Mar 18 Juin - 19:12
L'assassin et l'empoisonneuse
Lien tendu, dentelé d'épines, renouons le contact
La liqueur lui brûlait la gorge - douce substance fumée, sa robe ambrée indiquait davantage le verre d’un homme, que l’absence de glaçon venait confirmer. Pourtant, ce fut une main pâle et fine qui l'enserrait, le marquant à jamais d’une empreinte de lèvres rouges qui trahissait sa bouche à l’endroit même où elle avait bu sa première gorgée. Les jambes croisées, l’air songeur, la belladone Fà patientait comme un chat dans ce bouge qui accueillait si rarement les engeances de la noblesse.
Le café des Amis n’avait d’amicale que le nom. Une petite affaire commencée il y a plusieurs siècles entre deux amis, un petit restaurant dans une ruelle de Xandrie qui ne payait pas de mine, sagement logée derrière un marchand d’animaux exotiques qui avait, depuis, été remplacé par un prêteur sur gage. La petite affaire s’était développée sagement, tranquillement, passant de fils en fils, de fils en fille, de femme à mari, affrontant le temps et ses retords, survivants à Opale, survivant à des dynasties entières pour demeurer, endurant jusqu’à aujourd’hui, qu’une petite pivoine rousse ne vienne y fouler le pied pour ses sombres desseins.
Le restaurant ne devait pas faire plus d’une trentaine de couverts, mais on n’y venait pas pour manger. Non, on y venait surtout pour boire, faire des parties de mahjong, pour discuter contrat. C’était un lieu connu des manigances, mais pas suffisamment pour être suspect.
Ou peut-être bien que si.
Alors mademoiselle, besoin d’un peu de compagnie? Une petite partie, ça vous tente?
L’établissement ne payait pas de mine. Mais le petit monsieur tassé qui venait de l'interpeller, moins encore. Lan-Lan regarda un instant l’individu, sûrement un mafieux local ou un petit truand, le visage rond et joufflu, le sourire auquel il manquait quelques dents. Il lui tendait un jeu de dés.
Vous êtes bien aimable, mon cher. Mais j’attends quelqu’un. Elle lui présenta son plus charmant sourire, suffisamment longtemps pour que le voyou comprenne qu’il n’y avait rien à gagner à interrompre sa rêverie.
Son port altier indiquait qu’elle n’était pas de ce monde, tout comme les bijoux qui ornaient toutes les phalanges qui entouraient le verre de whiskey. Une pivoine déposée sur un lit de blé et de mauvaises herbes, comme une erreur de la nature, un bug dans la matrice. Trop poudrée pour être des bas-fonds, trop guindée pour être des voleurs.
Mais elle dégageait pourtant quelque chose de familier. Un rien de tremblant, d’incertain. La couleur du sang sur ses lèvres, celle de ces cheveux criards, un indice sur la nature profonde de la pivoine qui comme chaque membre de cette discrète assemblée cachait sur sa tige une longue rangée d’épines.
Aerf, hum… C’bien dommage, mademoiselle! Que le bon vent vous l’amène vite! Elle suivit du regard le petit homme joufflu repartir penaud, avec un rien de soulagement dans le creux des joues, comme le papillon ayant échappé à la toile de l’araignée.
Petit monsieur, tu es bien gentil, mais trop petit, trop joufflu, ton crâne est trop chauve. Tu n’es pas celui que je cherche…
Et qui attends-tu, Lan-Lan?
Une nouvelle fois, elle portait à ses lèvres le verre ambré et embué par la liqueur froide, incertaine, ignorant encore si ce rendez-vous serait honoré… Ou non. Après tout, il était fort probable qu’il ne vienne pas. Qui voudrait se revoir après pareilles circonstances? La désastreuse enquête chez les Xi, la course intestine du viscuphage… Aucune de ces aventures n’avait le goût du reviens-y. Et pourtant… Pourtant, elle se languissait presque de revoir ces visages, l’hémoglobine, l’adrénaline. Et aujourd’hui, cette adrénaline s’appelait - en surface - Gerald d’Omanie. Une étiquette posée sur une arme déguisée en enfant de la cour. Quel gâchis de devoir ainsi poser un masque sur un tel prodige des épées.
Et elle devait bien se l’admettre, elle désespérait presque de n’en savoir si peu… Juste assez pour savoir où le trouver. Elle avait missionnée une servante des Fà pour déposer sur son chemin une lettre fermée sur laquelle était posée une branche fleurie de fuschia. Dans la lettre, une invitation pour le café des amis. Dans la fleur, le parfum des affaires. Des manigances.
Finalement, n’était-ce pas là la croisée de leur chemin? Là où le destin réunirait, enfin, le loup et le serpent?
Tout du moins, si le loup voulait bien venir.
Une goutte d’eau tombe dans le verre ambré.
Ah.
Il commençait à pleuvoir.
Le café des Amis n’avait d’amicale que le nom. Une petite affaire commencée il y a plusieurs siècles entre deux amis, un petit restaurant dans une ruelle de Xandrie qui ne payait pas de mine, sagement logée derrière un marchand d’animaux exotiques qui avait, depuis, été remplacé par un prêteur sur gage. La petite affaire s’était développée sagement, tranquillement, passant de fils en fils, de fils en fille, de femme à mari, affrontant le temps et ses retords, survivants à Opale, survivant à des dynasties entières pour demeurer, endurant jusqu’à aujourd’hui, qu’une petite pivoine rousse ne vienne y fouler le pied pour ses sombres desseins.
Le restaurant ne devait pas faire plus d’une trentaine de couverts, mais on n’y venait pas pour manger. Non, on y venait surtout pour boire, faire des parties de mahjong, pour discuter contrat. C’était un lieu connu des manigances, mais pas suffisamment pour être suspect.
Ou peut-être bien que si.
Alors mademoiselle, besoin d’un peu de compagnie? Une petite partie, ça vous tente?
L’établissement ne payait pas de mine. Mais le petit monsieur tassé qui venait de l'interpeller, moins encore. Lan-Lan regarda un instant l’individu, sûrement un mafieux local ou un petit truand, le visage rond et joufflu, le sourire auquel il manquait quelques dents. Il lui tendait un jeu de dés.
Vous êtes bien aimable, mon cher. Mais j’attends quelqu’un. Elle lui présenta son plus charmant sourire, suffisamment longtemps pour que le voyou comprenne qu’il n’y avait rien à gagner à interrompre sa rêverie.
Son port altier indiquait qu’elle n’était pas de ce monde, tout comme les bijoux qui ornaient toutes les phalanges qui entouraient le verre de whiskey. Une pivoine déposée sur un lit de blé et de mauvaises herbes, comme une erreur de la nature, un bug dans la matrice. Trop poudrée pour être des bas-fonds, trop guindée pour être des voleurs.
Mais elle dégageait pourtant quelque chose de familier. Un rien de tremblant, d’incertain. La couleur du sang sur ses lèvres, celle de ces cheveux criards, un indice sur la nature profonde de la pivoine qui comme chaque membre de cette discrète assemblée cachait sur sa tige une longue rangée d’épines.
Aerf, hum… C’bien dommage, mademoiselle! Que le bon vent vous l’amène vite! Elle suivit du regard le petit homme joufflu repartir penaud, avec un rien de soulagement dans le creux des joues, comme le papillon ayant échappé à la toile de l’araignée.
Petit monsieur, tu es bien gentil, mais trop petit, trop joufflu, ton crâne est trop chauve. Tu n’es pas celui que je cherche…
Et qui attends-tu, Lan-Lan?
Une nouvelle fois, elle portait à ses lèvres le verre ambré et embué par la liqueur froide, incertaine, ignorant encore si ce rendez-vous serait honoré… Ou non. Après tout, il était fort probable qu’il ne vienne pas. Qui voudrait se revoir après pareilles circonstances? La désastreuse enquête chez les Xi, la course intestine du viscuphage… Aucune de ces aventures n’avait le goût du reviens-y. Et pourtant… Pourtant, elle se languissait presque de revoir ces visages, l’hémoglobine, l’adrénaline. Et aujourd’hui, cette adrénaline s’appelait - en surface - Gerald d’Omanie. Une étiquette posée sur une arme déguisée en enfant de la cour. Quel gâchis de devoir ainsi poser un masque sur un tel prodige des épées.
Et elle devait bien se l’admettre, elle désespérait presque de n’en savoir si peu… Juste assez pour savoir où le trouver. Elle avait missionnée une servante des Fà pour déposer sur son chemin une lettre fermée sur laquelle était posée une branche fleurie de fuschia. Dans la lettre, une invitation pour le café des amis. Dans la fleur, le parfum des affaires. Des manigances.
Finalement, n’était-ce pas là la croisée de leur chemin? Là où le destin réunirait, enfin, le loup et le serpent?
Tout du moins, si le loup voulait bien venir.
Une goutte d’eau tombe dans le verre ambré.
Ah.
Il commençait à pleuvoir.
Dim 7 Juil - 22:33
Subtile missive qui m’est parvenue ce jour. Rares sont les personnes qui peuvent ainsi me joindre, ce qui limite, avant même l’ouverture de cette lettre, le nombre de candidats possibles à cette réalisation. J’apprécie jouer aux détectives, comme ceux que l’on peut lire dans certains récits d’aventures. Une fois le nombre de personnes potentielles en tête, j’utilise mon nom pour flairer une odeur, un parfum, présent sur le bout de papier. Cela me permet d’éliminer un grand nombre d’individus. En fait, l’odeur m’évoque rapidement une personne, ce qui ne me laisse plus qu’un seul choix possible : Lan-Lan. En réalité, la branche fleurie de fuschia donne suffisamment d’informations sur l’auteure de cette lettre. En effet, je lui ai ouvert cette voie de communication pour me joindre, passant par un réseau de « sans domiciles » à qui je rends régulièrement des services.
Officieusement « homme-lige » de sa Majesté, encore plus officieusement membre de la Guilde des Assassins, je ne suis qu’officiellement un simple servant de la cour ou un jeune homme de la bourgeoisie xandrienne, du nom de Geralt d’Omanie. Deux couvertures travaillées et peaufinée à travers les années, qui me permettent à la fois d’être au plus proche du roi, mais aussi de voyager en son nom avec des moyens presque non-quantifiables. Cette missive arriva donc dans les écuries, réceptionnée par le palefrenier, un des rares amis dont je dispose dans ce maudit palais. Mademoiselle Fà, une noble personne qui œuvre pour les intérêts de notre pauvre nation, soumise à des accords politiques déshonorantes. Avec quelques braves personnes, dont ce charmant bout de femme, nous tentons de prendre notre indépendance et honorer l’image de Xandrie. Chose qui est loin d’être aisée avec un roi aussi couard et aussi peu intéressé par les enjeux de sa nation. S’il n’était pas mon grand-père, je l’aurais certainement déjà assassiné. Mais je dois me contenir et ne pas faillir. Ce jour arrivera et cette opportunité me sera donnée.
Une adresse, un lieu, c’est tout ce qu’offre cette lettre. Inutile d’en savoir davantage, elle me fournira la suite en ma présence. Le Café des Amis, hein. Ma profession m’a bien souvent entraîné dans cette taverne pour y récolter diverses informations. Aujourd’hui, c’est à Geralt d’Omanie, assez réputé dans tout Xandrie, de s’y rendre pour retrouver sa vieille amie. Cette relation n’est en réalité pas si vieille, mais les aventures passées l’ont bien vieilli. Si elle a pris la peine de me contacter, c’est qu’elle a de bonnes raisons et ma curiosité d’investigateur me pousse à en apprendre davantage. Je commande donc à cocher qui arrivera dans les prochaines minutes, juste le temps de m’apprêter correctement. Etant donné que le rendez-vous a lieu dans les vieux quartiers sales et puants, je sors mes bottes que j’utilise habituellement pour les aventures en milieu hostile. Quant au reste, je m’habille simplement d’un élégant pantalon noir et d’une chemise blanche, élégante et décontractée, légèrement déboutonnée pour laisser mon torse saillant en sortir. J’enfile ma perruque, une longue chevelure blonde, que j’attache en queue de cheval avec un joli nœud de papillon. Un brin de parfum et je descends par un de mes accès secrets, afin de quitter le palais en toute discrétion.
Une vingtaine de minutes plus tard, je me trouve face à l’établissement indiqué, qui n’a absolument pas changé depuis ma dernière visite. La ruelle non plus d’ailleurs. Toujours aussi dégoutante. A chaque pas, je peux apprécier un « pouic » très mélodieux. Et par-dessus tout, la pluie se met à tomber. Je rentre sans trop d’hésitation, légèrement humide. A l’intérieur, la plupart des regards se tournèrent vers moi. Beaucoup savent qui je suis et ma présence n’annonce souvent rien de bon. Qu’ils se rassurent de suite, je ne viens pas pour leurs histoires de bandit. Je ne traite pas d’affaires aussi futiles. Rapidement, dans ce décor des plus maussades, j’aperçois un beau visage parmi tous les autres. Une belle femme somptueusement vêtue, comme à son habitude, attend patiemment l’arrivée de son invité. Faire attendre une femme, quelle honte ! D’une démarche calme mais assurée, je la rejoins et m’installe sans cérémonie en face d’elle.
« Quel plaisir de vous revoir, Lan-Lan. Je suis assez étonné de nous retrouver tous les deux en ce lieu, mais j’imagine sans mal que ce dont vous à me parler ne peut se dire dans les établissements que nous côtoyons habituellement. », dis-je d’un ton neutre en appelant le tavernier d’un geste de la main. Nous attendons qu’il me ramène le verre de whisky quelques minutes plus tard pour reprendre la discussion. « Pardonnez-moi mes manières abruptes, je préfère traiter de l’essentiel avant de profiter ensuite, comme vous le savez. ». Si elle n’est pas du genre à se vexer et qu’elle connaît Geralt mieux que beaucoup d’autres, je préfère me montrer prévenant malgré tout. Entretenir de bonnes relations avec cette amie est une priorité absolue. Elle peut ouvrir des portes que je ne peux pas encore toucher du doigt.
Officieusement « homme-lige » de sa Majesté, encore plus officieusement membre de la Guilde des Assassins, je ne suis qu’officiellement un simple servant de la cour ou un jeune homme de la bourgeoisie xandrienne, du nom de Geralt d’Omanie. Deux couvertures travaillées et peaufinée à travers les années, qui me permettent à la fois d’être au plus proche du roi, mais aussi de voyager en son nom avec des moyens presque non-quantifiables. Cette missive arriva donc dans les écuries, réceptionnée par le palefrenier, un des rares amis dont je dispose dans ce maudit palais. Mademoiselle Fà, une noble personne qui œuvre pour les intérêts de notre pauvre nation, soumise à des accords politiques déshonorantes. Avec quelques braves personnes, dont ce charmant bout de femme, nous tentons de prendre notre indépendance et honorer l’image de Xandrie. Chose qui est loin d’être aisée avec un roi aussi couard et aussi peu intéressé par les enjeux de sa nation. S’il n’était pas mon grand-père, je l’aurais certainement déjà assassiné. Mais je dois me contenir et ne pas faillir. Ce jour arrivera et cette opportunité me sera donnée.
Une adresse, un lieu, c’est tout ce qu’offre cette lettre. Inutile d’en savoir davantage, elle me fournira la suite en ma présence. Le Café des Amis, hein. Ma profession m’a bien souvent entraîné dans cette taverne pour y récolter diverses informations. Aujourd’hui, c’est à Geralt d’Omanie, assez réputé dans tout Xandrie, de s’y rendre pour retrouver sa vieille amie. Cette relation n’est en réalité pas si vieille, mais les aventures passées l’ont bien vieilli. Si elle a pris la peine de me contacter, c’est qu’elle a de bonnes raisons et ma curiosité d’investigateur me pousse à en apprendre davantage. Je commande donc à cocher qui arrivera dans les prochaines minutes, juste le temps de m’apprêter correctement. Etant donné que le rendez-vous a lieu dans les vieux quartiers sales et puants, je sors mes bottes que j’utilise habituellement pour les aventures en milieu hostile. Quant au reste, je m’habille simplement d’un élégant pantalon noir et d’une chemise blanche, élégante et décontractée, légèrement déboutonnée pour laisser mon torse saillant en sortir. J’enfile ma perruque, une longue chevelure blonde, que j’attache en queue de cheval avec un joli nœud de papillon. Un brin de parfum et je descends par un de mes accès secrets, afin de quitter le palais en toute discrétion.
Une vingtaine de minutes plus tard, je me trouve face à l’établissement indiqué, qui n’a absolument pas changé depuis ma dernière visite. La ruelle non plus d’ailleurs. Toujours aussi dégoutante. A chaque pas, je peux apprécier un « pouic » très mélodieux. Et par-dessus tout, la pluie se met à tomber. Je rentre sans trop d’hésitation, légèrement humide. A l’intérieur, la plupart des regards se tournèrent vers moi. Beaucoup savent qui je suis et ma présence n’annonce souvent rien de bon. Qu’ils se rassurent de suite, je ne viens pas pour leurs histoires de bandit. Je ne traite pas d’affaires aussi futiles. Rapidement, dans ce décor des plus maussades, j’aperçois un beau visage parmi tous les autres. Une belle femme somptueusement vêtue, comme à son habitude, attend patiemment l’arrivée de son invité. Faire attendre une femme, quelle honte ! D’une démarche calme mais assurée, je la rejoins et m’installe sans cérémonie en face d’elle.
« Quel plaisir de vous revoir, Lan-Lan. Je suis assez étonné de nous retrouver tous les deux en ce lieu, mais j’imagine sans mal que ce dont vous à me parler ne peut se dire dans les établissements que nous côtoyons habituellement. », dis-je d’un ton neutre en appelant le tavernier d’un geste de la main. Nous attendons qu’il me ramène le verre de whisky quelques minutes plus tard pour reprendre la discussion. « Pardonnez-moi mes manières abruptes, je préfère traiter de l’essentiel avant de profiter ensuite, comme vous le savez. ». Si elle n’est pas du genre à se vexer et qu’elle connaît Geralt mieux que beaucoup d’autres, je préfère me montrer prévenant malgré tout. Entretenir de bonnes relations avec cette amie est une priorité absolue. Elle peut ouvrir des portes que je ne peux pas encore toucher du doigt.
Dim 21 Juil - 17:39
L'assassin et l'empoisonneuse
Il s’annonçait sur un parfum.
Le temps s'étirait comme un fil, tendu entre elle et la porte qui restait obstinément fermée. Faire attendre une Fà? Impossible. Le glaçon dans le fond de son verre était à peine entamé, encore taillé comme une sphère. Alors était-ce elle qui fanait, Impatiente pivoine ? Sans doute.
Elle trépignait d’impatience.
L’esprit ailleurs, les yeux perdus sur la fenêtre qui ne lui renvoyait que l’image d’une Xandrie froide et humide, poisseuse même, une bouillie odorante que la pluie venait touiller, elle rongeait son frein, elle qui pourtant n’attendait pas depuis longtemps. Un secret au bout de ses lèvres - à chaque gorgée elle prenait grand soin à ne pas le laisser tomber par accident au fond du verre au risque de ne plus pouvoir le récupérer. Un secret aussi enivrant que le liquide trouble et brun, aussi piquant sans doute, une promesse de puissance autant qu’une promesse d’exil.
C’est une odeur de musc qui finit de la tirer de son rêve. Le parfum subtil des garçons de cours, une fragrance qui changeait grandement de celles des marécages - pour le mieux bien sûr. Un bonheur de le retrouver sous la pluie du pays plutôt que dans une ruine dominée par la boue et les carcasses. Ici au moins, les seuls serpents qu’ils risqueraient d’affronter se résumaient à eux.
Levant les yeux vers la porte, elle observa Géralt s’approcher, fringuant produit de la noblesse aux airs un rien plus sauvage. Si elle ne l’avait pas vu dans les ombres et les gerbes de sang, elle aurait pu jurer voir un énième courtisan qui gambade dans le palais à la recherche de quelques mots de couloir ou d’aventures pour orner son tableau de chasse. Curieusement, la salle entière semblait s’habiller de silence en sa présence, comme si il sonnait par son entrée un glas plus… funeste.
Intéressant… A chaque seconde, plus intéressant.
Plaisir partagé, Géralt. Son sourire s'étend, douce courbe chargée de mystère. Ses yeux mauves le regardèrent s’installer paisiblement, apportant avec lui son odeur d’ambre et de la pluie qu’il n’avait pu pleinement éviter. Oserait-elle croire qu’il s'était empressé ? Apprêté ainsi, mis en valeur par sa tenue subtilement ouverte, on le jurerait à un rendez vous galant. Et pourtant… Il se pourrait bien que vous ayez raison.
Son impatience fond à vue d'œil maintenant que le loup lui fait face. Finalement, elle en profiterait presque pour s’amuser un peu. Qui n’aime pas les énigmes, après tout ? Et le théâtre de ce bouge lui offrait la scène parfaite. Pourquoi ? Car il était des secrets que mêmes ces murs usés et vétustes ne sauraient porter.
Lan-Lan ne quittait jamais son sourire sucré, mais mine de rien, elle se détendait doucement. L’alcool qui s’imposait à ses veines y était peut-être pour quelque chose, mais elle savait également qu’il y avait entre eux davantage que des “et si”. Chacun avait constaté chez l’autre la présence d’une part plus sombre et s’en était parfaitement accommodé, bâtissant sur celle-ci une confiance de circonstance mais qu’un rien rendrait pérenne. Il s’était lui aussi commandé un verre, et dans l’attente, elle lui épargna les mondanités - sans nul doute qu’il n’était pas là pour ça et que son temps était précieux. Pour le roi ou pour d'autres ? Un énième mystère qu'elle avait à percer sur le mystérieux représentant du roi.
Efficace, comme toujours. Lui dit-elle en levant son verre dans sa direction.Votre professionnalisme vous honore.
Petit mot par petit mot, elle installait le décor. Qui était-elle pour ne pas nourrir le loup de l’objet de ses désirs? Lan-Lan avala une épaisse gorgée de son breuvage dont elle sentit le poid et la chaleur jusque dans son ventre. Elle avait besoin de son aide pour une nouvelle mission.
Il leur faudrait bien un homme aussi efficace que lui…
Êtes vous au courant de ce qu’il s’est passé au Mesnon, il y a quelque temps ? Une affaire sordide, un double meurtre, sans doute l’affaire d’un strigoi. Elle ne ménageait pas son ton - badinant tranquillement comme une énième mondanité. Mais sous ses mots se cachait une autre histoire, les prémices d’une enquête plus vaste. Le coupable a pris la fuite par le Sud, mais nous avons une petite idée de son identité… Le roi, particulièrement, doit en garder des souvenirs mitigés.
Elle avait murmuré ses dernières paroles pour s’assurer que cet aveu ne soit audible que d’eux seuls. Mais elle ne craignait pas grand - chose - dans cette taverne, chacun amenait son lot d’histoires terribles, d’affaires sombres, de contrats aberrants quand il ne s’agissait pas de simple affaire de mafia. Par respect, on ne s’écoutait pas, chacun vacant à ses oignons sans trop s’attarder sur les tables voisines - une loi du silence tacite qui permettait de se protéger de secrets trop lourds. Mais ils tranchaient trop sur le décors, l’un comme l’autre. Aussi il valait mieux se protéger des oreilles indiscrètes qui flairaient des affaires de noblesse et possiblement des contrats juteux.
Il y a que nous avons ferré un gros poisson. Un poisson qui doit en savoir… Beaucoup. Et qui a déjà failli à Xandrie par une fois. En parlant, ses yeux brillaient des lueurs de l’ambition, de l’étincelle de la révolte. Ils s’illuminaient de pouvoir. Attraper ce poisson ne sera pas facile mais… Ils pourraient nous rapporter bien plus que des astras. Sa voix tomba, son visage s’assombrit, elle se révélait dans tout son sérieux. Ils ne devaient pas échouer. Et elle cherchait le meilleur pour arriver à cette fin. Mais pour poursuivre, il me faut l’assurance que quoiqu’il advienne, cela ne remontera pas aux oreilles du roi. Dans notre intérêt… Commun.
Elle savait Geralt au bout d’une laisse dont elle ignorait encore tout à fait la nature. Mais si il était le limier de sa majesté, c’était bien pour une raison - un moyen de pression qui obligerait un homme aussi tranchant que lui à lui rendre des comptes. Et les laisses, elle n’aimait pas ça. Non, comme un chien fou, elle était prête à les ronger.
C’était néanmoins un paris risqué… Elle avait dit juste ce qu’il fallait pour encore brouiller les pistes. Pour noyer le poisson et s'enfuir, partir en fumée. Mais perdre un si bel atout lui peinerait - aussi priait-elle pour attiser le feu et la curiosité de son interlocuteur. Juste assez pour le compter parmi ses alliés.
Elle trépignait d’impatience.
L’esprit ailleurs, les yeux perdus sur la fenêtre qui ne lui renvoyait que l’image d’une Xandrie froide et humide, poisseuse même, une bouillie odorante que la pluie venait touiller, elle rongeait son frein, elle qui pourtant n’attendait pas depuis longtemps. Un secret au bout de ses lèvres - à chaque gorgée elle prenait grand soin à ne pas le laisser tomber par accident au fond du verre au risque de ne plus pouvoir le récupérer. Un secret aussi enivrant que le liquide trouble et brun, aussi piquant sans doute, une promesse de puissance autant qu’une promesse d’exil.
C’est une odeur de musc qui finit de la tirer de son rêve. Le parfum subtil des garçons de cours, une fragrance qui changeait grandement de celles des marécages - pour le mieux bien sûr. Un bonheur de le retrouver sous la pluie du pays plutôt que dans une ruine dominée par la boue et les carcasses. Ici au moins, les seuls serpents qu’ils risqueraient d’affronter se résumaient à eux.
Levant les yeux vers la porte, elle observa Géralt s’approcher, fringuant produit de la noblesse aux airs un rien plus sauvage. Si elle ne l’avait pas vu dans les ombres et les gerbes de sang, elle aurait pu jurer voir un énième courtisan qui gambade dans le palais à la recherche de quelques mots de couloir ou d’aventures pour orner son tableau de chasse. Curieusement, la salle entière semblait s’habiller de silence en sa présence, comme si il sonnait par son entrée un glas plus… funeste.
Intéressant… A chaque seconde, plus intéressant.
Plaisir partagé, Géralt. Son sourire s'étend, douce courbe chargée de mystère. Ses yeux mauves le regardèrent s’installer paisiblement, apportant avec lui son odeur d’ambre et de la pluie qu’il n’avait pu pleinement éviter. Oserait-elle croire qu’il s'était empressé ? Apprêté ainsi, mis en valeur par sa tenue subtilement ouverte, on le jurerait à un rendez vous galant. Et pourtant… Il se pourrait bien que vous ayez raison.
Son impatience fond à vue d'œil maintenant que le loup lui fait face. Finalement, elle en profiterait presque pour s’amuser un peu. Qui n’aime pas les énigmes, après tout ? Et le théâtre de ce bouge lui offrait la scène parfaite. Pourquoi ? Car il était des secrets que mêmes ces murs usés et vétustes ne sauraient porter.
Lan-Lan ne quittait jamais son sourire sucré, mais mine de rien, elle se détendait doucement. L’alcool qui s’imposait à ses veines y était peut-être pour quelque chose, mais elle savait également qu’il y avait entre eux davantage que des “et si”. Chacun avait constaté chez l’autre la présence d’une part plus sombre et s’en était parfaitement accommodé, bâtissant sur celle-ci une confiance de circonstance mais qu’un rien rendrait pérenne. Il s’était lui aussi commandé un verre, et dans l’attente, elle lui épargna les mondanités - sans nul doute qu’il n’était pas là pour ça et que son temps était précieux. Pour le roi ou pour d'autres ? Un énième mystère qu'elle avait à percer sur le mystérieux représentant du roi.
Efficace, comme toujours. Lui dit-elle en levant son verre dans sa direction.Votre professionnalisme vous honore.
Petit mot par petit mot, elle installait le décor. Qui était-elle pour ne pas nourrir le loup de l’objet de ses désirs? Lan-Lan avala une épaisse gorgée de son breuvage dont elle sentit le poid et la chaleur jusque dans son ventre. Elle avait besoin de son aide pour une nouvelle mission.
Il leur faudrait bien un homme aussi efficace que lui…
Êtes vous au courant de ce qu’il s’est passé au Mesnon, il y a quelque temps ? Une affaire sordide, un double meurtre, sans doute l’affaire d’un strigoi. Elle ne ménageait pas son ton - badinant tranquillement comme une énième mondanité. Mais sous ses mots se cachait une autre histoire, les prémices d’une enquête plus vaste. Le coupable a pris la fuite par le Sud, mais nous avons une petite idée de son identité… Le roi, particulièrement, doit en garder des souvenirs mitigés.
Elle avait murmuré ses dernières paroles pour s’assurer que cet aveu ne soit audible que d’eux seuls. Mais elle ne craignait pas grand - chose - dans cette taverne, chacun amenait son lot d’histoires terribles, d’affaires sombres, de contrats aberrants quand il ne s’agissait pas de simple affaire de mafia. Par respect, on ne s’écoutait pas, chacun vacant à ses oignons sans trop s’attarder sur les tables voisines - une loi du silence tacite qui permettait de se protéger de secrets trop lourds. Mais ils tranchaient trop sur le décors, l’un comme l’autre. Aussi il valait mieux se protéger des oreilles indiscrètes qui flairaient des affaires de noblesse et possiblement des contrats juteux.
Il y a que nous avons ferré un gros poisson. Un poisson qui doit en savoir… Beaucoup. Et qui a déjà failli à Xandrie par une fois. En parlant, ses yeux brillaient des lueurs de l’ambition, de l’étincelle de la révolte. Ils s’illuminaient de pouvoir. Attraper ce poisson ne sera pas facile mais… Ils pourraient nous rapporter bien plus que des astras. Sa voix tomba, son visage s’assombrit, elle se révélait dans tout son sérieux. Ils ne devaient pas échouer. Et elle cherchait le meilleur pour arriver à cette fin. Mais pour poursuivre, il me faut l’assurance que quoiqu’il advienne, cela ne remontera pas aux oreilles du roi. Dans notre intérêt… Commun.
Elle savait Geralt au bout d’une laisse dont elle ignorait encore tout à fait la nature. Mais si il était le limier de sa majesté, c’était bien pour une raison - un moyen de pression qui obligerait un homme aussi tranchant que lui à lui rendre des comptes. Et les laisses, elle n’aimait pas ça. Non, comme un chien fou, elle était prête à les ronger.
C’était néanmoins un paris risqué… Elle avait dit juste ce qu’il fallait pour encore brouiller les pistes. Pour noyer le poisson et s'enfuir, partir en fumée. Mais perdre un si bel atout lui peinerait - aussi priait-elle pour attiser le feu et la curiosité de son interlocuteur. Juste assez pour le compter parmi ses alliés.
Sam 3 Aoû - 13:17
Ma chère Lan-Lan, je pourrais passer des heures à t’écouter sans ne jamais m’en lasser. Son doux parfum qui m’embaume les narines, observer ses belles lèvres se mouvoir, ses yeux mauves dans lesquels je me noie… toujours un plaisir exquis que d’échanger avec elle ! Pourtant, je vous l’assure, nos sujets de conversation n’ont absolument rien de charmant. Par exemple, bien subtilement, elle évoque une scène macabre qui eu lieu dans la forêt du Mesnon. Ce diable de Wanath a voulu m’y envoyer pour enquêter, mais quelques recherches au sein de mon réseau m’ont confirmé que la famille Fà s’en est occupé. Je n’ai pas pu rêver mieux pour éviter un boulot supplémentaire aussi fastidieux. Je hais les strigois. Ils me font peur. Je soupçonne Vladimir Von Arendt d’en être et le courant passe très mal entre nous.
« Une mère et son enfant déchiquetés… terrible affaire. Un strigoi un peu trop gourmand. Si mes informations sont exactes, votre sœur, Shizo, était aux commandes de l’enquête. Travailler en famille a parfois du bon. », ai-je en buvant une gorgée de mon verre que je viens de recevoir. Quant au suspect, Lan-Lan instille volontairement en moi la réflexion en mentionnant la proximité avec le roi. Cela devait être un individu de sa cour. Or, j’ai aussi pour mission d’observer les faits et gestes de chacun d’entre eux. Rien de suspect. Et si on regarde les précédents membres, il n’y en a qu’un seul dont j’ai perdu la trace. Mes yeux s’illuminent. C’est effectivement le seul qui provoque des migraines chez le roi, rien qu’à la prononciation de son nom. Beaucoup souhaitent voir la tête de cet individu sur un piquet. Pour sûr, il rapporterait énormément d’astras pour quiconque le capturerait.
Je m’excite. Mon cœur s’emballe. Ma formation m’oblige à ne rien montrer, mais je ressens l’adrénaline monter en moi. « Admettons que nous parlons du même suspect – je suis sûr que c’est le cas -, comment procéderons-nous ? ». Oui, je m’inclus directement dedans. Il est évident que le bout de femme est ici pour me proposer de l’aider à capturer l’ancien ministre, précédemment nommé Ekiel. J’ignorais jusqu’à ce jour son appartenance au cercle fermé des strigois. Cela complique un peu la tâche. Je bois mon verre d’un cul-sec avant de faire signe à la tavernière de me remettre la même chose. J’attends qu’elle reparte pour reprendre la parole. Chacune de nos paroles peut nous mener à la potence, Lan-Lan et moi-même en avons conscience.
« Ne m’insultez pas, mademoielle Fà. Vous savez bien que vos secrets sont entre de précieuses mains. », dis-je sans me vexer pour autant, sourire charmeur aux lèvres. Ce qui se joue est très gros et mérite toutes les précautions. La rouquine est parvenue à obtenir toutes ces informations… Je la sais redoutable, mais elle l’est encore plus que je ne l’imaginais. Mon réseau doit s’étendre davantage. Enchainer les missions pour le roi et pour la guilde me prend beaucoup trop de temps. Néanmoins, j’ai espoir que mon rôle auprès du roi prenne fin prochainement. Une crise se prépare sur Xandrie. Tous mes curseurs s’affolent. Toutes les cases se cochent les unes après les autres, les alertes distillés dans tout le royaume sonnent les unes après les autres. Capturer l’ancien ministre bousculerait les choses.
Lan-Lan l’a probablement pris en compte.
Jeu 15 Aoû - 10:40
L'assassin et l'empoisonneuse
Les grands esprits se rencontrent.
A quoi juge-t-on la bonne compagnie? Indices subtils, œillades appuyées, mots étouffés ou gestes délicats? Habituée des huis clos, Lan-Lan avait sa propre théorie: à la descente.
Les doigts croisés autour de son verre, elle renvoyait à Geralt le même regard qu’il lui lançait, trouvant dans ce dangereux équilibre un plaisir certain - loup et serpent, chacun cachait ses crocs et se montrait sous son meilleur jour. Aucun d’entre eux n’étaient entravés par des chaînes, ne rendant que l’alchimie plus franche. Oh, elle ne boudait pas de profiter de l’assassin sous la lumière de la Juste plutôt qu’en mission dans un marécages ou dans un manoir éloigné des campagnes de Xandrie. Il ne manquait pas de charme et de charisme - en bon esthètes, les Fà avaient l'œil pour les belles choses, appréciaient toujours l’élégante présence des gentilshommes, qu’ils soient notables, princes, ou assassins.
N’est-ce pas? Ma sœur est de loin la meilleure d’entre nous, je dois avouer profiter d’elle bien plus que l’inverse. On devrait tous pouvoir compter sur sa famille. Minimiser l’importance de Shizo dans son quotidien aurait été une grossière erreur. Son talon d’Achille et le centre de son monde, la commandante du Guet tirait bien des ficelles.
Comme le faisait Geralt, Lan-Lan avalait une nouvelle gorgée, mais ses yeux ne quittait pas son interlocuteur. Quel fascinant spectacle que celui du raisonnement. Quand une pensée apparaît, se développe, grossit, occupant tout l’espace. Elle marchait sur un fil en distillant tous ces secrets - jouant de parjure, cherchant à donner des indices sans trop en dire. Mais elle voyait dans ces yeux saphirs qu’il avait saisis tout à fait là où elle l’amenait, autour de qui gravitait leur conversation. Elle cherchait des signes, même subtils. Mais il ne laissait rien filtrer. Complètement imperméable, il était un mur. Et pourtant…
Il avala son whisky d’une traite - signe discret, il laissait enfin transparaître ses pensées. Elle en jubilait presque, cachant son excitation sous un sourire rond et doux, ses prunelles éclairées d’une lueur espiègle. Piètre créature, féline avide et vorace.
C’est tout ce que j’espérais, Geralt. Murmura-t-elle. Dans les mains les plus précieuses de Xandrie. Et les plus habiles, sans doute. Capable de défaire les rois nagas, peut-être même les rois, tout simplement.
En donnant son accord à ce blasphème, il trahissait secrètement avoir choisi son camp - elle lui demandait ouvertement de prendre partie contre le roi, en lui montrant que dans cette entreprise, il aurait plus de pouvoir à être de son côté plutôt que de celui de la couronne. Elle le savait obligé, mais n’imaginait pas qu’il l’était à ce point - au point de la suivre sans douter, sans poser davantage de question. Était-elle à ses yeux un espoir de liberté? Sans doute, oui. Elle était prête à lui apporter cela, à lui comme à toute la Xandrie.
Mais ce n’était pas encore le moment de voir aussi loin - il fallait encore se battre pour ce brillant avenir. Une bataille qui n’était pas gagné d’avance. Elle posa son verre, s’habilla d’un air songeur, regarda son ami avec plus d’intensité. Le comment serait une entreprise compliquée, laborieuse.
Admettons bien que nous parlons du même homme. Doucement, elle fit tourner la fin du glaçon qui hantait son verre dans le liquide ambré. Celui-ci a fuit Xandrie par le Sud il y a de ça des mois. Sans compter qu’il était réputé comme étant un homme d’esprit, je doute qu’il ait fait en sorte de pouvoir être trouvé facilement. Le Sud mène à Aramila, mais les voies du monde ne sont pas si imperméables - il a pu aller n’importe où. Pour les fuyards et les exilés, Aramila était une terre d’accueil propice. Humble, croyante, une nation de nouveaux départs et de rédemption. Mais une nation vaste, et elle savait que le ministre avait d’abord tissé des liens avec les Epistotes. Nous le trouverons, oui, mais d’abord il faudra remonter la piste jusqu’à lui. Et seulement là, le piéger pour le ramener vivant. Heureusement, nous serons assistés d’un fin limier.
Geralt était redoutable, et avant tout, il avait le courage de tuer. Mais dans cette entreprise, il faudrait qu’il mette sa force au service de la vie plutôt que de la mort - elle ne doutait absolument pas qu’il en soit capable, et bien au contraire, elle avait grandement hâte de le voir à l'œuvre. De plus, elle avait une foi aveugle en Chaya et son choix: si elle avait nommé l’agent Aramilan pour les aider, c’est qu’il avait les capacités de les mener à leur but. Ne manquait plus que l’accord précieux de l’assassin en face d’elle.
Le plus dur sera sûrement de vous trouver une bonne excuse pour vous absenter, Geralt. Car vous devrez supporter ma compagnie pendant de longues semaines.
Les doigts croisés autour de son verre, elle renvoyait à Geralt le même regard qu’il lui lançait, trouvant dans ce dangereux équilibre un plaisir certain - loup et serpent, chacun cachait ses crocs et se montrait sous son meilleur jour. Aucun d’entre eux n’étaient entravés par des chaînes, ne rendant que l’alchimie plus franche. Oh, elle ne boudait pas de profiter de l’assassin sous la lumière de la Juste plutôt qu’en mission dans un marécages ou dans un manoir éloigné des campagnes de Xandrie. Il ne manquait pas de charme et de charisme - en bon esthètes, les Fà avaient l'œil pour les belles choses, appréciaient toujours l’élégante présence des gentilshommes, qu’ils soient notables, princes, ou assassins.
N’est-ce pas? Ma sœur est de loin la meilleure d’entre nous, je dois avouer profiter d’elle bien plus que l’inverse. On devrait tous pouvoir compter sur sa famille. Minimiser l’importance de Shizo dans son quotidien aurait été une grossière erreur. Son talon d’Achille et le centre de son monde, la commandante du Guet tirait bien des ficelles.
Comme le faisait Geralt, Lan-Lan avalait une nouvelle gorgée, mais ses yeux ne quittait pas son interlocuteur. Quel fascinant spectacle que celui du raisonnement. Quand une pensée apparaît, se développe, grossit, occupant tout l’espace. Elle marchait sur un fil en distillant tous ces secrets - jouant de parjure, cherchant à donner des indices sans trop en dire. Mais elle voyait dans ces yeux saphirs qu’il avait saisis tout à fait là où elle l’amenait, autour de qui gravitait leur conversation. Elle cherchait des signes, même subtils. Mais il ne laissait rien filtrer. Complètement imperméable, il était un mur. Et pourtant…
Il avala son whisky d’une traite - signe discret, il laissait enfin transparaître ses pensées. Elle en jubilait presque, cachant son excitation sous un sourire rond et doux, ses prunelles éclairées d’une lueur espiègle. Piètre créature, féline avide et vorace.
C’est tout ce que j’espérais, Geralt. Murmura-t-elle. Dans les mains les plus précieuses de Xandrie. Et les plus habiles, sans doute. Capable de défaire les rois nagas, peut-être même les rois, tout simplement.
En donnant son accord à ce blasphème, il trahissait secrètement avoir choisi son camp - elle lui demandait ouvertement de prendre partie contre le roi, en lui montrant que dans cette entreprise, il aurait plus de pouvoir à être de son côté plutôt que de celui de la couronne. Elle le savait obligé, mais n’imaginait pas qu’il l’était à ce point - au point de la suivre sans douter, sans poser davantage de question. Était-elle à ses yeux un espoir de liberté? Sans doute, oui. Elle était prête à lui apporter cela, à lui comme à toute la Xandrie.
Mais ce n’était pas encore le moment de voir aussi loin - il fallait encore se battre pour ce brillant avenir. Une bataille qui n’était pas gagné d’avance. Elle posa son verre, s’habilla d’un air songeur, regarda son ami avec plus d’intensité. Le comment serait une entreprise compliquée, laborieuse.
Admettons bien que nous parlons du même homme. Doucement, elle fit tourner la fin du glaçon qui hantait son verre dans le liquide ambré. Celui-ci a fuit Xandrie par le Sud il y a de ça des mois. Sans compter qu’il était réputé comme étant un homme d’esprit, je doute qu’il ait fait en sorte de pouvoir être trouvé facilement. Le Sud mène à Aramila, mais les voies du monde ne sont pas si imperméables - il a pu aller n’importe où. Pour les fuyards et les exilés, Aramila était une terre d’accueil propice. Humble, croyante, une nation de nouveaux départs et de rédemption. Mais une nation vaste, et elle savait que le ministre avait d’abord tissé des liens avec les Epistotes. Nous le trouverons, oui, mais d’abord il faudra remonter la piste jusqu’à lui. Et seulement là, le piéger pour le ramener vivant. Heureusement, nous serons assistés d’un fin limier.
Geralt était redoutable, et avant tout, il avait le courage de tuer. Mais dans cette entreprise, il faudrait qu’il mette sa force au service de la vie plutôt que de la mort - elle ne doutait absolument pas qu’il en soit capable, et bien au contraire, elle avait grandement hâte de le voir à l'œuvre. De plus, elle avait une foi aveugle en Chaya et son choix: si elle avait nommé l’agent Aramilan pour les aider, c’est qu’il avait les capacités de les mener à leur but. Ne manquait plus que l’accord précieux de l’assassin en face d’elle.
Le plus dur sera sûrement de vous trouver une bonne excuse pour vous absenter, Geralt. Car vous devrez supporter ma compagnie pendant de longues semaines.
Dim 18 Aoû - 22:55
Voilà bien longtemps que je n’avais pas picolé. Les effets indésirables de l’alcool commencent à se faire ressentir. On m’a certes entraîné à résister à la boisson, en toutes circonstances, mais je préfère naturellement éviter. Je baisse le rythme et prends plus de temps à écouter les belles paroles de mon interlocutrice. Il est rare que je prenne plaisir à écouter une personne. C’est pourtant un pan essentiel de mon travail d’assassin, alors imaginez toute la peine que j’ai à chaque fois. Mais cette fois-ci, le moins que je puisse dire, est que je suis relativement à converser avec une « amie ». Oh ! J’ai osé employer ce terme. En effet, dans ma profession, cette notion d’amitié n’existe pas. Et, si je suis contre les idées préconçues, je dois avouer que ce conseil est fort utile.
S’amusant à tourner le liquide présent à l’intérieur de mon verre, je songe à l’importance de la famille. Une famille que dont je porte uniquement le nom. Quoi que récemment, à ma grande surprise, le grand chef a jugé utile de me coller son meilleur fils – biologique – dans mes pattes : Zephyr. Pas le plus bavard ni le plus expressif, comme son paternel, mais en plus charmant. Merci sa mère pour ce cadeau. Je dois quand même admettre que son appuie est des plus utiles. Avant, je devais me débrouiller totalement seul. Ce qui me prenait deux jours ne m’en prenait plus qu’un seul. « En effet. Les liens du sang sont incontestablement nécessaires à notre réussite. », ai-je dit simplement.
Les flatteries de Lan-Lan ne me laissent pas indifférentes, mais qui serais-je pour me laisser abuser ainsi ? Mon côté « humain » apprécie, mais l’ « assassin » balaye toutes ces émotions d’un revers de main. Les mains les plus précieuses de Xandrie, hein. Rien que cela. Je sais cela erroné car de nombreuses personnes aux compétences exceptionnelles résident au sein du royaume. J’en ai la preuve sous mes yeux. La famille Fà regorge de talents, notamment avec Shizo et Lan-Lan qui le démontrent quotidiennement. J’acquiesce pour que nous embrayons sur la suite. Je prétends avoir du temps, sauf que la réalité est un peu différente. Chaque minute m’est comptée, même si je suis prêt à sacrifier des heures entières pour cette demoiselle.
Elle m’expose alors ce qu’elle détient comme informations. Ekiel, parce qu’on parlait bien de lui, est un homme rusé. Ancien ministre de ce prétendu gouvernement, il a mené tout le monde à la baguette et a su manipuler tout son personnel. Et ses collègues, accessoirement. Officiellement serviteur du roi, je n’avais pas de raison de le rencontrer, ni de le surveiller, puisque mon cher et tendre grand-père lui vouait une confiance absolue. Plus qu’à sa propre famille, d’ailleurs. Bref, je ne peux être que ravie par ce dénouement. Pour en revenir à la cible, s’il est effectivement parti vers le Sud, il peut très bien se trouver n’importe où à présent. Sauf qu’un homme en cavale, qui plus est sous une fausse identité, ne peut agir seul. Il a forcément besoin d’un soutien, qu’il soit financier, logistique ou humain. S’ils trouvent des potentiels complices, ils trouveront Ekiel. Personnellement, je ne mènerai pas l’enquête, d’autres m’attendent et je ne peux me démultiplier. De plus, aucun de mes informateurs n’a repéré de mouvements suspects dans leurs zones. L’ancien ministre est un gros malin. Il fait soif à présent. Une gorgée supplémentaire dans le gosier.
« Une excuse ? N’ayez crainte, je gère parfaitement mon emploi du temps. Survivrais-je assez longtemps à vos côtés ? », fis-je non sans dissimuler un sourire taquin. « En ce qui concerne notre gibier, il est naturel de commencer les recherches vers Aramila, où des témoins pourront peut-être confirmer qu’il y est au moins séjourner. Avec de la chance, beaucoup de chance, donner des pistes sur sa prochaine destination. Mais un fugitif poursuivit ne reste que rarement sur place. Il se déplace le plus régulièrement possible. »
Je ne dis pas cela pour la décourager, mais bien pour la motiver à ne pas se contenter que d’une seule possibilité. Quant à ma présence ici, je ne pense pas que ce soit pour participer aux recherches, sans quoi elle me l’aurait proposé avant. Non. Je pense qu’elle a besoin de mes services pour le piéger, éventuellement le neutraliser. Cela en dit long sur le danger que représente cet individu. Lan-Lan connait mes compétences, comme quelques rares personnes, et cela m’embête de devoir m’afficher devant d’autres personnes. Mais si, malgré cela, elle insiste tout de même, cela ne signifie qu’une chose : l’adversaire est extrêmement redoutable. Peut-être le sera-t-il pour moi aussi. Quoi qu’il en soit, je préfère ne rien dire et laisser ma comparse m’en dire davantage.
Lun 26 Aoû - 20:04
L'assassin et l'empoisonneuse
La chasse.
Le goût était fort, il fallait l’avouer. D’une puissance rare, même, une attaque mordante qui finissait heureusement sur quelques notes de vanille. Une boisson d’homme sans le moindre doute. Et pourtant, elle le sirotait comme un bon vin. Peut-être était-ce son amour de la puissance, ou plutôt sa capacité à annuler les effets de l’alcool quand elle le voulait. Ou sans doute un charmant mélange des deux.
Leur conversation allait bon train, abritée comme un cocon: une chrysalide qui ne pourrait donner naissance qu’à la plus létale des engeances. Curieusement, le bruit des clients et de la vaisselle ne faisait que s’amplifier de secondes en secondes, là où, dans leur coin, il semblait qu’ils étaient de plus en plus discrets. Ils brassaient à l’opposé du courant de cette ville étouffé - pour mieux la libérer.
Sa remarque lui arracha un sourire - survivre avec une Fà? Exercice bien périlleux; mais ils s’étaient déjà côtoyés, et jusqu’en enfer, sans qu’il n’y trouve le trépas - preuve qu’on pouvait lui survivre plutôt facilement - si on mettait de côté les aventures délirantes dans lesquelles elle s’entêtait à s’aventurer. Il faut choisir son poison, lui répétait sa mère. Peut-être que pour elle, c’était l’adrénaline. Une nouvelle-fois, elle fit tournoyer le glaçon dans le fond de son verre, créant une petite mélodie gelée. Et pour lui, qu’est-ce que ça pourrait être?
Cela ne fait absolument aucun doute, Gerald. Après tout, comment pourrais-je représenter le moindre danger pour vous? Elle lui renvoyait le même sourire teinté d'espièglerie, jouant avec les contours du miroir et des secrets enfouis. C’est peut-être à moi de me méfier.
Alors qu’elle s’abreuvait à son tour, le gentilhomme lui fit part de ses réflexions - à peine dans le secret qu’il était déjà en train de s’investir, un signe tout à fait prometteur pour elle qui voyait déjà le marché conclu. Mais ce qu’il avait à dire n’était pas pour la couronner de joie - au contraire. Elle prenait de plus en plus la mesure de l’ampleur de la tâche qui les attendait, et l’assassin semblait tout aussi clairvoyant, sinon plus. Ils mettaient en réalité dans un épais nœud de serpent: en son cœur, le plus volatile des dragons. Foncer tête baissée revenait à chercher à attraper de la fumée avec les mains.
Son visage se nappa d’un masque sérieux, lisse créature, perdue dans ses pensées. Son regard se perdit dans la pluie - l’odeur de petrichor lui chatouillait les narines, à moins que ça ne soit les rues sales des bas-fonds de la capitale, la boue des sphères obscures et des rues malfamées. Gerald avait mis le doigt sur un point nerveux. Épineux, même. Le nerf de leur petite guerre qui n’avait pourtant pas encore commencé. Ekiel était en mouvement perpétuel - nul doute qu’il avait le temps de parcourir tout le pays avant qu’ils ne trouvent ne serait-ce qu’un indice sur son nouveau lieu de villégiature. Et même si elle avait entièrement confiance en leurs capacités, il fallait bien commencer quelque part. Ils ne pourraient jamais se contenter de “et si”. Leur seul espoir serait de l’intercepter, donc de connaître exactement sa position. Seulement là, la vraie traque pourrait commencer.
Avez-vous déjà chassé, Monsieur d’Omanie? Demanda-t-elle innocemment. Elle avait arrêté complètement de jouer avec sa boisson, se contentant de regarder tranquillement la pluie. J’ai rarement eu cette occasion. Mais la seule fois où l’on me permit de me joindre à mon père, j’ai admiré la beauté de cette activité. Le plus important n’est pas la mise à mort - ni l’affrontement. Il faut parfaitement connaître l’animal, ses habitudes, ce qu’il veut… Une fois que l’on peut prédire ses moindres déplacements, la chasse n’est plus un sport. C’est une certitude.
Elle ne croyait pas en une traque futile: quitter Xandrie pour Aramila ne rimerait à rien sans bien connaître la cible. Pour chasser, il fallait connaître. Découvrir cet homme, ses habitudes, ses connaissances, ses objectifs, ses réussites, ses défaites, ses amours… Jusqu’à le connaître mieux qu’il ne se connaissait lui-même. Ce serait seulement en le connaissant par cœur qu’ils pourraient le confronter. Et à ce moment-là, l’intercepter ne sera qu’un jeu d’enfant. Enfin… Le localiser était une chose. Pouvoir l’attraper, une autre. Naturellement, elle retrouva le regard de son élégant interlocuteur, espérant ne pas l’ennuyer.
Si nous commençons à Aramila, nous aurons plus de chances d’échouer. Si il faut commencer quelque part… C’est ici. Il se fait soif - elle le copia et avala d’une traite tout ce qu’il restait de son verre. Commençons par mieux connaître notre gibier… Nous finirons forcément par retrouver sa piste. Après tout… Même les prédateurs laissent des traces derrière eux.
La réputation du ministre était sulfureuse, passionnée: un vent chaud qui avait soufflé sur Xandrie et la cour, derrière son visage angélique se cachaient autant de rumeurs… Et autant de pistes à suivre. Ce sera à qui est le plus grand prédateur, j’imagine. Lui… Ou nous.
Leur conversation allait bon train, abritée comme un cocon: une chrysalide qui ne pourrait donner naissance qu’à la plus létale des engeances. Curieusement, le bruit des clients et de la vaisselle ne faisait que s’amplifier de secondes en secondes, là où, dans leur coin, il semblait qu’ils étaient de plus en plus discrets. Ils brassaient à l’opposé du courant de cette ville étouffé - pour mieux la libérer.
Sa remarque lui arracha un sourire - survivre avec une Fà? Exercice bien périlleux; mais ils s’étaient déjà côtoyés, et jusqu’en enfer, sans qu’il n’y trouve le trépas - preuve qu’on pouvait lui survivre plutôt facilement - si on mettait de côté les aventures délirantes dans lesquelles elle s’entêtait à s’aventurer. Il faut choisir son poison, lui répétait sa mère. Peut-être que pour elle, c’était l’adrénaline. Une nouvelle-fois, elle fit tournoyer le glaçon dans le fond de son verre, créant une petite mélodie gelée. Et pour lui, qu’est-ce que ça pourrait être?
Cela ne fait absolument aucun doute, Gerald. Après tout, comment pourrais-je représenter le moindre danger pour vous? Elle lui renvoyait le même sourire teinté d'espièglerie, jouant avec les contours du miroir et des secrets enfouis. C’est peut-être à moi de me méfier.
Alors qu’elle s’abreuvait à son tour, le gentilhomme lui fit part de ses réflexions - à peine dans le secret qu’il était déjà en train de s’investir, un signe tout à fait prometteur pour elle qui voyait déjà le marché conclu. Mais ce qu’il avait à dire n’était pas pour la couronner de joie - au contraire. Elle prenait de plus en plus la mesure de l’ampleur de la tâche qui les attendait, et l’assassin semblait tout aussi clairvoyant, sinon plus. Ils mettaient en réalité dans un épais nœud de serpent: en son cœur, le plus volatile des dragons. Foncer tête baissée revenait à chercher à attraper de la fumée avec les mains.
Son visage se nappa d’un masque sérieux, lisse créature, perdue dans ses pensées. Son regard se perdit dans la pluie - l’odeur de petrichor lui chatouillait les narines, à moins que ça ne soit les rues sales des bas-fonds de la capitale, la boue des sphères obscures et des rues malfamées. Gerald avait mis le doigt sur un point nerveux. Épineux, même. Le nerf de leur petite guerre qui n’avait pourtant pas encore commencé. Ekiel était en mouvement perpétuel - nul doute qu’il avait le temps de parcourir tout le pays avant qu’ils ne trouvent ne serait-ce qu’un indice sur son nouveau lieu de villégiature. Et même si elle avait entièrement confiance en leurs capacités, il fallait bien commencer quelque part. Ils ne pourraient jamais se contenter de “et si”. Leur seul espoir serait de l’intercepter, donc de connaître exactement sa position. Seulement là, la vraie traque pourrait commencer.
Avez-vous déjà chassé, Monsieur d’Omanie? Demanda-t-elle innocemment. Elle avait arrêté complètement de jouer avec sa boisson, se contentant de regarder tranquillement la pluie. J’ai rarement eu cette occasion. Mais la seule fois où l’on me permit de me joindre à mon père, j’ai admiré la beauté de cette activité. Le plus important n’est pas la mise à mort - ni l’affrontement. Il faut parfaitement connaître l’animal, ses habitudes, ce qu’il veut… Une fois que l’on peut prédire ses moindres déplacements, la chasse n’est plus un sport. C’est une certitude.
Elle ne croyait pas en une traque futile: quitter Xandrie pour Aramila ne rimerait à rien sans bien connaître la cible. Pour chasser, il fallait connaître. Découvrir cet homme, ses habitudes, ses connaissances, ses objectifs, ses réussites, ses défaites, ses amours… Jusqu’à le connaître mieux qu’il ne se connaissait lui-même. Ce serait seulement en le connaissant par cœur qu’ils pourraient le confronter. Et à ce moment-là, l’intercepter ne sera qu’un jeu d’enfant. Enfin… Le localiser était une chose. Pouvoir l’attraper, une autre. Naturellement, elle retrouva le regard de son élégant interlocuteur, espérant ne pas l’ennuyer.
Si nous commençons à Aramila, nous aurons plus de chances d’échouer. Si il faut commencer quelque part… C’est ici. Il se fait soif - elle le copia et avala d’une traite tout ce qu’il restait de son verre. Commençons par mieux connaître notre gibier… Nous finirons forcément par retrouver sa piste. Après tout… Même les prédateurs laissent des traces derrière eux.
La réputation du ministre était sulfureuse, passionnée: un vent chaud qui avait soufflé sur Xandrie et la cour, derrière son visage angélique se cachaient autant de rumeurs… Et autant de pistes à suivre. Ce sera à qui est le plus grand prédateur, j’imagine. Lui… Ou nous.
Mar 27 Aoû - 23:09
« Vous méfiez de moi ? S’il vous plaît, ne flattez pas tant mon égo, je ne saurais redescendre du piédestal sur lequel vous me placez. Je ne ferais pas de mal à une mouche. », ai-je dit en pouffant de rire. Nous savons tous les deux que c’est faux. Nos regards se croisent, on rigole, on se connait suffisamment pour savoir ce que nous sommes. Si seulement la vie pouvait être toujours aussi simple. Se comprendre avec de simples regards, sans avoir à articuler des mots qui ont souvent tendance à gâcher les bons moments. Cela rend même ce whisky bien meilleur.
Quant à l’évocation de la chasse, Lan-Lan ne peut le savoir, mais je chasse depuis l’âge de raison. Pas nécessairement des animaux, rares fois des bêtes, surtout des hommes et des femmes qui ont un contrat sur eux. Alors oui, je m’y connais en chasse. Un peu. Néanmoins, je reste assez d’accord avec son raisonnement. Mieux on connaît sa proie et mieux on la traquera. C’est une méthodologie que j’applique. Elle suggère donc de commencer l’enquête sur Xandrie, afin de mieux connaître notre trouble-fête. Aucun de mes indics ne m’a signalé une présence suspecte de ce fuyard. Je pourrais éventuellement enquêter, en apprendre davantage sur ses connaissances, ses alliés, qui l’auraient éventuellement aidé à s’échapper. Je le pourrais, oui.
« Hm. », fis-je songeur. « Je connais quelques personnes, disons hautement placés pour ne pas citer leurs fonctions, qui étaient proches de notre cible. Elles ne seront probablement peu bavardes à ce sujet, mais elles finiront par me parler. J’ai espoir qu’elles l’aient aidé ou qu’elles connaissent les personnes qui l’auraient fait. ». Je préfère concéder du terrain. Inutile d’être en désaccord avec Lan-Lan pour une histoire qui ne m’intéresse pas des masses. Elle pique ma curiosité, j’ai envie de retrouver cet individu pour le défi que cela représente, mais mon intérêt personnel est assez mince. D’autant qu’elle n’a pas vraiment tort de vouloir commencer par Xandrie. J’aime parfois prendre des risques pour gagner du temps. Mais je prends aussi le risque d’en perdre.
« Pour répondre à votre question, Lan-Lan, je chasse depuis que je sais tenir un couteau. Un ancien tire-au-flanc, un gratte-papier rémunéré par nos impôts, ne saura me semer éternellement. », ai-je dit en buvant une bonne gorgée pour calmer mes ardeurs. J’ai failli montrer de l’excitation. C’est précisément ce que je recherche : de l’excitation. Je trépine presque d’impatience à l’idée de commencer cette traque. Dès demain, je commencerais peut-être à mener ma petite enquête, à réveiller mon réseau, à solliciter Zéphyr pour qu’il fasse ses preuves. Un élément m’interpelle tout de même.
« Qu’adviendra-t-il de Xandrie ? Le royaume est, comme vous le savez, fracturé et en phase à des dérives. La capture de l’ancien ministre causera forcément un bouleversement. ».
Et oui, en tant que bourgeois venant d’une des plus grandes familles de la cité, je me dois de penser à l’avenir de notre demeure. C’est en réalité une question dont la réponse m’intéresse. J’aime habituellement parier sur l’avenir des vies humaines mais, cette fois-ci, je parierai sur l’avenir de Xandrie.
Ven 30 Aoû - 15:47
L'assassin et l'empoisonneuse
Cartes sur table.
Le rire - un sourire franc qui effaçait presque le contexte de ce lieu. Un semblant de normalité dans leur affaire obscure, remplaçant le sinistre par le paisible. Une prouesse bienvenue, qui ne faisait que renforcer l’aura tranquille qui les entourait déjà. Et il fallait bien le reconnaître: elle passait un bon moment. Sans la pression de son nom, sans les fils d’araignée à tirer doucement, sans les transactions, sans ambitions. Verre en main, sourire aux lèvres - finalement, c’était dans ces moments-là qu'on pouvait se sentir le mieux.
Pourtant, quand elle lui exposa son idée de d’abord creuser le terreau Xandrien, sa première réaction lui indiqua qu’il n’était pas tout à fait convaincu - prévisible sans doute, mais elle devait admettre qu’elle espérait le convaincre sans argumenter. Heureusement pour elle et sa langue teintée des prémices de l’alcool, elle n’eut pas à le faire - Gerald se rangea de son côté.
Ce serait parfait. Murmura-t-elle à son tour, posant une main sous son menton et vagabondant tranquillement des yeux. Que c’était agréable d’avoir quelqu’un de son côté. Et qui plus est, quelqu’un d’aussi haut placé: sa remarque le plaçait sous une toute autre lumière, une aura à présent éclairée d’or. Pour être reçu dans les cercles ministériels ou des grandes familles de Xandrie, il fallait soit avoir un rang similaire, soit un sauf-conduit, soit des relations. Et les Fà étaient bien placées pour savoir que les relations s'obtenaient parfois de façon plus ou moins honnêtes.
En quelques mots, il pavait d'or et déjà une voie royale devant eux pour obtenir plus d'informations. Mais il restait encore des ombres au tableau. Interroger les notables ne serait qu’un début, car elle visait la couche d’en dessous. Celle des secrets. Après tout, personne n’est celui qu’il prétend. Et surtout dans les plus hautes sphères, tout le monde mène une double vie. Et Lan-Lan en était persuadée: Ekiel Reyes Zadicus n’échappait pas à la règle. Sous ses airs de dandy, il devait bien cacher quelque chose - et avec un peu de chance, quelqu’un. Puissent-vos connaissances se montrer bavardes…
Non pas qu’elle redoutait le contraire - ou plutôt, pas pour elle. Elle n’osait pas imaginer ce que ces notables traverseraient si ils s’obstinaient à refuser des informations à son charmant camarade de tablée. Elle ne doutait en rien de ses capacités à obtenir des informations. Et curieusement… Lan-Lan ouvrit ses yeux, se chercha dans les prunelles d’azur, dans ces deux saphirs embuées par l’alcool, la liesse - elle cherchait le miroir. S’avouant que peut-être, elle lui ressemblait bien plus qu’elle ne voulait bien l’admettre. Si elle l’observait faire, deviendrait-elle meilleure?
Elle connaissait ses propres méthodes - félines, discrète. Serpentine; elle ondulait, recherchait les informations par des biais plus fleuris, féminins, se tissant une toile solide dont on ne s’échappe que quand elle le veut bien. Alors, que se passera-t-il en mélangeant le loup et le serpent? Quid de ces notables?
Elle frissonnait déjà de l’imaginer. Mais l’idée de faire trembler toutes ces têtes, même dans les bas-fonds, ne lui plaisait pas. Il faudrait que leur jeu reste discret, au risque de laisser courir à tout Xandrie le mot qu’on avait retrouvé la piste d’Ekiel Reyes Zadicus… Un secret qu’elle ne voulait en aucun cas ébruité. Aussi avait-elle pris des dispositions. A son tour, elle s’était prémunie, recherchant par ses contacts un objet qui pourrait leur être bien utile et qu’elle espérait bien récupérer avant le début des réjouissances.
A l’éternité, dans ce cas. Elle leva son verre face à lui, levant un toast à leur collaboration autant qu’à leur nouvelle entremise. Et à notre chasse.
Se fondre dans le décor devenait nécessaire - ils tranchaient sur le reste des convives qui commençaient à lever vers eux des regards appuyés. Sans doute l’effet de leurs atours un peu trop nobles pour un bouiboui mal famé. Même pétrie d’allégresse, Lan-Lan restait sur ses gardes, espérant ne pas attirer trop l’attention des clients qui commençaient à s’accumuler au-delà du raisonnable pour échapper à la pluie. Heureusement, ils étaient plutôt bien placés, coincés près d’une fenêtre.
Mais quand Gerald laissa échapper l’identité du ministre, elle en cracha presque le whisky qui baignait sa langue, et se retourna pour s’étouffer. Heureusement, personne ne sembla avoir remarqué ce petit écart - la princesse balaya la salle du regard, s’assurant qu’on ne les regardait que pour leur apparence guindée plutôt que pour leurs mots.
Mais il n’avait pas tort. Passé la tempête, elle recouvrit ses esprits, son calme, lissant son attitude: Gerald venait d’ouvrir une boîte profonde et encore obscure dans laquelle dansait le chaos. Doucement, elle se pencha en avant, posa son visage sur ses doigts entrelacés, le confrontant du regard comme pour mieux le sonder. Que pouvait-il bien cacher sous ce front d'albâtre? Que cachaient ce crâne d’argent? Rêvait-il d’un avenir différent, lui-aussi?
Il représente le pouvoir. Murmura-t-elle après quelques secondes à essayer de percer les mystères de ces deux turquoises. Xandrie est en train de changer. Et changera, sans aucun doute. Il y a en ce moment même des mouvements insaisissables qui déforment et changent tout le fond de la nation. Notre peuple hurle et souffre de ses chaînes. Et la gronde ne pourra bientôt plus être retenue, ni par la couronne, ni par le gouvernement. Le min… Notre poisson s’impose comme un atout. Autant une monnaie d’échange qu’un acte patriotique. Ses relations avec les révolutionnaires et ses actions de fond avec les monétaristes l'avaient déjà placé sur la corde extrême pour tenter de faire libérer son pays de son joug. Mais pour que ça aboutisse pleinement, la couronne devra changer de tête. Cela ne fait absolument aucun doute: le changement arrivera bientôt. Mais je préfère être du vent nouveau plutôt que de l’ancien monde. Et pour cela… Disons que nous devrons garder certaines cartes secrètes, et dans nos mains, avant le jour J.
Elle ne pouvait pas parler trop fort, trop pleinement, pas dans ce lieu, pas avec ces oreilles - même si elle n’avait aucun doute que la moitié de ces hommes devaient cracher sur le roi au moins plusieurs fois par jour. Le problème ne venait pas d’eux, mais d’elle. De lui. Elle le savait déjà plus ou moins opposé au roi - ou au moins souffrir d’un rapport de force inégal, utilisé par la couronne sans guère d’autres options que d’obéir. Mais si elle était une option, la suivrait-il? Si il pouvait bouleverser la couronne, le ferait-il?
Le sourire s’efface doucement. A la place, elle le regarda avec une rare intensité. Comme si elle venait, pour la première fois, de se livrer - elle espérait ardemment trouver en lui un allié de guerre, et non un compagnon de bataille. Mais seul l'intéressé pourrait lui répondre - pour une fois, elle avait été d’une rare, très rare honnêteté.
Pourtant, quand elle lui exposa son idée de d’abord creuser le terreau Xandrien, sa première réaction lui indiqua qu’il n’était pas tout à fait convaincu - prévisible sans doute, mais elle devait admettre qu’elle espérait le convaincre sans argumenter. Heureusement pour elle et sa langue teintée des prémices de l’alcool, elle n’eut pas à le faire - Gerald se rangea de son côté.
Ce serait parfait. Murmura-t-elle à son tour, posant une main sous son menton et vagabondant tranquillement des yeux. Que c’était agréable d’avoir quelqu’un de son côté. Et qui plus est, quelqu’un d’aussi haut placé: sa remarque le plaçait sous une toute autre lumière, une aura à présent éclairée d’or. Pour être reçu dans les cercles ministériels ou des grandes familles de Xandrie, il fallait soit avoir un rang similaire, soit un sauf-conduit, soit des relations. Et les Fà étaient bien placées pour savoir que les relations s'obtenaient parfois de façon plus ou moins honnêtes.
En quelques mots, il pavait d'or et déjà une voie royale devant eux pour obtenir plus d'informations. Mais il restait encore des ombres au tableau. Interroger les notables ne serait qu’un début, car elle visait la couche d’en dessous. Celle des secrets. Après tout, personne n’est celui qu’il prétend. Et surtout dans les plus hautes sphères, tout le monde mène une double vie. Et Lan-Lan en était persuadée: Ekiel Reyes Zadicus n’échappait pas à la règle. Sous ses airs de dandy, il devait bien cacher quelque chose - et avec un peu de chance, quelqu’un. Puissent-vos connaissances se montrer bavardes…
Non pas qu’elle redoutait le contraire - ou plutôt, pas pour elle. Elle n’osait pas imaginer ce que ces notables traverseraient si ils s’obstinaient à refuser des informations à son charmant camarade de tablée. Elle ne doutait en rien de ses capacités à obtenir des informations. Et curieusement… Lan-Lan ouvrit ses yeux, se chercha dans les prunelles d’azur, dans ces deux saphirs embuées par l’alcool, la liesse - elle cherchait le miroir. S’avouant que peut-être, elle lui ressemblait bien plus qu’elle ne voulait bien l’admettre. Si elle l’observait faire, deviendrait-elle meilleure?
Elle connaissait ses propres méthodes - félines, discrète. Serpentine; elle ondulait, recherchait les informations par des biais plus fleuris, féminins, se tissant une toile solide dont on ne s’échappe que quand elle le veut bien. Alors, que se passera-t-il en mélangeant le loup et le serpent? Quid de ces notables?
Elle frissonnait déjà de l’imaginer. Mais l’idée de faire trembler toutes ces têtes, même dans les bas-fonds, ne lui plaisait pas. Il faudrait que leur jeu reste discret, au risque de laisser courir à tout Xandrie le mot qu’on avait retrouvé la piste d’Ekiel Reyes Zadicus… Un secret qu’elle ne voulait en aucun cas ébruité. Aussi avait-elle pris des dispositions. A son tour, elle s’était prémunie, recherchant par ses contacts un objet qui pourrait leur être bien utile et qu’elle espérait bien récupérer avant le début des réjouissances.
A l’éternité, dans ce cas. Elle leva son verre face à lui, levant un toast à leur collaboration autant qu’à leur nouvelle entremise. Et à notre chasse.
Se fondre dans le décor devenait nécessaire - ils tranchaient sur le reste des convives qui commençaient à lever vers eux des regards appuyés. Sans doute l’effet de leurs atours un peu trop nobles pour un bouiboui mal famé. Même pétrie d’allégresse, Lan-Lan restait sur ses gardes, espérant ne pas attirer trop l’attention des clients qui commençaient à s’accumuler au-delà du raisonnable pour échapper à la pluie. Heureusement, ils étaient plutôt bien placés, coincés près d’une fenêtre.
Mais quand Gerald laissa échapper l’identité du ministre, elle en cracha presque le whisky qui baignait sa langue, et se retourna pour s’étouffer. Heureusement, personne ne sembla avoir remarqué ce petit écart - la princesse balaya la salle du regard, s’assurant qu’on ne les regardait que pour leur apparence guindée plutôt que pour leurs mots.
Mais il n’avait pas tort. Passé la tempête, elle recouvrit ses esprits, son calme, lissant son attitude: Gerald venait d’ouvrir une boîte profonde et encore obscure dans laquelle dansait le chaos. Doucement, elle se pencha en avant, posa son visage sur ses doigts entrelacés, le confrontant du regard comme pour mieux le sonder. Que pouvait-il bien cacher sous ce front d'albâtre? Que cachaient ce crâne d’argent? Rêvait-il d’un avenir différent, lui-aussi?
Il représente le pouvoir. Murmura-t-elle après quelques secondes à essayer de percer les mystères de ces deux turquoises. Xandrie est en train de changer. Et changera, sans aucun doute. Il y a en ce moment même des mouvements insaisissables qui déforment et changent tout le fond de la nation. Notre peuple hurle et souffre de ses chaînes. Et la gronde ne pourra bientôt plus être retenue, ni par la couronne, ni par le gouvernement. Le min… Notre poisson s’impose comme un atout. Autant une monnaie d’échange qu’un acte patriotique. Ses relations avec les révolutionnaires et ses actions de fond avec les monétaristes l'avaient déjà placé sur la corde extrême pour tenter de faire libérer son pays de son joug. Mais pour que ça aboutisse pleinement, la couronne devra changer de tête. Cela ne fait absolument aucun doute: le changement arrivera bientôt. Mais je préfère être du vent nouveau plutôt que de l’ancien monde. Et pour cela… Disons que nous devrons garder certaines cartes secrètes, et dans nos mains, avant le jour J.
Elle ne pouvait pas parler trop fort, trop pleinement, pas dans ce lieu, pas avec ces oreilles - même si elle n’avait aucun doute que la moitié de ces hommes devaient cracher sur le roi au moins plusieurs fois par jour. Le problème ne venait pas d’eux, mais d’elle. De lui. Elle le savait déjà plus ou moins opposé au roi - ou au moins souffrir d’un rapport de force inégal, utilisé par la couronne sans guère d’autres options que d’obéir. Mais si elle était une option, la suivrait-il? Si il pouvait bouleverser la couronne, le ferait-il?
Le sourire s’efface doucement. A la place, elle le regarda avec une rare intensité. Comme si elle venait, pour la première fois, de se livrer - elle espérait ardemment trouver en lui un allié de guerre, et non un compagnon de bataille. Mais seul l'intéressé pourrait lui répondre - pour une fois, elle avait été d’une rare, très rare honnêteté.
Sam 21 Sep - 21:11
Je l’écoute attentivement et observe subtilement les différents clients de la taverne. L’évocation d’Ekiel n’avait fait lever aucun sourcil. Tous préféraient festoyer, s’enivrer et se remplir la panse plutôt que de nous écouter. Tant mieux. Je n’aurais personne à tuer ce soir. L’ancien ministre, concrètement, tout le monde s’en cogne. Quoi que si on le retrouve, les habitants du royaume et autres personnalités importants sauront le traiter comme il se doit. Peut-être en ferais-je partie. Néanmoins, ce qui m’intéresse davantage, c’est la suite. Si la classe m’excite, les échiquiers politiques attisent ma curiosité. Je ne serais naturellement pas un grand acteur au sein de l’assemblée, mais j’ai à vocation de faire bouger certains pions dans l’ombre.
Quand elle mentionne les mouvements insaisissables, je me retiens de sourire. Elle est extrêmement bien placée pour savoir que tout est saisissable, même les êtres les mieux dissimulés et les plus rusés. Au cœur de Xandrie, rien ne peut m’échapper. Bon, j’exagère grossièrement les traits, je me donne en tout cas les moyens de ne rien rater. Les mouvements mentionnés, j’en ai eu vent par des informateurs enrôlés dans ces groupuscules. Certains boivent probablement des coups pas loin de nous. Les pions se déplacent et préparent un grand évènement. Capturer Ekiel permettra d’en déplacer d’autres. Je ne sais pas si je dois en parler à Zephyr qui, bien malheureusement, fera probablement un compte-rendu à son crétin de père, Wanath lui-même. En réalité, ce n’est pas crétin. Seulement un sale type dangereux, prétentieux et impitoyable.
« Votre analyse est toujours aussi bonne, Lan-Lan. Dans l’idée, j’adhère entièrement à votre philosophie, une nouvelle génération souhaite redorer le blason de la nation et s’émanciper de manière pérenne. » En prenant une nouvelle gorgée du breuvage présent dans mon verre, j’inspecte une nouvelle fois les différents clients. Toujours rien d’anormal. « Ce bouleversement provoquera certainement des changements, des nuits blanches à certains hauts dignitaires étrangers. Opale, pour ne citer qu’eux, risquent d’être forts inquiets par ce… ménage ? Avez-vous des plans ou des tuyaux pour parer à ces éventualités ? »
Cette fois-ci, je suis relativement serein. Même si des badauds nous écoutent, ils ne parviendraient pas à comprendre ou penseraient que nous parlons des commerces internationaux. Cela dit, ma question attend réellement une réponse de la petite stratège qui se tient face à moi. Même si j’éprouve de l’affection et du respect pour cette dernière, je ne m’engagerais pas dans un bourbier mortel. Et on pourra user de tous les cristaux pour me soumettre, même les plus subtils, j’estime risquer suffisamment ma vie pour juger bon ou pas de suivre une personne dans ses projets. Retirer la couronne à ce gros empoté qui nous sert de roi est un projet auquel j’aspire, et Lan-Lan n’en ignore rien. En revanche, elle doit m’offrir des éléments de réponses suffisamment qualitatives pour m’y engager pleinement.
La destitution du roi est une chose, la reconstruction de Xandrie en est une autre.
Quand elle mentionne les mouvements insaisissables, je me retiens de sourire. Elle est extrêmement bien placée pour savoir que tout est saisissable, même les êtres les mieux dissimulés et les plus rusés. Au cœur de Xandrie, rien ne peut m’échapper. Bon, j’exagère grossièrement les traits, je me donne en tout cas les moyens de ne rien rater. Les mouvements mentionnés, j’en ai eu vent par des informateurs enrôlés dans ces groupuscules. Certains boivent probablement des coups pas loin de nous. Les pions se déplacent et préparent un grand évènement. Capturer Ekiel permettra d’en déplacer d’autres. Je ne sais pas si je dois en parler à Zephyr qui, bien malheureusement, fera probablement un compte-rendu à son crétin de père, Wanath lui-même. En réalité, ce n’est pas crétin. Seulement un sale type dangereux, prétentieux et impitoyable.
« Votre analyse est toujours aussi bonne, Lan-Lan. Dans l’idée, j’adhère entièrement à votre philosophie, une nouvelle génération souhaite redorer le blason de la nation et s’émanciper de manière pérenne. » En prenant une nouvelle gorgée du breuvage présent dans mon verre, j’inspecte une nouvelle fois les différents clients. Toujours rien d’anormal. « Ce bouleversement provoquera certainement des changements, des nuits blanches à certains hauts dignitaires étrangers. Opale, pour ne citer qu’eux, risquent d’être forts inquiets par ce… ménage ? Avez-vous des plans ou des tuyaux pour parer à ces éventualités ? »
Cette fois-ci, je suis relativement serein. Même si des badauds nous écoutent, ils ne parviendraient pas à comprendre ou penseraient que nous parlons des commerces internationaux. Cela dit, ma question attend réellement une réponse de la petite stratège qui se tient face à moi. Même si j’éprouve de l’affection et du respect pour cette dernière, je ne m’engagerais pas dans un bourbier mortel. Et on pourra user de tous les cristaux pour me soumettre, même les plus subtils, j’estime risquer suffisamment ma vie pour juger bon ou pas de suivre une personne dans ses projets. Retirer la couronne à ce gros empoté qui nous sert de roi est un projet auquel j’aspire, et Lan-Lan n’en ignore rien. En revanche, elle doit m’offrir des éléments de réponses suffisamment qualitatives pour m’y engager pleinement.
La destitution du roi est une chose, la reconstruction de Xandrie en est une autre.
Lun 30 Sep - 14:30
L'assassin et l'empoisonneuse
Le parfum de la Révolution.
Cruel, cruel dilemne.
Une histoire de flaire: il avait le nez fin, sans doute un attrait pour le parfum des mondes qui changent et des grandes Histoires. Princesse de porcelaine, elle n’est que parfum - mais il n’est pas l’heure pour que le sien les recouvre tous. Non, pour l’instant, la fragrance révolutionnaire semblait occuper tout l’espace, embaumer la pièce, devenir le centre inévitable de l’attention. Pour une surprise - ses yeux brillaient de curiosité, oscillant entre la pluie, les verres et le regard saphir. Elle l’avait mal jugé - cheval fou, elle l’imaginait loup parmi les loups, curieusement cavalier dans le feu de l’action, impulsif idéaliste. Et pourtant, il semblerait qu’il avait les yeux posés sur un tableau tellement plus grand que sa seule vie.
Élégante découverte - elle reprit une gorgée, finissant ainsi son verre. Pensées fiévreuses, elle songea au feu de la révolte, à la ville en mouvement, aux Grands Changements qui se profilaient à l’horizon. Que tentait-elle, au fond? S’acheter un sauf-conduit? Leur donner un peu plus de marge pour négocier? Encore et toujours. C’était une question infiniment plus complexe, et le voilà à demander de trop grandes garanties. Devait-elle jouer carte sur table avec lui, s’enfoncer un peu plus dans cette relation tâchée de sang?
Sans doute. Au risque de le voir tourner le dos - allié précieux, mais pour elle, un ami valait bien plus.
Xandrie doit revenir à son peuple. Nous avons depuis trop longtemps porté un collier, il est grand temps que nous tenions la laisse. Avoua-t-elle franchement. Passer la frontière entre le dehors et le dedans, révélant une nouvelle fois sa nature profondément populiste. Opale, le Roi… Nous avons trop donné sans rien recevoir, il est temps d’inverser la vapeur. Par ses guildes, par ses habitants, par sa couronne. Xandrie a le pouvoir de se battre pour elle-même.
Les Fà ne pourraient se contenter d’être passif - avec le rachat de la mine de Myste, et la production qui allait bientôt repartir, elle pourrait bientôt s’offrir un accès au plus près de la couronne. Devenir une des mains sur laquelle la nation pourrait s’appuyer, par une énième danseuse de cours qui ne sert qu’à divertir les regards de ses clients, et ces messieurs. Peut-être avait-elle été trop imbibée par le pouvoir. Mais à présent qu’il changeait de forme, elle y voyait enfin la voie de la libération.
Nous sommes une terre riche, nous avons tout pour devenir une nation autonome. Et l’arrivée d’un nouveau régent ne pourrait que signer la fin de la colonisation de nos terres. Nous devrons les reprendre, quoiqu’il en coûte, et faire de Xandrie une nation forte, pour et par elle-même. Et je compte bien me battre pour voir ce rêve devenir réalité.
Effort après effort, la seule inconnue serait le comment. Elle ignorait si c’était tout à fait ce qu’il voulait entendre, mais elle n’aurait pu être plus honnête et transparente qu’à cet instant sur ses véritables intentions. Elle voulait offrir le meilleur à Xandrie: l’indépendance. Et pour cela, elle était prête à tout - grimper les marches du palais ou celle du pouvoir. Égoïstement, elle espérait bien grimper une ou l'autre de ces marches. Et de préférence, accompagnée.
Si c’est le cas, nous aiderez-vous? Demanda-t-elle. A présent, elle joue tranquillement avec son verre vide, faisant rouler un glaçon contre le verre. Elle cherche le blond des yeux. Que caches-tu, Geralt? Quelles sont tes intentions? Que souhaitez-vous pour notre belle nation, Geralt? Pour vous, quel vent devrait souffler?
Les Améthystes rencontrent les saphirs, et dans le reflet des pierres, cherchent au-delà du bleu. Son âme, peut-être. La vraie couleur d’Azur.
Une histoire de flaire: il avait le nez fin, sans doute un attrait pour le parfum des mondes qui changent et des grandes Histoires. Princesse de porcelaine, elle n’est que parfum - mais il n’est pas l’heure pour que le sien les recouvre tous. Non, pour l’instant, la fragrance révolutionnaire semblait occuper tout l’espace, embaumer la pièce, devenir le centre inévitable de l’attention. Pour une surprise - ses yeux brillaient de curiosité, oscillant entre la pluie, les verres et le regard saphir. Elle l’avait mal jugé - cheval fou, elle l’imaginait loup parmi les loups, curieusement cavalier dans le feu de l’action, impulsif idéaliste. Et pourtant, il semblerait qu’il avait les yeux posés sur un tableau tellement plus grand que sa seule vie.
Élégante découverte - elle reprit une gorgée, finissant ainsi son verre. Pensées fiévreuses, elle songea au feu de la révolte, à la ville en mouvement, aux Grands Changements qui se profilaient à l’horizon. Que tentait-elle, au fond? S’acheter un sauf-conduit? Leur donner un peu plus de marge pour négocier? Encore et toujours. C’était une question infiniment plus complexe, et le voilà à demander de trop grandes garanties. Devait-elle jouer carte sur table avec lui, s’enfoncer un peu plus dans cette relation tâchée de sang?
Sans doute. Au risque de le voir tourner le dos - allié précieux, mais pour elle, un ami valait bien plus.
Xandrie doit revenir à son peuple. Nous avons depuis trop longtemps porté un collier, il est grand temps que nous tenions la laisse. Avoua-t-elle franchement. Passer la frontière entre le dehors et le dedans, révélant une nouvelle fois sa nature profondément populiste. Opale, le Roi… Nous avons trop donné sans rien recevoir, il est temps d’inverser la vapeur. Par ses guildes, par ses habitants, par sa couronne. Xandrie a le pouvoir de se battre pour elle-même.
Les Fà ne pourraient se contenter d’être passif - avec le rachat de la mine de Myste, et la production qui allait bientôt repartir, elle pourrait bientôt s’offrir un accès au plus près de la couronne. Devenir une des mains sur laquelle la nation pourrait s’appuyer, par une énième danseuse de cours qui ne sert qu’à divertir les regards de ses clients, et ces messieurs. Peut-être avait-elle été trop imbibée par le pouvoir. Mais à présent qu’il changeait de forme, elle y voyait enfin la voie de la libération.
Nous sommes une terre riche, nous avons tout pour devenir une nation autonome. Et l’arrivée d’un nouveau régent ne pourrait que signer la fin de la colonisation de nos terres. Nous devrons les reprendre, quoiqu’il en coûte, et faire de Xandrie une nation forte, pour et par elle-même. Et je compte bien me battre pour voir ce rêve devenir réalité.
Effort après effort, la seule inconnue serait le comment. Elle ignorait si c’était tout à fait ce qu’il voulait entendre, mais elle n’aurait pu être plus honnête et transparente qu’à cet instant sur ses véritables intentions. Elle voulait offrir le meilleur à Xandrie: l’indépendance. Et pour cela, elle était prête à tout - grimper les marches du palais ou celle du pouvoir. Égoïstement, elle espérait bien grimper une ou l'autre de ces marches. Et de préférence, accompagnée.
Si c’est le cas, nous aiderez-vous? Demanda-t-elle. A présent, elle joue tranquillement avec son verre vide, faisant rouler un glaçon contre le verre. Elle cherche le blond des yeux. Que caches-tu, Geralt? Quelles sont tes intentions? Que souhaitez-vous pour notre belle nation, Geralt? Pour vous, quel vent devrait souffler?
Les Améthystes rencontrent les saphirs, et dans le reflet des pierres, cherchent au-delà du bleu. Son âme, peut-être. La vraie couleur d’Azur.
Lun 7 Oct - 21:54
Un regard peut exprimer bien des choses. Celui de Lan-Lan exprime la surprise, teinté de curiosité. Comment le lui reprocher ? Nos rencontres se sont toujours soldées par des affrontements durent lesquelles, certes malgré moi, je n’ai fait que démontrer mes talents d’artiste martial. Mes rôles de diplomate ont peut-être montré un aspect un peu plus sage, mais elle n’a effectivement jamais eu l’occasion d’avoir des discussions aussi profondes que celle-ci avec moi. Alors non, je n’en veux pas à cette charmante demoiselle qui, jusqu’à présent, n'a dû voir en moi qu’un simplet façonné pour le combat. En d’autres circonstances, ce scénario aurait pu être plausible. Tous les assassins ne sont pas de ma trempe.
Je l’écoute patiemment me répondre. J’ai appris à cet instant que d’autres partagent la même pensée que moi. Xandrie ne peut demeurer l’animal de compagnie des grandes nations. Aujourd’hui, il s’agit d’Opale, et demain, il pourrait s’agir d’Epistopoli. Cela doit immédiatement cesser. Il y a encore peu de temps, je ne me souciais guère de mon appartenance à une quelconque civilisation. Mais je dois maintenant arrêter de me cacher, admettre la réalité : toutes ces aventures, ces moments passés avec des camarades d’infortune, tous des hommes et des femmes de Xandrie, m’ont tout simplement ouvert les yeux. Xandrie est mon foyer, ma famille. Je ferai le nécessaire pour elle à présent.
« C’est très juste, Lan-Lan. C’est très juste. », dis-je sans sourciller et en la fixant intensément. « Les chiens pourraient effectivement mordre leurs maîtres. Mais tous les chiens n’en sont pas capables. En serions-nous capables ? Certains d’entre nous, sans doute. Mais pas tous. Nous devons préparer toute la niche à recevoir une belle correction de la part de nos maîtres. »
Personne ne nous regarde plus que d’ordinaire. Parler de chiens ne semble pas intéresser nos voisins. Tant mieux. Pour en revenir à nos moutons, je pense sincèrement qu’Opale ne nous laissera pas nous en sortir sans rien dire. Et Xandrie affaibli, il ne faut pas douter que d’autres nations en profiteront pour s’en prendre à nous. Ou alors, au mieux, pour assurer notre protection en échange de nos ressources. Retour à la case départ. Et ça, c’est hors de question ! Nous devons réarmer notre nation, aussi bien humainement que matériellement. Xandrie est en retard dans bien des domaines, notamment dans les technologies nouvelles. Même si nous disposons probablement des soldats les plus valeureux, je ne suis pas bien certain que cela suffise. Je termine mon verre d’un cul-sec, puis délicatement le récipient en l’observant longuement, avant de poser mes yeux sur ceux de la demoiselle qui se tient face à moi.
« Admettons que je te suive, Lan-Lan. » J’ai volontairement cessé le vouvoiement. On a largement dépassé ce cap. « Nous avons tant de choses à réaliser. Notre proie à capturer, la niche à préparer, des fonds à récupérer pour permettre le tout… Par quoi devons-nous commencer ? Je suis bien trop éparpillé pour avoir le temps de songer à tout cela. Mais toi, ma belladone, tu as certainement passé du temps à réfléchir à tout cela. Quelles sont tes conclusions ? »
Je l’écoute patiemment me répondre. J’ai appris à cet instant que d’autres partagent la même pensée que moi. Xandrie ne peut demeurer l’animal de compagnie des grandes nations. Aujourd’hui, il s’agit d’Opale, et demain, il pourrait s’agir d’Epistopoli. Cela doit immédiatement cesser. Il y a encore peu de temps, je ne me souciais guère de mon appartenance à une quelconque civilisation. Mais je dois maintenant arrêter de me cacher, admettre la réalité : toutes ces aventures, ces moments passés avec des camarades d’infortune, tous des hommes et des femmes de Xandrie, m’ont tout simplement ouvert les yeux. Xandrie est mon foyer, ma famille. Je ferai le nécessaire pour elle à présent.
« C’est très juste, Lan-Lan. C’est très juste. », dis-je sans sourciller et en la fixant intensément. « Les chiens pourraient effectivement mordre leurs maîtres. Mais tous les chiens n’en sont pas capables. En serions-nous capables ? Certains d’entre nous, sans doute. Mais pas tous. Nous devons préparer toute la niche à recevoir une belle correction de la part de nos maîtres. »
Personne ne nous regarde plus que d’ordinaire. Parler de chiens ne semble pas intéresser nos voisins. Tant mieux. Pour en revenir à nos moutons, je pense sincèrement qu’Opale ne nous laissera pas nous en sortir sans rien dire. Et Xandrie affaibli, il ne faut pas douter que d’autres nations en profiteront pour s’en prendre à nous. Ou alors, au mieux, pour assurer notre protection en échange de nos ressources. Retour à la case départ. Et ça, c’est hors de question ! Nous devons réarmer notre nation, aussi bien humainement que matériellement. Xandrie est en retard dans bien des domaines, notamment dans les technologies nouvelles. Même si nous disposons probablement des soldats les plus valeureux, je ne suis pas bien certain que cela suffise. Je termine mon verre d’un cul-sec, puis délicatement le récipient en l’observant longuement, avant de poser mes yeux sur ceux de la demoiselle qui se tient face à moi.
« Admettons que je te suive, Lan-Lan. » J’ai volontairement cessé le vouvoiement. On a largement dépassé ce cap. « Nous avons tant de choses à réaliser. Notre proie à capturer, la niche à préparer, des fonds à récupérer pour permettre le tout… Par quoi devons-nous commencer ? Je suis bien trop éparpillé pour avoir le temps de songer à tout cela. Mais toi, ma belladone, tu as certainement passé du temps à réfléchir à tout cela. Quelles sont tes conclusions ? »
Mar 22 Oct - 9:45
L'assassin et l'empoisonneuse
Bleu et Rouge.
Discrètement, une main se leva pour interpeller la tavernière. La pluie cessait petit à petit ses assauts, laissant à la rue une odeur de pavés humides et de boue malodorante - sous ces pierres, de l’or. Pierreries scintillantes, saphirs et spinelles, le bleu et le pourpre, le ciel et le sang. Le rouge des révoltes, le bleu des rois, le blanc de la trève. Palette chatoyante pour un avenir si tremblant - une peinture ne se compose jamais sans efforts ni sans douleur. Mais pourvu qu’il n’y ait pas de peine.
Geralt dansait sur un fil - chacune de ses coutures brillait d’un reflet patriotique qui lui allait à merveille. De diplomate désabusé et machine de guerre à ses heures perdues, il devenait maintenant un rempart du peuple. Une nouvelle couverture ? Non, elle ne pouvait se résoudre à y croire. Non, elle en était certaine: elle le découvrait honnête, le vrai Gerald, peut-être pour la première fois. De braise à braise, elle ne pu s’empêcher de se parer d’un sourire amusé. Enchantée, avait-elle envie de lui murmurer. Peut-être était-elle heureuse de se découvrir un allié. Peut-être était-elle heureuse de pouvoir enfin être honnête. Peut-être était-elle charmée par la surprise. Dans un cas comme dans les autres, c’était rafraichissant.
Geste habile, oeillade discrète: elle commandait la même chose.
Ainsi, il ne croyait pas que tous les chiens puissent se battre - un constat plutôt amer, mais non moins réaliste? Effectivement, les masses populaires n’étaient pas égales devant le combat - mais peut-être qu’il ne serait pas nécessaire d’en venir à de telles extrémités. Xandrie n’était pas nue. Le guet constituait une force sûre, immuable, et certaines guildes étaient suffisamment armées pour représenter de réelles menaces pour quiconque tenterait de franchir la frontière. Quant à Opale… Elle était suffisamment occupée avec ses propres déboires pour voir venir la révolte de son chiot favoris. Celui-ci était déjà occupé à s’aiguiser les griffes, lassé de s’être trop longtemps limé les crocs.
Mais découvrir que Geralt avait ses ambitions lui indiquait également sa position sur la balance, et ce qu’il craignait pour le peuple: la répression.
Et si nous devenions nos maîtres, plutôt? Si nous étions notre propre meute? Dit-elle innocemment - elle jouait du bout du doigt sur un verre face à elle. A trop mordre les mains, on finit par les arracher. Ensemble, ils commençaient déjà une petite révolution, Geralt effaçant les dernières barrières pour les rendre parfaitement égaux.
Intimement convaincue qu’ils pourraient s’affranchir définitivement d’Opale, Lan-Lan recula un instant sur sa chaise - la tavernière vint déposer devant elle deux verres pleins, et quand elle s’approcha, elle ne dit plus un mot, attendant de retrouver leur discrétion pour continuer. Il nous faudra bien plus d’un soir à discuter si tu veux faire le tour de la question. Un peu de légèreté ne tue pas, et ses yeux mutins ne pouvaient qu’adoucir la tension de leur sujet. Mais à présent qu’elle avait la certitude qu’ils étaient dans le même panier, elle n’avait plus peur de faire durer l’instant. Mais j’ai peur que tu me prêtes une importance que je n’ai pas, mon preux chevalier. Pour l’instant, eut-elle envie d’ajouter.
A moitié sérieuse, elle attrapa son verre. Elle était heureusement bien positionnée pour saisir les mouvements, les opérations, ce qu’il se passait sous la terre comme sur la surface. Au coeur de certains des meilleurs réseaux, elle appréciait la situation avec une douce distance, trempant le bout du pied pour prendre la température, et attendant le bon moment pour pleinement plonger. Disons que nous pouvons simplement rejoindre le mouvement. Finit-elle par lui répondre. Les révolutionnaires ont déjà rallié les mineurs, la production du myste sera bientôt un vrai calvaire - nous assoifferons nos maîtres déjà assiégés par la Brume. Elle affichait une moue sceptique, mais à l’instant, elle n’avait pas d’autres options. Ils étaient une force suffisante pour motiver les plus populaires d’entre eux, galvaniser les foules sous un front uni. Mais comme leur existence était vouée à s’éteindre, il fallait préparer l’après. Ils travailleront jusqu’à ce que le roi soit renversé au profit de sa fille illégitime actuellement en exil, après il nous faudra faire front pour ne pas nous faire ravir le pays - les guildes devront s’entendre. Sinon nous sommes perdus.
Elle voyait la route face à elle: avec les monétaristes et le Guet, ils pourraient bientôt reproduire du myste, et se faisant, elle espérait bien commencer à offrir à la nation les prémices d’une technologie méritée. Pour cela, elle avait déjà pactisé avec le diable - ses cornes pour couronnes, elle n’avait pas peur de voir dans cette dangereuse collaboration une riche opportunité. Mais elle n’avait en la révolution qu’une confiance de façade, et la nouvelle reine désignée aurait à faire toutes ses preuves - main de l’ombre d’une révolution bien mystérieuse. Une fois le roi tombé, elle craignant fortement qu’un second travail commence. Un travail de subtilité, et de longue haleine.
Mais si nous travaillons ensemble, xandriens, nobles, peuples, rien n’est plus impossible. Assurance, sourire, braise. Bleu, rouge. Palette brûlante. Aux chiens… Murmura-t-elle, levant son verre pour un toast. Et aux poissons.
Geralt dansait sur un fil - chacune de ses coutures brillait d’un reflet patriotique qui lui allait à merveille. De diplomate désabusé et machine de guerre à ses heures perdues, il devenait maintenant un rempart du peuple. Une nouvelle couverture ? Non, elle ne pouvait se résoudre à y croire. Non, elle en était certaine: elle le découvrait honnête, le vrai Gerald, peut-être pour la première fois. De braise à braise, elle ne pu s’empêcher de se parer d’un sourire amusé. Enchantée, avait-elle envie de lui murmurer. Peut-être était-elle heureuse de se découvrir un allié. Peut-être était-elle heureuse de pouvoir enfin être honnête. Peut-être était-elle charmée par la surprise. Dans un cas comme dans les autres, c’était rafraichissant.
Geste habile, oeillade discrète: elle commandait la même chose.
Ainsi, il ne croyait pas que tous les chiens puissent se battre - un constat plutôt amer, mais non moins réaliste? Effectivement, les masses populaires n’étaient pas égales devant le combat - mais peut-être qu’il ne serait pas nécessaire d’en venir à de telles extrémités. Xandrie n’était pas nue. Le guet constituait une force sûre, immuable, et certaines guildes étaient suffisamment armées pour représenter de réelles menaces pour quiconque tenterait de franchir la frontière. Quant à Opale… Elle était suffisamment occupée avec ses propres déboires pour voir venir la révolte de son chiot favoris. Celui-ci était déjà occupé à s’aiguiser les griffes, lassé de s’être trop longtemps limé les crocs.
Mais découvrir que Geralt avait ses ambitions lui indiquait également sa position sur la balance, et ce qu’il craignait pour le peuple: la répression.
Et si nous devenions nos maîtres, plutôt? Si nous étions notre propre meute? Dit-elle innocemment - elle jouait du bout du doigt sur un verre face à elle. A trop mordre les mains, on finit par les arracher. Ensemble, ils commençaient déjà une petite révolution, Geralt effaçant les dernières barrières pour les rendre parfaitement égaux.
Intimement convaincue qu’ils pourraient s’affranchir définitivement d’Opale, Lan-Lan recula un instant sur sa chaise - la tavernière vint déposer devant elle deux verres pleins, et quand elle s’approcha, elle ne dit plus un mot, attendant de retrouver leur discrétion pour continuer. Il nous faudra bien plus d’un soir à discuter si tu veux faire le tour de la question. Un peu de légèreté ne tue pas, et ses yeux mutins ne pouvaient qu’adoucir la tension de leur sujet. Mais à présent qu’elle avait la certitude qu’ils étaient dans le même panier, elle n’avait plus peur de faire durer l’instant. Mais j’ai peur que tu me prêtes une importance que je n’ai pas, mon preux chevalier. Pour l’instant, eut-elle envie d’ajouter.
A moitié sérieuse, elle attrapa son verre. Elle était heureusement bien positionnée pour saisir les mouvements, les opérations, ce qu’il se passait sous la terre comme sur la surface. Au coeur de certains des meilleurs réseaux, elle appréciait la situation avec une douce distance, trempant le bout du pied pour prendre la température, et attendant le bon moment pour pleinement plonger. Disons que nous pouvons simplement rejoindre le mouvement. Finit-elle par lui répondre. Les révolutionnaires ont déjà rallié les mineurs, la production du myste sera bientôt un vrai calvaire - nous assoifferons nos maîtres déjà assiégés par la Brume. Elle affichait une moue sceptique, mais à l’instant, elle n’avait pas d’autres options. Ils étaient une force suffisante pour motiver les plus populaires d’entre eux, galvaniser les foules sous un front uni. Mais comme leur existence était vouée à s’éteindre, il fallait préparer l’après. Ils travailleront jusqu’à ce que le roi soit renversé au profit de sa fille illégitime actuellement en exil, après il nous faudra faire front pour ne pas nous faire ravir le pays - les guildes devront s’entendre. Sinon nous sommes perdus.
Elle voyait la route face à elle: avec les monétaristes et le Guet, ils pourraient bientôt reproduire du myste, et se faisant, elle espérait bien commencer à offrir à la nation les prémices d’une technologie méritée. Pour cela, elle avait déjà pactisé avec le diable - ses cornes pour couronnes, elle n’avait pas peur de voir dans cette dangereuse collaboration une riche opportunité. Mais elle n’avait en la révolution qu’une confiance de façade, et la nouvelle reine désignée aurait à faire toutes ses preuves - main de l’ombre d’une révolution bien mystérieuse. Une fois le roi tombé, elle craignant fortement qu’un second travail commence. Un travail de subtilité, et de longue haleine.
Mais si nous travaillons ensemble, xandriens, nobles, peuples, rien n’est plus impossible. Assurance, sourire, braise. Bleu, rouge. Palette brûlante. Aux chiens… Murmura-t-elle, levant son verre pour un toast. Et aux poissons.
Sam 26 Oct - 1:01
Pour la première fois depuis le début de la conversation, j’ai comme sentiment que Lan-Lan et moi sommes sur la même longueur d’onde. Je sens à son regard qu’elle saisit mes intentions, volontairement divulguées, et que cela semble presque la rassurer. Même longueur d’onde. Ce qu’elle me propose est fortement alléchant. Des choses se préparent. J'entends le nom d'Elsbeth revenir très souvent dans mes oreilles. Fille illégitime, elle prétend au trône et je sens qu'elle place ses pions petit à petit. En toute honnêteté, je n'ai récolté que trop peu d'informations pour anticiper quoi que ce soit. Le mieux pour moi serait de continuer mon observation, tapis dans l'ombre, puis sortir les dents quand la merde sera trop grande. Elsbeth attend ce moment depuis trop longtemps et me semble prête à tout pour y parvenir. Vendra-t-elle Xandrie, comme l'a fait son futur prédécesseur, pour accéder au trône ? Seul l'avenir nous le dira. Je serai prêt pour la destituer à son tour si sa politique ne me convient pas. Mon petit doigt me dit que ma chère Lan-Lan est du même avis. Bon dieu ! Dans quoi est-ce que je m’embarque encore ?
« Concernant Opale, je ne m’inquiète pas tellement. En réalité, la chance nous sourit particulièrement, notamment grâce à cet attentat subi et les difficultés rencontrés au niveau de l’Arbre-Dieu. », fis-je après avoir bu une gorgée de mon breuvage tout juste servi. La plupart des nations luttent ensemble pour trouver un moyen de stopper l’avancée de la Brume et traquer la Mandebrume en direction de Zénobie. Ceci est peut-être notre seule chance de tenter de nous en sortir, de prendre tout le monde de vitesse en renforçant nos défenses et revendiquant notre indépendance. Qui prendra la peine de nous attaquer alors que la majeure partie des forces est envoyée au nord ? « Je crois même que le temps joue en notre faveur. Nous devrions accélérer cette révolution, accélérer les actions, mettre fin au règne de notre cher roi. », ai-je dit en chuchotant tout bas, mesurant la gravité de mes propos.
Il y a tant à dire, mais le lieu n’est absolument pas propice pour cela. De mon côté, je dois faire le point avec la Guilde des Assassins, surtout Wanath, qui est en réalité la seule personne à convaincre. Sans les assassins, ce n’est pas que je me sente impuissant, mais ce serait tellement dommage de se passer d’une force pareille. Je sors la pendule de ma poche et l’observe rapidement : deux heures du matin. « Lan-Lan, vous êtes une ambitieuse et une opportuniste. Ce sont à mon sens deux grandes qualités. De mon point de vue, il ne fait aucun doute qu’un jour, dans un avenir plus ou moins proche, vous deviendrez le visage le cette nation. », pensé-je à tout haut. Elle a toutes les qualités nécessaires pour faire être une bonne souveraine. « Je suggère de nous revoir dans les prochains jours. Le manoir d’Omanie te sera grand ouvert. »
Sur ce, je me lève et l’aide à se relever. Pas question de la laisser seule en ce lieu misérable. A la sortie de la taverne, j’hèle un cochet qui s’arrête juste devant, dans lequel mademoiselle Fà entrera pour retrouver sa demeure. Je me permets une petite bise sur la joue avant de la laisser monter à bord. D’une part parce qu’il fallait masquer les apparences, d’autre part parce que c’est un plaisir. Le chemin est encore long vers notre victoire, mais on s’en rapproche progressivement. Nous n’avons jamais été aussi proche d’atteindre notre but.
« Concernant Opale, je ne m’inquiète pas tellement. En réalité, la chance nous sourit particulièrement, notamment grâce à cet attentat subi et les difficultés rencontrés au niveau de l’Arbre-Dieu. », fis-je après avoir bu une gorgée de mon breuvage tout juste servi. La plupart des nations luttent ensemble pour trouver un moyen de stopper l’avancée de la Brume et traquer la Mandebrume en direction de Zénobie. Ceci est peut-être notre seule chance de tenter de nous en sortir, de prendre tout le monde de vitesse en renforçant nos défenses et revendiquant notre indépendance. Qui prendra la peine de nous attaquer alors que la majeure partie des forces est envoyée au nord ? « Je crois même que le temps joue en notre faveur. Nous devrions accélérer cette révolution, accélérer les actions, mettre fin au règne de notre cher roi. », ai-je dit en chuchotant tout bas, mesurant la gravité de mes propos.
Il y a tant à dire, mais le lieu n’est absolument pas propice pour cela. De mon côté, je dois faire le point avec la Guilde des Assassins, surtout Wanath, qui est en réalité la seule personne à convaincre. Sans les assassins, ce n’est pas que je me sente impuissant, mais ce serait tellement dommage de se passer d’une force pareille. Je sors la pendule de ma poche et l’observe rapidement : deux heures du matin. « Lan-Lan, vous êtes une ambitieuse et une opportuniste. Ce sont à mon sens deux grandes qualités. De mon point de vue, il ne fait aucun doute qu’un jour, dans un avenir plus ou moins proche, vous deviendrez le visage le cette nation. », pensé-je à tout haut. Elle a toutes les qualités nécessaires pour faire être une bonne souveraine. « Je suggère de nous revoir dans les prochains jours. Le manoir d’Omanie te sera grand ouvert. »
Sur ce, je me lève et l’aide à se relever. Pas question de la laisser seule en ce lieu misérable. A la sortie de la taverne, j’hèle un cochet qui s’arrête juste devant, dans lequel mademoiselle Fà entrera pour retrouver sa demeure. Je me permets une petite bise sur la joue avant de la laisser monter à bord. D’une part parce qu’il fallait masquer les apparences, d’autre part parce que c’est un plaisir. Le chemin est encore long vers notre victoire, mais on s’en rapproche progressivement. Nous n’avons jamais été aussi proche d’atteindre notre but.
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