais également en tant qu’ambassadrice, je partage votre point de vue, notre belle nation mérite ce qu’il y a de mieux: la liberté, le respect. La dignité de vivre avec la tête haute. Mais je suis curieuse de ce que nous pourrions faire pour vous. Et… Ce que vous pourriez faire pour nous.

Sourire vorace, l’améthyste au fond de ses yeux s’illumine. Elle a peut-être fait un pas de trop, débordant sur le territoire de la cheffe couronnée à son côté. Mais plutôt que la déposséder, elle aimait à croire qu’elle la précédait, pour un instant; qu’elle lui avait déroulé le tapis rouge. Mais avec grande incertitude, elle ravala sa fierté en cherchant, cette fois-ci, son regard si sanguin. Jeux subtils… Quelle serait la position de la panthère dans cette jungle sauvage?

Jeu 22 Aoû - 16:24



Rappelez-vous l’objet que nous vîmes, mon âme,

Ce beau matin d’été si doux


Idéalistes. Jeunes sots. Ambitieux. Têtes brûlées. Rebelles. Quand les nobles cherchaient à s'épargner un langage grossier, ces mots là venaient, sans grande simplicité puisque la diplomatie n'est pas toujours le fort des puissants. Ces cailloux dans leur chaussure, n'étaient que des cailloux mais, à force, ils commençaient à avoir sérieusement mal aux pieds. La révolution n'était pas tendre avec les biens nés, ceux qui profitaient de la situation et des opportunités offertes, morales ou moins. Il est plus aisé de toucher les classes qui ne le sont pas. Plus simple d'embarquer les éprouvés. Et quoi de mieux que de se trouver un ennemi commun pour rallier les forces disparates ? Un ennemi tentaculaire, évidemment monstrueux puisque dotés de multiples visages. Les nobles. Opale. Le Roi.

Sur ce tableau, les Monétaristes se tenaient sur un fil ténu. Il pourrait être aisé de mettre les banquiers dans le même panier que leurs fortunés clients. Ne font-ils pas de l'argent grâce à la confiance des nobles ? Et à ses opportunités, pas toujours morales, qu'offre Opale. N'ont-ils pas joué le jeu de la royauté en s'emparant de ce marché ? La Révolution aurait tôt fait de monter tous ces éléments en épingle et présenter aux déçus une nouvelle poupée vaudou. Mais cela n'avait pas été leur stratégie.

Parce que l'argent ne fait pas le bonheur mais, il fait le pouvoir. Hypothèse raisonnable mais trop peu idéaliste pour tout à fait correspondre au mouvement. Du moins, à son image. La vénérable laissait entendre une autre hypothèse. Celle de l'information dument collectée. Les Monétaristes jouaient volontiers le rôle de banquiers pour ces nobles damoiseaux mais, l'argent ne dormait pas en ronflant dans leurs caisses. Il roulait, parfois sans trop de bruit, jusqu'au coeur de Xandrie et de ces petites mains qui s’efforçaient de bâtir de nouvelles choses. L'économie xandrienne tenait après tout sur les guildes et les Monétaristes jouaient, là aussi, un rôle. Était-ce simplement une partie de ce rôle qui les faisaient être si proche de la guilde des mineurs ? Un calcul pragmatique pour placement rentable ou autre chose. Autre chose qui confinerait à une forme de moralité, de conviction ?

Voilà certainement ce que la Révolution cherchait à savoir. Y avait-il une âme derrière ces astras ? Ou peut-être moins philosophiquement, un accord envisageable. C'était très justement les termes de cet accord que cherchait à connaître Lan-Lan. Esprit vif sous les dorures de l'orgueil. Voilà peut-être le défis décisif qu'aura à relever la Révolution, convaincre non plus seulement les égarés et les éprouvés mais aussi ces quelques nobles et intellectuels qui observent, attendent. Espèrent, peut-être aussi. Peut-être autant, que les malmenés.

Assise au côté de leur nouvelle amie, la banquière en chef a, elle aussi, des attentes. Ce n'est après tout pas si souvent qu'elle a l'occasion de parler avec une révolutionnaire. Il était peut-être temps d'en savoir plus. Elles ne pourraient pas rester à flâner dans ce parc pour des heures et la révolutionnaire semblait encline à ne pas mâcher ses mots, quand bien même elle se pliait à une diligence diplomatique, prudente. La caravanière n'irait pas par quatre chemins, elle devait savoir ce que cette révolution avait dans le ventre.

- Quels sont vos objectifs ? Entendez que nous avons différents son de cloche suivant les rapporteurs. Pour certains votre révolte ne vise que le chaos, pour d'autre une nouvelle forme d'état et pour d'autres encore, ce n'est qu'un mouvement de pensée, philosophique, incapable de réellement agir.

Qu'en était-il ? À quel point la Révolution était-elle prête à agir ? Et jusqu'à où ? La rue était facile à prendre mais qu'en était-il des bas-fonds soumis à la loi de la pègre et des hauts quartiers observant parfois tout cela de loin ? Les révoltés marcheraient-ils indéfiniment sur les mêmes pavés jusqu'à épuiser leurs derniers soutiens ou finiraient-ils par regarder.. plus loin. Plus haut.