Mer 5 Juin - 22:12
Psykhê bovinda
Ft. Solo, Mathilda, PNJ's
Il y avait eu le défi des chantiers du Gurjke. Ressusciter un artisanat ancestral défiant l’acidité des eaux était le premier exploit. Il y avait maintenant les honnêtes marchands d’Oxenfurt. Le temps pressait ; mais les richesses tintinnabulaient, dit-on, dans les grottes souterraines des dragons. Oui, des dragons.
Les joyaux sertis dans la couronne forgée par les nains avait semé une avidité irrationnelle parmi les maraudeurs et les aventuriers de basse extraction. Ils peuplaient le campement temporaire de l’Alliance. La tête de pont au nord de l’Enclave n’était même pas encore correctement protégée, ni pérénisée, qu’une forme d’anarchie s’emparait des rangs de la coalition.
Au milieu de tout cela, Keshâ’rem avait été envoyé pour tenter de baliser des tunnels. A demi-effondrés, il jalonnait le chemin de lampes à huile et torches, afin de faciliter un retour en force des troupes. Il allait sans dire qu’il détestait ces galeries malfamées et instables qui rappelaient de trop prêt les couloirs dégueulant de Jiangshi de la tour d’Yfe... mais ce n’est pas un monstre qui le conduisit tout droit sur un brancard de l’hôpital de campagne.
Non. Plus anodin. De même que plus honteux. L’incident impliquait un appui malheureux sur un sol instable. Aspiré par un éboulis dans une chute sans fin, il avait roulé, roulé ! Son hurlement avait envahi la caverne avant de s’interrompre brutalement lorsque sa tête avait heurté quelque chose. Évidemment, il n’était pas seul et avait pu être secouru.
Emmailloté dans un bandage, il restait depuis quelques jours avec des blessés sous la supervision d’une infirmière militaire. A part quelques migraines, il avait été chanceux. Aucune séquelle n’était à redouter. Pendant que les autres s’amusaient à percer les mystères des sous-sol d’Oxenfurt, les cris des gisants lui tenaient compagnie.
Une rumeur. D’abord moquée, puis ignorée, avant d’être redoutée. Elle parlait de paysans, gens de peu d’éducation, comme lui, de par ses origines. Des gens simples. Les humbles vachers avaient inventé un sombre reflet pour les tourmenter.
Mathilda.
Telle était son doux nom. Mais les faits qu'on lui attribuait, eux, étaient tout sauf doux.
La brume pesait sur les esprits. Même contenue aux abords du camp par une muraille dédoublée de balises, sa proximité rendait l’homme le plus sage nerveux. On avait vite fait d’entendre des voix ou d’imaginer des ombres rieuses. Il savait ce que c’était.
Depuis qu’il avait une nébula, son jugement porté sur la santé mentale était beaucoup plus perméable. Il écoutait les discours inarticulés des malades. Ignorer leurs suppliques aurait été difficile de toute façon. Leurs élucubrations instillaient à elles-seules un climat de terreur à l’infirmerie. Et au-delà.
-« Elle est lAAààA ! Elle rEEE-viennnt… » gémissait un vacher à la bouche distordue.
Keshâ’rem s’habituait malheureusement à l’exiguité malaisante de l’auspice.
-« Elle est sous mon lit ! Elle est là ! Là !!! Aide-moiiiii ! » rugit son voisin, lui aussi attaché par des entraves aux poignets et aux chevilles.
Incapable de feindre le sommeil, il se redressa sur son lit, mu par une infinie lenteur. Les deux aliénés arrivaient à rendre leur délire si réel, qu’il tremblait comme une feuille sur son lit de camp.
-« Va voir… va voir va voir va voir va voir va voir… s’il te plaîiiitt. »
Les yeux écarquillés qui le fixaient brillaient. Deux orbes blancs flottant dans la nuit.
Keshâ esquisse un mouvement. Les mailles de métal du sommier geignent dans les aigus…
-« Ecoutez… je vois que vous souffrez… voilà ce qu’on va faire… je vais appeler l’infirmière. »
-« Non, non nonnnn ! Reste ! » rugissait le forcené, agité au point de se faire saigner les poignets.
-« Il vaut mieux que vous preniez des somnifères… » appuya-t-il d’une voix nouée.
Les paysans se mirent à hurler tous en cœur. L’infirmière arriva encadrée par des gros bras pour injecter des tranquillisants aux psychotiques. La scène était d’une horreur absolue. L’un des vachers se débattit et les infirmiers lui labourèrent une veine. Un autre finit par tomber telle une stèle dans un sommeil sans repos. Le dernier, enfin, se libéra dans un accès de rage à la force surhumaine et envoya valser les deux infirmiers. A la surprise générale, il utilisa sa liberté retrouvée pour se taper la tête contre les murs sans jamais arrêter de hurler.
Keshâ’rem aussi s’était mis à hurler sans discontinuer.
Tout le monde était trop médusé pour réagir. L’infirmière arriva trop tard.
Les joyaux sertis dans la couronne forgée par les nains avait semé une avidité irrationnelle parmi les maraudeurs et les aventuriers de basse extraction. Ils peuplaient le campement temporaire de l’Alliance. La tête de pont au nord de l’Enclave n’était même pas encore correctement protégée, ni pérénisée, qu’une forme d’anarchie s’emparait des rangs de la coalition.
Au milieu de tout cela, Keshâ’rem avait été envoyé pour tenter de baliser des tunnels. A demi-effondrés, il jalonnait le chemin de lampes à huile et torches, afin de faciliter un retour en force des troupes. Il allait sans dire qu’il détestait ces galeries malfamées et instables qui rappelaient de trop prêt les couloirs dégueulant de Jiangshi de la tour d’Yfe... mais ce n’est pas un monstre qui le conduisit tout droit sur un brancard de l’hôpital de campagne.
Non. Plus anodin. De même que plus honteux. L’incident impliquait un appui malheureux sur un sol instable. Aspiré par un éboulis dans une chute sans fin, il avait roulé, roulé ! Son hurlement avait envahi la caverne avant de s’interrompre brutalement lorsque sa tête avait heurté quelque chose. Évidemment, il n’était pas seul et avait pu être secouru.
Emmailloté dans un bandage, il restait depuis quelques jours avec des blessés sous la supervision d’une infirmière militaire. A part quelques migraines, il avait été chanceux. Aucune séquelle n’était à redouter. Pendant que les autres s’amusaient à percer les mystères des sous-sol d’Oxenfurt, les cris des gisants lui tenaient compagnie.
Une rumeur. D’abord moquée, puis ignorée, avant d’être redoutée. Elle parlait de paysans, gens de peu d’éducation, comme lui, de par ses origines. Des gens simples. Les humbles vachers avaient inventé un sombre reflet pour les tourmenter.
Mathilda.
Telle était son doux nom. Mais les faits qu'on lui attribuait, eux, étaient tout sauf doux.
La brume pesait sur les esprits. Même contenue aux abords du camp par une muraille dédoublée de balises, sa proximité rendait l’homme le plus sage nerveux. On avait vite fait d’entendre des voix ou d’imaginer des ombres rieuses. Il savait ce que c’était.
Depuis qu’il avait une nébula, son jugement porté sur la santé mentale était beaucoup plus perméable. Il écoutait les discours inarticulés des malades. Ignorer leurs suppliques aurait été difficile de toute façon. Leurs élucubrations instillaient à elles-seules un climat de terreur à l’infirmerie. Et au-delà.
-« Elle est lAAààA ! Elle rEEE-viennnt… » gémissait un vacher à la bouche distordue.
Keshâ’rem s’habituait malheureusement à l’exiguité malaisante de l’auspice.
-« Elle est sous mon lit ! Elle est là ! Là !!! Aide-moiiiii ! » rugit son voisin, lui aussi attaché par des entraves aux poignets et aux chevilles.
Incapable de feindre le sommeil, il se redressa sur son lit, mu par une infinie lenteur. Les deux aliénés arrivaient à rendre leur délire si réel, qu’il tremblait comme une feuille sur son lit de camp.
-« Va voir… va voir va voir va voir va voir va voir… s’il te plaîiiitt. »
Les yeux écarquillés qui le fixaient brillaient. Deux orbes blancs flottant dans la nuit.
Keshâ esquisse un mouvement. Les mailles de métal du sommier geignent dans les aigus…
-« Ecoutez… je vois que vous souffrez… voilà ce qu’on va faire… je vais appeler l’infirmière. »
-« Non, non nonnnn ! Reste ! » rugissait le forcené, agité au point de se faire saigner les poignets.
-« Il vaut mieux que vous preniez des somnifères… » appuya-t-il d’une voix nouée.
Les paysans se mirent à hurler tous en cœur. L’infirmière arriva encadrée par des gros bras pour injecter des tranquillisants aux psychotiques. La scène était d’une horreur absolue. L’un des vachers se débattit et les infirmiers lui labourèrent une veine. Un autre finit par tomber telle une stèle dans un sommeil sans repos. Le dernier, enfin, se libéra dans un accès de rage à la force surhumaine et envoya valser les deux infirmiers. A la surprise générale, il utilisa sa liberté retrouvée pour se taper la tête contre les murs sans jamais arrêter de hurler.
Keshâ’rem aussi s’était mis à hurler sans discontinuer.
Tout le monde était trop médusé pour réagir. L’infirmière arriva trop tard.
Jeu 6 Juin - 16:08
Psykhê bovinda
Ft. Solo, Mathilda, PNJ's
Il ne trouverait pas le sommeil après un tel fracas.
On manquait trop de lits pour les déplacer. Ils durent donc rester dans le parfum flottant d’hémoglobine, aux tâches grossièrement épongées pour cette nuit. Si ce n’était pas déjà le cas, l’hôpital de campagne prenait tous les airs de l’épouvante. On palpait presque la présence fantomatique de Mathilda, que les vachers redoutaient tant. Au moins, ils avaient cessé de crier.
L’infirmière lui avait proposé des somnifères. Il avait refusé. Bien en mal de lui en expliquer les raisons, Seraphah avait été ferme sur l’interférence méconnu des drogues et poisons sur le traitement expérimental qu’il lui concoctait pour assourdir sa nébula durant la nuit.
Plutôt que de rester là, il fit quelque pas dehors pour sentir l’air frais entrer dans ses poumons. C’était un luxe qu’il ne retrouvait que depuis peu. Sa tête tournait bien vite quand il se levait après sa commotion.
Seraphah et Maëlstrom étaient évidemment en mission. Il leur avait dit qu’ils se sentait déjà assez bête en repensant au contexte de sa chute, pour ne pas dramatiser sa convalescence. Les empêcher de vivre l’expédition serait beaucoup trop égoïste. Même Mao les avait rejoints. Elle se disait excitée de vivre « l’aventure la plus trépidante depuis au moins deux siècles ! ».
Ragaillardi, il retourna dans la bâtisse, qui était aussi un peu une « tente » là où le muret s’était effondré vers l’extérieur. Sa décision était prise. Il allait se couler dans la psychée malade de ces hommes pour s’assurer de l’origine du mal.
Mao lui avait appris lors de l’expédition du Conservatoire au lac Drolzin que son onirisme ne nécessitait pas que lui-même soit plongé dans le sommeil. Au contraire, il maîtrisait beaucoup mieux la destination de son voyage. Cela réduisait simplement son champs d’action aux personnes immédiatement endormies devant lui. En tout cas, c’est ce qu’il arrivait à faire sans être lui-même endormi.
Pas de passage vers ses propres songes. Ni de porte menant vers les Ruelles. Il regarda le vacher effondré sur sa couche. Lui-même était assis sur son lit, à tenter de réguler son souffle. Avec patience, il scrutait sans forcer, attendant comme un fou que quelque chose se passe. Enfin, des failles semblèrent apparaître dans l’air. Il s’abîma dans le vacher. Ou sa conscience s’effondra sur elle-même.
Toujours était-il qu’il n’était plus à l’infirmerie d’Oxenfurt. Une herbe humide cueillait sa joue, sa main et son corps, allongé sur le sol. Les rêves ont le pouvoir de fasciner et de contourner la résistance logique. Le visiteur aura tôt fait d’oublier lui aussi la raison de sa venue. Keshâ’rem commençait néanmoins à avoir une petite expérience à ce jeu et ne se laissait plus berner par la transe.
Debout, il pivota sur lui-même pour essayer de localiser le vacher. Tout n’était que brume infinie.
-« Vacher !! » cria-t-il. Le son de sa voix résonnait comme dans une sphère minérale.
Allons, il devait bien se trouver quelque part.
Un mugissement. Des herbes froissées avec célérité. Une silhouette massive. Le son d’une cloche.
-« NoOOon, pas la cloche… » supplia la voix déformée par la peur qu’il reconnaissait bien.
Ses pas le portèrent dans sa direction. Mais le son était toujours aussi lointain. C’était comme si le chemin s’étirait, s’étirait encore, comme de la pâte à modeler sous ses pieds. Nouveau sifflement d’air derrière lui. Le son vagissant d’une vache en colère. Sa hauteur… démesurée.
Keshâ’rem n’ose pas lever les yeux pour la regarder. C’est ce qu’elle attend, provocante. Est-ce du au cauchemar du vacher, tel un reflet de sa propre terreur ? Une part de lui est superstitieuse. Tout le monde craint la malédiction du Guetteur. Peut-être que Mathilda est réelle. Comme lui, modifié par la brume, elle a pu gagner des pouvoirs mentaux en s’hybridant. Alors… comment savoir si le rêve le protègera de la hantise frappant les paysans ?
Son pouvoir n’est pas encore assez finement maîtrisé pour congédier l’apparition. Il ne sait pas encore comment tisser la toile des songes. Ils se contente de marcher sur la trame du rêve et la suit. Cœur à cœur, il se concentre sur le fermier, avec la conviction qu’il peut l’atteindre s’il ne se laisse pas dérouter dans ce monde d’échos flottants.
Il est là à ses pieds. Son corps replié et tordu. Ses traits sont encore plus déformés que dans la réalité. On dirait une poupée momifiée, comme si Mathilda se nourrissait de la sève même de son âme, jusqu’à le briser comme du bois sec. Les docteurs ont réussi à rendre son corps inerte. Mais la torture de son âme se poursuit en dedans, sous les eaux calmes de la surface.
-« Vacher, vacher, écoute-moi, comment t’appelles-tu ? »
Le forcené vit tellement de rejet et d’horreur que ses écoutilles sont fermées. C’est comme un rêve dans le rêve. Son visage semble vibrer et se dédoubler en ondes difformes. La main de Keshâ’rem s’affermit sur son épaule et il demande à nouveau avec autorité.
-« Vacher, dis-moi ton nom, MAINTENANT ! »
-« Si… Simon. » murmure une petite voix tremblante. La coque dure l’entourant semble amollie. Il recouvre une apparence plus humaine, bien qu’effondrée.
-« Simon, je suis Keshâ’rem… tu es en train de rêver. Nous sommes toujours ensemble à l’infirmerie. »
-« Elle est partout… Mathilda… partout ! » Il sanglotait de plus belle. "Dans ma tête, dans mes mains, dans mes os..."
-« Simon, je n’ai pas encore le pouvoir de la faire disparaître pour t’offrir un moment de paix. Ecoute, Simon !... c’est ton rêve, ton esprit… c’est toi qui a l’autorité… tu ne peux peut-être pas gagner contre elle… mais on peut gagner du temps. Repousse-là ! J’ai besoin de toi ! »
Réfugié dans des sanglots, Keshâ’rem finit par sentir la situation lui échapper et lui colle une paire de gifle. Comme pris d’une montée de colère, le paysan retrouve un semblant de dignité et le bouscule. Ce n’est qu’alors qu’il remarque que l’écho mortifère qui les étrangle est retombé, le jour semble levé et la brume moins dense.
-« Bien. Maintenant, explique-moi, où et comment c’est arrivé. »
On manquait trop de lits pour les déplacer. Ils durent donc rester dans le parfum flottant d’hémoglobine, aux tâches grossièrement épongées pour cette nuit. Si ce n’était pas déjà le cas, l’hôpital de campagne prenait tous les airs de l’épouvante. On palpait presque la présence fantomatique de Mathilda, que les vachers redoutaient tant. Au moins, ils avaient cessé de crier.
L’infirmière lui avait proposé des somnifères. Il avait refusé. Bien en mal de lui en expliquer les raisons, Seraphah avait été ferme sur l’interférence méconnu des drogues et poisons sur le traitement expérimental qu’il lui concoctait pour assourdir sa nébula durant la nuit.
Plutôt que de rester là, il fit quelque pas dehors pour sentir l’air frais entrer dans ses poumons. C’était un luxe qu’il ne retrouvait que depuis peu. Sa tête tournait bien vite quand il se levait après sa commotion.
Seraphah et Maëlstrom étaient évidemment en mission. Il leur avait dit qu’ils se sentait déjà assez bête en repensant au contexte de sa chute, pour ne pas dramatiser sa convalescence. Les empêcher de vivre l’expédition serait beaucoup trop égoïste. Même Mao les avait rejoints. Elle se disait excitée de vivre « l’aventure la plus trépidante depuis au moins deux siècles ! ».
Ragaillardi, il retourna dans la bâtisse, qui était aussi un peu une « tente » là où le muret s’était effondré vers l’extérieur. Sa décision était prise. Il allait se couler dans la psychée malade de ces hommes pour s’assurer de l’origine du mal.
Mao lui avait appris lors de l’expédition du Conservatoire au lac Drolzin que son onirisme ne nécessitait pas que lui-même soit plongé dans le sommeil. Au contraire, il maîtrisait beaucoup mieux la destination de son voyage. Cela réduisait simplement son champs d’action aux personnes immédiatement endormies devant lui. En tout cas, c’est ce qu’il arrivait à faire sans être lui-même endormi.
Pas de passage vers ses propres songes. Ni de porte menant vers les Ruelles. Il regarda le vacher effondré sur sa couche. Lui-même était assis sur son lit, à tenter de réguler son souffle. Avec patience, il scrutait sans forcer, attendant comme un fou que quelque chose se passe. Enfin, des failles semblèrent apparaître dans l’air. Il s’abîma dans le vacher. Ou sa conscience s’effondra sur elle-même.
Toujours était-il qu’il n’était plus à l’infirmerie d’Oxenfurt. Une herbe humide cueillait sa joue, sa main et son corps, allongé sur le sol. Les rêves ont le pouvoir de fasciner et de contourner la résistance logique. Le visiteur aura tôt fait d’oublier lui aussi la raison de sa venue. Keshâ’rem commençait néanmoins à avoir une petite expérience à ce jeu et ne se laissait plus berner par la transe.
Debout, il pivota sur lui-même pour essayer de localiser le vacher. Tout n’était que brume infinie.
-« Vacher !! » cria-t-il. Le son de sa voix résonnait comme dans une sphère minérale.
Allons, il devait bien se trouver quelque part.
Un mugissement. Des herbes froissées avec célérité. Une silhouette massive. Le son d’une cloche.
-« NoOOon, pas la cloche… » supplia la voix déformée par la peur qu’il reconnaissait bien.
Ses pas le portèrent dans sa direction. Mais le son était toujours aussi lointain. C’était comme si le chemin s’étirait, s’étirait encore, comme de la pâte à modeler sous ses pieds. Nouveau sifflement d’air derrière lui. Le son vagissant d’une vache en colère. Sa hauteur… démesurée.
Keshâ’rem n’ose pas lever les yeux pour la regarder. C’est ce qu’elle attend, provocante. Est-ce du au cauchemar du vacher, tel un reflet de sa propre terreur ? Une part de lui est superstitieuse. Tout le monde craint la malédiction du Guetteur. Peut-être que Mathilda est réelle. Comme lui, modifié par la brume, elle a pu gagner des pouvoirs mentaux en s’hybridant. Alors… comment savoir si le rêve le protègera de la hantise frappant les paysans ?
Son pouvoir n’est pas encore assez finement maîtrisé pour congédier l’apparition. Il ne sait pas encore comment tisser la toile des songes. Ils se contente de marcher sur la trame du rêve et la suit. Cœur à cœur, il se concentre sur le fermier, avec la conviction qu’il peut l’atteindre s’il ne se laisse pas dérouter dans ce monde d’échos flottants.
Il est là à ses pieds. Son corps replié et tordu. Ses traits sont encore plus déformés que dans la réalité. On dirait une poupée momifiée, comme si Mathilda se nourrissait de la sève même de son âme, jusqu’à le briser comme du bois sec. Les docteurs ont réussi à rendre son corps inerte. Mais la torture de son âme se poursuit en dedans, sous les eaux calmes de la surface.
-« Vacher, vacher, écoute-moi, comment t’appelles-tu ? »
Le forcené vit tellement de rejet et d’horreur que ses écoutilles sont fermées. C’est comme un rêve dans le rêve. Son visage semble vibrer et se dédoubler en ondes difformes. La main de Keshâ’rem s’affermit sur son épaule et il demande à nouveau avec autorité.
-« Vacher, dis-moi ton nom, MAINTENANT ! »
-« Si… Simon. » murmure une petite voix tremblante. La coque dure l’entourant semble amollie. Il recouvre une apparence plus humaine, bien qu’effondrée.
-« Simon, je suis Keshâ’rem… tu es en train de rêver. Nous sommes toujours ensemble à l’infirmerie. »
-« Elle est partout… Mathilda… partout ! » Il sanglotait de plus belle. "Dans ma tête, dans mes mains, dans mes os..."
-« Simon, je n’ai pas encore le pouvoir de la faire disparaître pour t’offrir un moment de paix. Ecoute, Simon !... c’est ton rêve, ton esprit… c’est toi qui a l’autorité… tu ne peux peut-être pas gagner contre elle… mais on peut gagner du temps. Repousse-là ! J’ai besoin de toi ! »
Réfugié dans des sanglots, Keshâ’rem finit par sentir la situation lui échapper et lui colle une paire de gifle. Comme pris d’une montée de colère, le paysan retrouve un semblant de dignité et le bouscule. Ce n’est qu’alors qu’il remarque que l’écho mortifère qui les étrangle est retombé, le jour semble levé et la brume moins dense.
-« Bien. Maintenant, explique-moi, où et comment c’est arrivé. »
Jeu 6 Juin - 19:50
Psykhê bovinda
Ft. Solo, Mathilda, PNJ's
-« Vous êtes bien sûr de vouloir signer cette décharge ? » demanda la médecin au front plissé.
-« Tout à fait docteur. Votre équipe a bien pris soin de moi. Je me sens remis sur pieds et prêt à servir la coalition. »
-« Avec la charge de travail qui est la nôtre, je ne vais pas vous retenir de force. Mais sachez qu’il est de mon devoir de vous dire que je préfèrerais vous garder un jour de plus en observation. »
Le docteur tamponna le bon de sortie. Keshâ’rem le prit mais resta assis devant elle.
-« Il y a autre chose ? » demanda-t-elle, perplexe. Son esprit vaquait déjà vers d’autres obligations.
-« Oui. Je sais que vous n’allez pas aimer l’idée, mais je voudrais emmener les deux vachers avec moi. »
-« C’est hors de question, monsieur Evangelisto. » dit-elle pesamment de son flegme médical. Elle devait être habituée à toutes les élucubrations.
-« Vous devez avoir entendu parler de l’agitation du camp, avec la malédiction du Guetteur et cette Mathilda. »
La docteur eut un frémissement d’impatience, qui la forca à rajuster ses lunettes en demi-lune sur son nez.
-« Ne me dites pas que vous prêtez l’oreille à ces absurdités, vous aussi ! » sermonna-t-elle d’un air accusateur.
L’orphelin sentit tout le poids de la science et de la raison peser sur ses frêles épaules.
-« Eh bien… si… Avant que vous ne m’interrompiez… je me permets de dire, avec tout le respect que j’ai pour vous et votre travail, que la brume défie souvent les limites de la raison. Pour être aller plusieurs fois dans la brume… »
-« Par tous les Savants ! Monsieur Evangelisto… des dragons ! après quoi ? Des vaches maudites ?! Où irons nous ?!... c’est non. Je dois assurer la protection de mes patients envers et contre le délire ambient. »
-« Vous ne comprenez pas… je suis entré dans leurs esprits. J’ai vu ce qui est arrivé à plusieurs d’entre eux comme si j’y étais, leur errance dans la brume… ils sont seuls face à cela, personne ne sait les aider, comme moi, lorsque je suis devenu porte-brume… »
L’expression à la fois sévère et compatissante de la médecin indiquait clairement qu’elle s’érigeait comme une digue face à sa crédulité juvénile. Elle le protègerait de lui-même s’il le fallait.
-« Même si vous dites vrai, nous n’avons pas besoin d’un fou de plus. »
Sa main se posa sur son épaule, dans une posture compassionnelle un peu forcée sur son trauma de portebrume.
-« Allez jeune homme. Et ne vous faites pas tuer. »
Exilé de l’infirmerie, Keshâ’rem bouda un moment en arpentant les ruines d’Oxenfurt. Bien vite, il se dirigea vers la tente du commandement délocalisé de l’Alliance où il tenta de plaider sa cause.
-« Mais qu’est-ce que vous allez faire pour eux de toute façon ?... ils sont déjà morts si on ne fait rien… ou alors, vous allez les gardez attachés et sédatés pour le reste de leur existence ?! »
Heureusement, il se trouvait quelques patrouilleurs expérimentés pour ne pas tourner en ridicule son histoire et croire sa version des faits. Le problème majeur est que l’Alliance considérait ces événements comme une quête secondaire. Elle ne pouvait pas se permettre d’allouer quelque ressource que ce soit à un ennemi aussi « inconsistant. ». Pourtant, l’un des Morts-Gris reconnut que la peur commençait à gagner les troupes, qui rechignaient de plus en plus à sortir du périmètre sécurisé. La gestion du bétail et des vivres devenait aussi de plus en plus compliquée…
Pour finir, l’Alliance refusa poliment de l’aider, mais lui souhaita bon courage, si jamais il voulait quand même s’en charger. Un peu abattu, il s’en alla le pas traînant. Un Mort-Gris le rattrapa par une manche :
-« Allez voir à la tente du Magistère. Ils ont mis une prime sur Mathilda. Ils seront prêts à signer un bon de sortie pour vos vachers. »
Blême, Keshâ se présenta devant la tente du Magistère. Personne ne savait qu’il se trouvait là. Il pourrait très bien disparaître au milieu du camp presque désert à cette heure. Personne ne le retrouverait si on le balançait dans un Zeppelin en direction d’Opale. Enfin, il brava ses craintes pour réunir les alliés nécessaires à sa quête pour neutraliser Mathilda.
Les agents muets comme des portes de prison – ça c’était les Tartares – ou obséquieux, ça c’était le gratin politicard et scientifique, l’accueillirent avec un certain intérêt. Quelques heures plus tard, il repartait avec ses deux vachers sous le bras en direction des pâturages à la frontière du camp.
-« Tout à fait docteur. Votre équipe a bien pris soin de moi. Je me sens remis sur pieds et prêt à servir la coalition. »
-« Avec la charge de travail qui est la nôtre, je ne vais pas vous retenir de force. Mais sachez qu’il est de mon devoir de vous dire que je préfèrerais vous garder un jour de plus en observation. »
Le docteur tamponna le bon de sortie. Keshâ’rem le prit mais resta assis devant elle.
-« Il y a autre chose ? » demanda-t-elle, perplexe. Son esprit vaquait déjà vers d’autres obligations.
-« Oui. Je sais que vous n’allez pas aimer l’idée, mais je voudrais emmener les deux vachers avec moi. »
-« C’est hors de question, monsieur Evangelisto. » dit-elle pesamment de son flegme médical. Elle devait être habituée à toutes les élucubrations.
-« Vous devez avoir entendu parler de l’agitation du camp, avec la malédiction du Guetteur et cette Mathilda. »
La docteur eut un frémissement d’impatience, qui la forca à rajuster ses lunettes en demi-lune sur son nez.
-« Ne me dites pas que vous prêtez l’oreille à ces absurdités, vous aussi ! » sermonna-t-elle d’un air accusateur.
L’orphelin sentit tout le poids de la science et de la raison peser sur ses frêles épaules.
-« Eh bien… si… Avant que vous ne m’interrompiez… je me permets de dire, avec tout le respect que j’ai pour vous et votre travail, que la brume défie souvent les limites de la raison. Pour être aller plusieurs fois dans la brume… »
-« Par tous les Savants ! Monsieur Evangelisto… des dragons ! après quoi ? Des vaches maudites ?! Où irons nous ?!... c’est non. Je dois assurer la protection de mes patients envers et contre le délire ambient. »
-« Vous ne comprenez pas… je suis entré dans leurs esprits. J’ai vu ce qui est arrivé à plusieurs d’entre eux comme si j’y étais, leur errance dans la brume… ils sont seuls face à cela, personne ne sait les aider, comme moi, lorsque je suis devenu porte-brume… »
L’expression à la fois sévère et compatissante de la médecin indiquait clairement qu’elle s’érigeait comme une digue face à sa crédulité juvénile. Elle le protègerait de lui-même s’il le fallait.
-« Même si vous dites vrai, nous n’avons pas besoin d’un fou de plus. »
Sa main se posa sur son épaule, dans une posture compassionnelle un peu forcée sur son trauma de portebrume.
-« Allez jeune homme. Et ne vous faites pas tuer. »
Exilé de l’infirmerie, Keshâ’rem bouda un moment en arpentant les ruines d’Oxenfurt. Bien vite, il se dirigea vers la tente du commandement délocalisé de l’Alliance où il tenta de plaider sa cause.
-« Mais qu’est-ce que vous allez faire pour eux de toute façon ?... ils sont déjà morts si on ne fait rien… ou alors, vous allez les gardez attachés et sédatés pour le reste de leur existence ?! »
Heureusement, il se trouvait quelques patrouilleurs expérimentés pour ne pas tourner en ridicule son histoire et croire sa version des faits. Le problème majeur est que l’Alliance considérait ces événements comme une quête secondaire. Elle ne pouvait pas se permettre d’allouer quelque ressource que ce soit à un ennemi aussi « inconsistant. ». Pourtant, l’un des Morts-Gris reconnut que la peur commençait à gagner les troupes, qui rechignaient de plus en plus à sortir du périmètre sécurisé. La gestion du bétail et des vivres devenait aussi de plus en plus compliquée…
Pour finir, l’Alliance refusa poliment de l’aider, mais lui souhaita bon courage, si jamais il voulait quand même s’en charger. Un peu abattu, il s’en alla le pas traînant. Un Mort-Gris le rattrapa par une manche :
-« Allez voir à la tente du Magistère. Ils ont mis une prime sur Mathilda. Ils seront prêts à signer un bon de sortie pour vos vachers. »
Blême, Keshâ se présenta devant la tente du Magistère. Personne ne savait qu’il se trouvait là. Il pourrait très bien disparaître au milieu du camp presque désert à cette heure. Personne ne le retrouverait si on le balançait dans un Zeppelin en direction d’Opale. Enfin, il brava ses craintes pour réunir les alliés nécessaires à sa quête pour neutraliser Mathilda.
Les agents muets comme des portes de prison – ça c’était les Tartares – ou obséquieux, ça c’était le gratin politicard et scientifique, l’accueillirent avec un certain intérêt. Quelques heures plus tard, il repartait avec ses deux vachers sous le bras en direction des pâturages à la frontière du camp.
Ven 7 Juin - 14:27
Nid se donnait pour objectif d'enchaîner les primes dans le Nord pour faire obstacle à la mise en ordre des routes vers la Zénobie. La dévot du Cercle comptait bien gêner l'Alliance autant que ses petites mains lui permettaient. À peine arrivée chez les mercenaires, elle décida de se choisir une demande assez simple pour commencer. Depuis sa dernière mission, elle s'était reposée trois jours. La guerrière jeta un œil aux différents papiers accrochés sur le mur de la guilde, s'attardant sur plusieurs primes pendant quelques minutes. Elle accepta de s'occuper de la vache maudite "Mathilda" pour une centaine de pièces.
- Mh, une vache plongeant ses victimes dans la folie ? Je ferais mieux de me renseigner un peu.
Avant de partir en expédition pour Oxenfurt, Nid questionna plusieurs mercenaires plus expérimentés et plus âgés qu'elle sur sa mission et la façon de la mener à bien. Mais surtout, Nid était intéressée par la source de la malédiction. Elle s'assit à une table face à un groupe de trois mercenaires qui semblaient avoir les bagages pour avoir les informations qu'elle cherchait. Elle déposa cinq pièces sur la table. - Bonjour, voilà de quoi vous payer une tournée si vous pouvez répondre à mes questions. Se voulant un peu séductrice, elle se rapprocha d'un mercenaire et posa son bras sur l'épaule du guerrier pour l'enlacer de côté. Un peu plus petite que lui, elle levait ses yeux de biche vers lui pour le faire fondre.
- Je cherche des informations à propos d'une malédiction. Il semblerait qu'une vache soit maudite et que les personnes ayant pu la voir soient maintenant hantés par des visions d'elle. En sauriez-vous plus, messieurs ?
Le mercenaire assit à côté d'elle balaya le bras de Nid en grognant de colère. Il recula de quelques centimètres, visiblement, la tentative de la cultiste déplaisait au mercenaire bougon. Celui-ci répondit.
- Je suis marié et j'ai deux filles. Alors évite les yeux doux avec moi. Qu'est-ce qu'on engage comme recrue de nos jours... Au lieu de faire du charme aux gars, tu ferais mieux d'aller laver les latrines la bleue !
- J'suis occupée à faire des missions moi. Si vous avez le temps de boire à la guilde, c'est que vous avez le temps de faire le nettoyage. Hm, fit-elle d'un air méprisant, plein de dédain.
L'homme s'empara des pièces sur la table plus vite qu'elle ne put les récupérer. Non seulement, elle venait de perdre sa dignité et cinq pièces, mais en plus, elle allait devoir repartir bredouille. Décidément, elle était plus douée pour arracher les choses que pour les demander. Malheureusement, dans sa situation, elle devait rester discrète et elle ne pouvait pas se permettre de se battre avec cet insolent. Venant d'être intégrée chez les maraudeurs, elle ne connaissait pas encore les us et coutumes de la guilde, ce qui se faisait ou ne se faisait pas. Elle allait devoir faire un sérieux travail sur elle-même pour s'adapter. Elle pensait que les maraudeurs, surtout des hommes, loin de chez eux, céderaient facilement à ses charmes féminins, mais elle s'était visiblement faites une fausse idée de la chose.
Nid ne tarda pas plus longtemps à la guilde de Xandrie. Avant de retourner dans sa chambre, elle traça sa route dans la ville jusqu'à l'aérodrome où elle s'acheta une place dans un dirigeable qui partait vers le Nord. Chez elle, elle prépara ses affaires dans un sac à dos qu'elle emporta pour le voyage. Elle monta dans le dirigeable en partance pour la Chaîne des Aiguières. Passer par les airs, au-delà de la Chaîne, permettait de gagner plusieurs jours par rapport à la route qui contournait la Chaîne par l'est. Le dirigeable déposa les passagers au nord de la Mer de Sang, à l'orée de la Mer de Brume et juste au sud d'Oxenfurt. Depuis sa position, il lui restait seulement quelques jours de marche avant d'atteindre l'avant-poste de l'Alliance. Elle s'engagea comme garde du corps auprès d'un convoi de ravitaillement à destination de l'avant-poste qu'elle voulait rejoindre. Les marchands avaient également emprunté le dirigeable. Elle marcha dans la Brume en direction du nord pendant trois journées avec eux.
Elle arriva au camp en début de soirée. Nid interrompit un patrouilleur durant sa patrouille et lui présenta la feuille de sa mission. - Je cherche le responsable du camp pour me présenter. Je vais vous débarrasser de cette vache.
- Ah oui ! J'ai justement croisé quelqu'un qui voulait aussi s'en occuper. Il vous faut aller à la tente du Magistère.
- Merci pour votre aide. Courage pour votre patrouille.
Et Nid se rendit à la tente du Magistère, auprès de celui qui avait émis la demande, pour confirmer sa participation à la mission auprès de lui. Seulement, un homme était lui aussi présent pour la mission. Elle allait devoir partager l'ordre. Le croiser et partager avec lui, elle ne savait pas encore si cela relevait de l'heureux hasard ou de la malchance. Elle ne tarderait sûrement pas à le découvrir. Bien qu'elle était épuisée par son voyage, elle ne se sentait pas de rester en retrait et de laisser l'inconnu accomplir seul la mission. Elle n'avait pas fait tout ce voyage pour rien.
Elle marchait, silencieuse, à côté de lui. Jusqu'à ce qu'elle sorte de son mutisme après quelques minutes pour poser une question. - Qu'allons-nous faire ?
Elle ne savait pas encore comment elle allait saboter la mission. Ou non. Elle ne savait pas encore quoi faire à cause de cet imprévu aux cheveux blancs. Toujours est-il qu'à présent elle devait s'adapter à sa présence.
- Mh, une vache plongeant ses victimes dans la folie ? Je ferais mieux de me renseigner un peu.
Avant de partir en expédition pour Oxenfurt, Nid questionna plusieurs mercenaires plus expérimentés et plus âgés qu'elle sur sa mission et la façon de la mener à bien. Mais surtout, Nid était intéressée par la source de la malédiction. Elle s'assit à une table face à un groupe de trois mercenaires qui semblaient avoir les bagages pour avoir les informations qu'elle cherchait. Elle déposa cinq pièces sur la table. - Bonjour, voilà de quoi vous payer une tournée si vous pouvez répondre à mes questions. Se voulant un peu séductrice, elle se rapprocha d'un mercenaire et posa son bras sur l'épaule du guerrier pour l'enlacer de côté. Un peu plus petite que lui, elle levait ses yeux de biche vers lui pour le faire fondre.
- Je cherche des informations à propos d'une malédiction. Il semblerait qu'une vache soit maudite et que les personnes ayant pu la voir soient maintenant hantés par des visions d'elle. En sauriez-vous plus, messieurs ?
Le mercenaire assit à côté d'elle balaya le bras de Nid en grognant de colère. Il recula de quelques centimètres, visiblement, la tentative de la cultiste déplaisait au mercenaire bougon. Celui-ci répondit.
- Je suis marié et j'ai deux filles. Alors évite les yeux doux avec moi. Qu'est-ce qu'on engage comme recrue de nos jours... Au lieu de faire du charme aux gars, tu ferais mieux d'aller laver les latrines la bleue !
- J'suis occupée à faire des missions moi. Si vous avez le temps de boire à la guilde, c'est que vous avez le temps de faire le nettoyage. Hm, fit-elle d'un air méprisant, plein de dédain.
L'homme s'empara des pièces sur la table plus vite qu'elle ne put les récupérer. Non seulement, elle venait de perdre sa dignité et cinq pièces, mais en plus, elle allait devoir repartir bredouille. Décidément, elle était plus douée pour arracher les choses que pour les demander. Malheureusement, dans sa situation, elle devait rester discrète et elle ne pouvait pas se permettre de se battre avec cet insolent. Venant d'être intégrée chez les maraudeurs, elle ne connaissait pas encore les us et coutumes de la guilde, ce qui se faisait ou ne se faisait pas. Elle allait devoir faire un sérieux travail sur elle-même pour s'adapter. Elle pensait que les maraudeurs, surtout des hommes, loin de chez eux, céderaient facilement à ses charmes féminins, mais elle s'était visiblement faites une fausse idée de la chose.
Nid ne tarda pas plus longtemps à la guilde de Xandrie. Avant de retourner dans sa chambre, elle traça sa route dans la ville jusqu'à l'aérodrome où elle s'acheta une place dans un dirigeable qui partait vers le Nord. Chez elle, elle prépara ses affaires dans un sac à dos qu'elle emporta pour le voyage. Elle monta dans le dirigeable en partance pour la Chaîne des Aiguières. Passer par les airs, au-delà de la Chaîne, permettait de gagner plusieurs jours par rapport à la route qui contournait la Chaîne par l'est. Le dirigeable déposa les passagers au nord de la Mer de Sang, à l'orée de la Mer de Brume et juste au sud d'Oxenfurt. Depuis sa position, il lui restait seulement quelques jours de marche avant d'atteindre l'avant-poste de l'Alliance. Elle s'engagea comme garde du corps auprès d'un convoi de ravitaillement à destination de l'avant-poste qu'elle voulait rejoindre. Les marchands avaient également emprunté le dirigeable. Elle marcha dans la Brume en direction du nord pendant trois journées avec eux.
Elle arriva au camp en début de soirée. Nid interrompit un patrouilleur durant sa patrouille et lui présenta la feuille de sa mission. - Je cherche le responsable du camp pour me présenter. Je vais vous débarrasser de cette vache.
- Ah oui ! J'ai justement croisé quelqu'un qui voulait aussi s'en occuper. Il vous faut aller à la tente du Magistère.
- Merci pour votre aide. Courage pour votre patrouille.
Et Nid se rendit à la tente du Magistère, auprès de celui qui avait émis la demande, pour confirmer sa participation à la mission auprès de lui. Seulement, un homme était lui aussi présent pour la mission. Elle allait devoir partager l'ordre. Le croiser et partager avec lui, elle ne savait pas encore si cela relevait de l'heureux hasard ou de la malchance. Elle ne tarderait sûrement pas à le découvrir. Bien qu'elle était épuisée par son voyage, elle ne se sentait pas de rester en retrait et de laisser l'inconnu accomplir seul la mission. Elle n'avait pas fait tout ce voyage pour rien.
Elle marchait, silencieuse, à côté de lui. Jusqu'à ce qu'elle sorte de son mutisme après quelques minutes pour poser une question. - Qu'allons-nous faire ?
Elle ne savait pas encore comment elle allait saboter la mission. Ou non. Elle ne savait pas encore quoi faire à cause de cet imprévu aux cheveux blancs. Toujours est-il qu'à présent elle devait s'adapter à sa présence.
Sam 8 Juin - 2:00
Psykhê bovinda
Ft. Solo, Mathilda, PNJ's
-« Messire ! … je veux pas r’tourner dans la brume ! » clamait l’un.
-« Fô ben faire kek’chose, Simon. »
Le vieux Rodrick était comme résigné à son triste sort. Ce n’était pas pour la gloire qu’il les conduisait à l’échafaud. Au fond de lui, il savait bien que s’il en prenait deux, c’était qu’au moins l’un d’entre deux risquait de ne pas arriver au bout du chemin.
-« Je vous ai déjà dit de m’appeler Keshâ, Simon. »
-« AAAaaahhaaaa ! »
-« Qu’est-ce qui… aaAAAAAAAHHH ! » rugirent-ils ensemble.
Encore un coup de Mathilda. C’est pas vrai. Ils n’avaient même pas fait deux cent mètres.
Quand l’hallucination se dissipa, il essaya de leur faire entendre raison.
-« Je comprends que je puisse paraître insensible. Mais je fais vraiment ça pour essayer de vous aider. Vous la voyez déjà partout. Si on ne fait rien, il vous reste au plus quelques jours à vivre. »
Sans dormir, leurs cœurs finiraient par lâcher. C’est surtout qu’ils finiraient sans doute par décider que c’était assez, comme le larron de la veille. Et ils mettraient fin à leurs jours. Deux âmes de plus pour Mathilda.
-« On est maudits… pourquoi Azoriax ? » sanglotait le fermier.
Tentant de le consoler, il posa ses mains sur l’épaule du plus jeune.
-« Allons. Je sais que nous risquons notre vie dans la brume. Mais j’ai de l’espoir… Si Mathilda… cesse de vivre… peut-être que… »
Il ne parvenait pas à le nommer, de peur justement de nourrir trop d’illusions.
-« Ptêtr' qu’on s'ra délivré d'son emprrise. »
Keshâ hocha de la tête avec autant de conviction qu’il le pouvait. Il se devait de ragaillardir ces deux oubliés de l’Alliance, déjà en sursit.
-« Votre aide est essentielle. A deux, vous pourrez renforcer votre courage. C’est vous qui allez me guider dans la brume. Pour ne pas être à mon tour victime de la malédiction du Guetteur, je vais bander mes yeux en entrant dans la brume. Il peut y avoir d’autres dangers. Alors, essayez de ne pas crier. Et essayons d’avancer prudemment, sans courir, mais sans traîner non plus. Mathilda ne peut pas être bien loin. »
Personne n’aimait le plan. Plusieurs de ses détails étaient angoissants. Ne serait-ce que pour Keshâ’rem, qui misait sa survie sur le fait d’être guidé par deux vachers au bord du suicide. Et s’ils s’en prenaient à lui dans un accès de démence ?
Un autre héros se serait peut-être enfoncé seul dans la brume en laissant les victimes à l’infirmerie. Cela dit, il n’était pas un héros. Lui non plus ne voulait pas s’enfoncer tout seul dans la brume. Ni finir fou.
-« Qu’allons-nous faire ? »
Tous trois sursautèrent. Une main sur le palpitant, qui avait manqué un battement.
-« Nous ? » sourcilla, Rodrick.
Sur la réserve, les sourcils froncés, Keshâ’rem dévisageait la nouvelle arrivante, qu’il n’avait pas du tout remarqué.
-« Qui êtes-vous ? »
La question était simple mais loin d’être anodine. Tous les profils se côtoyaient sur le camp de l’Alliance, du plus modeste au plus glorieux, du plus indigne au plus vertueux. Il n’aurait à vrai dire pas craché sur un peu de soutien. Est-ce que les patrouilleurs avaient changé d’avis ? Il dévisageait maintenant cette femme au physique si particulier de ses yeux d’améthyste. La confiance était exclue mais la collaboration a priori nécessaire.
Plus que son identité, c’était sa motivation qui le dérangeait. Depuis plusieurs jours, aucun volontaire ne s’était désigné pour ramener/régler son compte à Mathilda, les trésors des souterrains étant bien plus alléchants.
-« Vous êtes au courant que la prime sur Mathilda est ridicule ? Alors la partager, c’est pire.»
Histoire de voir si c’était une maraudeuse fonctionnant à l’appât du gain qui se serait trompé de mission. Le portebrume lui laissait ainsi une chance de s’expliquer. Et surtout de se retirer.
-« Bon. Même si l’objectif a l’air facile, cela ne le sera pas tant que ça. Être à deux est un avantage. Je me présente, Keshâ’rem. Et voici Simon et Rodrick. Ce sont deux vachers qui ont été victimes de Mathilda. Comme ils sont déjà touchés par la malédiction du Guetteur, Mathilda ne peut rien leur faire de plus que ce qu’elle n’a déjà fait… » mentionna-t-il avec le plus de tact possible, sans évoquer l’ « incident » malheureux concernant leur acolyte de la veille. Job. Ou leur espérance de vie restante réduite à peau de chagrin.
-« Mon plan est de me bander les yeux. Et que nos vachers nous guident vers Mathilda. »
A ce stade, il préférait garder pour lui l’idée de s’asseoir sur la prime pour essayer de trucider le bovidé. A sa façon, elle était innocente. Transformée par la brume, ce n’était pas sa faute si sa mutation causait la folie. Lui aussi était devenu instable et dangereux. Mais Mathilda était hors de contrôle et compromettait leur croisade contre le Mandebrume.
Ainsi, son choix était fait d’essayer de gracier les vachers de leur funeste destin. Rester à avoir les couilles de lui ôter froidement la vie. Il s’accrocher au fait qu’être livré au Magistère pour expérimentation n’était pas un destin plus fameux. Mieux valait la « libérer ».
-« Fô ben faire kek’chose, Simon. »
Le vieux Rodrick était comme résigné à son triste sort. Ce n’était pas pour la gloire qu’il les conduisait à l’échafaud. Au fond de lui, il savait bien que s’il en prenait deux, c’était qu’au moins l’un d’entre deux risquait de ne pas arriver au bout du chemin.
-« Je vous ai déjà dit de m’appeler Keshâ, Simon. »
-« AAAaaahhaaaa ! »
-« Qu’est-ce qui… aaAAAAAAAHHH ! » rugirent-ils ensemble.
Encore un coup de Mathilda. C’est pas vrai. Ils n’avaient même pas fait deux cent mètres.
Quand l’hallucination se dissipa, il essaya de leur faire entendre raison.
-« Je comprends que je puisse paraître insensible. Mais je fais vraiment ça pour essayer de vous aider. Vous la voyez déjà partout. Si on ne fait rien, il vous reste au plus quelques jours à vivre. »
Sans dormir, leurs cœurs finiraient par lâcher. C’est surtout qu’ils finiraient sans doute par décider que c’était assez, comme le larron de la veille. Et ils mettraient fin à leurs jours. Deux âmes de plus pour Mathilda.
-« On est maudits… pourquoi Azoriax ? » sanglotait le fermier.
Tentant de le consoler, il posa ses mains sur l’épaule du plus jeune.
-« Allons. Je sais que nous risquons notre vie dans la brume. Mais j’ai de l’espoir… Si Mathilda… cesse de vivre… peut-être que… »
Il ne parvenait pas à le nommer, de peur justement de nourrir trop d’illusions.
-« Ptêtr' qu’on s'ra délivré d'son emprrise. »
Keshâ hocha de la tête avec autant de conviction qu’il le pouvait. Il se devait de ragaillardir ces deux oubliés de l’Alliance, déjà en sursit.
-« Votre aide est essentielle. A deux, vous pourrez renforcer votre courage. C’est vous qui allez me guider dans la brume. Pour ne pas être à mon tour victime de la malédiction du Guetteur, je vais bander mes yeux en entrant dans la brume. Il peut y avoir d’autres dangers. Alors, essayez de ne pas crier. Et essayons d’avancer prudemment, sans courir, mais sans traîner non plus. Mathilda ne peut pas être bien loin. »
Personne n’aimait le plan. Plusieurs de ses détails étaient angoissants. Ne serait-ce que pour Keshâ’rem, qui misait sa survie sur le fait d’être guidé par deux vachers au bord du suicide. Et s’ils s’en prenaient à lui dans un accès de démence ?
Un autre héros se serait peut-être enfoncé seul dans la brume en laissant les victimes à l’infirmerie. Cela dit, il n’était pas un héros. Lui non plus ne voulait pas s’enfoncer tout seul dans la brume. Ni finir fou.
-« Qu’allons-nous faire ? »
Tous trois sursautèrent. Une main sur le palpitant, qui avait manqué un battement.
-« Nous ? » sourcilla, Rodrick.
Sur la réserve, les sourcils froncés, Keshâ’rem dévisageait la nouvelle arrivante, qu’il n’avait pas du tout remarqué.
-« Qui êtes-vous ? »
La question était simple mais loin d’être anodine. Tous les profils se côtoyaient sur le camp de l’Alliance, du plus modeste au plus glorieux, du plus indigne au plus vertueux. Il n’aurait à vrai dire pas craché sur un peu de soutien. Est-ce que les patrouilleurs avaient changé d’avis ? Il dévisageait maintenant cette femme au physique si particulier de ses yeux d’améthyste. La confiance était exclue mais la collaboration a priori nécessaire.
Plus que son identité, c’était sa motivation qui le dérangeait. Depuis plusieurs jours, aucun volontaire ne s’était désigné pour ramener/régler son compte à Mathilda, les trésors des souterrains étant bien plus alléchants.
-« Vous êtes au courant que la prime sur Mathilda est ridicule ? Alors la partager, c’est pire.»
Histoire de voir si c’était une maraudeuse fonctionnant à l’appât du gain qui se serait trompé de mission. Le portebrume lui laissait ainsi une chance de s’expliquer. Et surtout de se retirer.
-« Bon. Même si l’objectif a l’air facile, cela ne le sera pas tant que ça. Être à deux est un avantage. Je me présente, Keshâ’rem. Et voici Simon et Rodrick. Ce sont deux vachers qui ont été victimes de Mathilda. Comme ils sont déjà touchés par la malédiction du Guetteur, Mathilda ne peut rien leur faire de plus que ce qu’elle n’a déjà fait… » mentionna-t-il avec le plus de tact possible, sans évoquer l’ « incident » malheureux concernant leur acolyte de la veille. Job. Ou leur espérance de vie restante réduite à peau de chagrin.
-« Mon plan est de me bander les yeux. Et que nos vachers nous guident vers Mathilda. »
A ce stade, il préférait garder pour lui l’idée de s’asseoir sur la prime pour essayer de trucider le bovidé. A sa façon, elle était innocente. Transformée par la brume, ce n’était pas sa faute si sa mutation causait la folie. Lui aussi était devenu instable et dangereux. Mais Mathilda était hors de contrôle et compromettait leur croisade contre le Mandebrume.
Ainsi, son choix était fait d’essayer de gracier les vachers de leur funeste destin. Rester à avoir les couilles de lui ôter froidement la vie. Il s’accrocher au fait qu’être livré au Magistère pour expérimentation n’était pas un destin plus fameux. Mieux valait la « libérer ».
Sam 8 Juin - 14:11
Elle était un peu étonnée de la surprise de l'homme aux cheveux blancs. Cela faisait plusieurs minutes qu'elle travaillait à rattraper et à suivre le cortège de la mission suite à son entrevue avec le Magistère. Si elle était parvenue à surprendre les trois hommes avec autant de facilité, que se serait-il passé si à sa place un monstre avait décidé de les attaquer ? Certainement, un bain de sang, pensa Nid. Au final, peut-être que ces trois énergumènes n'avaient pas besoin d'elle pour saboter la mission. Bien.
- Je m'appelle Améalys, le nom de sa fille était le premier nom auquel elle avait pensé en s'inscrivant à la guilde. - Je fais partie de la guilde des Maraudeurs. Je me suis engagée, car ma fille est morte lors de l'attentat d'Opale. Je souhaite me venger du Cercle, c'est pourquoi je viens en aide à la Guilde.
Maintenant, qu'elle avait retrouvé le groupe, il était temps de réfléchir. Si la mission était de ramener la vache saine et sauve au camp ; alors elle devait faire en sorte que la vache ne rentre jamais. La maigre prime constituait un argument suffisant pour se justifier d'un échec : si peu ne valait pas la peine qu'elle se sacrifie pour mener à bien la mission. Elle n'aura qu'à terminer en se justifiant que cette dernière s'était révélée bien plus dangereuse que ce qu'elle croyait. Ce plan aurait été parfait si seulement elle avait été seule.
- Je suis enchantée Keshâ'rem, elle se tourna vers les vachers. Simon. Rodrick, fit-elle en accompagnant ses salutations d'un geste amical de la tête. La voix de la Cultiste, intelligible, n'avait pas d'expressivité. Elle ne se sentait visiblement pas concernée par le sort des pauvres âmes folles à ses côtés.
L'avant-poste de l'Alliance était à présent derrière eux. L'étranger et les vachers suivaient un sentier de terre qui s'était creusé sous les sabots du bétail et les bottes des fermiers qui passaient d'ordinaire par là pour atteindre un champs de pâturage situé à un kilomètre du camp.
- Serre le poing à ta poule et elle te serrera le cul. Comme je le disais, je ne suis pas intéressée par la prime, bien que je souhaite quand même conserver ma part pour rembourser les frais du voyage, expliquait-elle. - J'imagine que nous en aurons pour quinze à vingt minutes à pied dans la Brume. Peut-être plus si nous faisons selon votre plan et que nous nous bandons les yeux.
Nid ne montrait aucune envie de négocier sa part de la prime. Elle voulait la moitié, ni plus ni moins. Quand bien même elle se montrerait utile ou inutile, cela ne changeait rien à ses yeux. Mais pour le moment, elle ne faisait pas part de ses réflexions à Keshâ, tant qu'il n'ouvrait pas le bal des négociations, elle ne comptait pas le faire non plus. Quant à la Brume, Nid n'en avait pas peur. Elle était une fanatique qui n'angoissait pas à l'idée de mourir pour ses croyances ou pour ses idées. Tout au contraire, elle se réjouissait de trouver la mort en servant le Mandebrume et la cause du Cercle. Cela ne la rendait pas sans peur non plus. A vrai dire, Nid redoutait de croiser la vache. Elle rechignait à être maudite et à finir sa vie folle, seule, enfermée dans un sanatorium. C'est pourquoi elle proposa ceci à Keshâ.
- Hé bien, continuons le chemin comme nous l'avons commencé. Je vous propose de suivre votre plan, de vous bander les yeux et d'ouvrir la marche. Je resterai derrière pour nous couvrir. Dans un premier temps, je ne me banderai pas les yeux, mais je me contenterai de rester alerte en fixant le sol. Cela me permettra de réagir plus rapidement.
Pour sa sécurité, elle avait préféré rester en arrière. À force de vivre dans l'ombre et dans le mensonge, Nid était devenue assez paranoïaque pour refuser de fermer les yeux et de se laisser guider par des gueux ayant perdu la tête. Drôle de situation. Elle avait à la fois peur de fermer les yeux et de les ouvrir. Elle se sentait un peu comme dans une eau très profonde, ses pieds ne touchant que les abîmes et ne sachant pas quel monstre allait remonter des abysses. L'inconnu l'angoissait, même si elle s'y était un peu habituée durant ses voyages. Malheureusement pour elle, elle n'avait pas d'autre plan et sa proposition restait le meilleur juste milieu qu'elle eut trouvé jusque-là.
Ils avancèrent trois cents mètres sans rencontrer de problèmes. Il restait plus ou moins sept cents mètres à faire.
- Et vous Keshâ, pourquoi êtes-vous ici ? Qui êtes-vous ? Puis-je en savoir plus sur vous ? Je suis curieuse d'en savoir plus sur vos motivations.
[hrp : 1d20 résultat 12 (Pas de danger)]
[5d100 résultat 361, ils avancent de 361m sans qu'il ne se passe rien]
- Je m'appelle Améalys, le nom de sa fille était le premier nom auquel elle avait pensé en s'inscrivant à la guilde. - Je fais partie de la guilde des Maraudeurs. Je me suis engagée, car ma fille est morte lors de l'attentat d'Opale. Je souhaite me venger du Cercle, c'est pourquoi je viens en aide à la Guilde.
Maintenant, qu'elle avait retrouvé le groupe, il était temps de réfléchir. Si la mission était de ramener la vache saine et sauve au camp ; alors elle devait faire en sorte que la vache ne rentre jamais. La maigre prime constituait un argument suffisant pour se justifier d'un échec : si peu ne valait pas la peine qu'elle se sacrifie pour mener à bien la mission. Elle n'aura qu'à terminer en se justifiant que cette dernière s'était révélée bien plus dangereuse que ce qu'elle croyait. Ce plan aurait été parfait si seulement elle avait été seule.
- Je suis enchantée Keshâ'rem, elle se tourna vers les vachers. Simon. Rodrick, fit-elle en accompagnant ses salutations d'un geste amical de la tête. La voix de la Cultiste, intelligible, n'avait pas d'expressivité. Elle ne se sentait visiblement pas concernée par le sort des pauvres âmes folles à ses côtés.
L'avant-poste de l'Alliance était à présent derrière eux. L'étranger et les vachers suivaient un sentier de terre qui s'était creusé sous les sabots du bétail et les bottes des fermiers qui passaient d'ordinaire par là pour atteindre un champs de pâturage situé à un kilomètre du camp.
- Serre le poing à ta poule et elle te serrera le cul. Comme je le disais, je ne suis pas intéressée par la prime, bien que je souhaite quand même conserver ma part pour rembourser les frais du voyage, expliquait-elle. - J'imagine que nous en aurons pour quinze à vingt minutes à pied dans la Brume. Peut-être plus si nous faisons selon votre plan et que nous nous bandons les yeux.
Nid ne montrait aucune envie de négocier sa part de la prime. Elle voulait la moitié, ni plus ni moins. Quand bien même elle se montrerait utile ou inutile, cela ne changeait rien à ses yeux. Mais pour le moment, elle ne faisait pas part de ses réflexions à Keshâ, tant qu'il n'ouvrait pas le bal des négociations, elle ne comptait pas le faire non plus. Quant à la Brume, Nid n'en avait pas peur. Elle était une fanatique qui n'angoissait pas à l'idée de mourir pour ses croyances ou pour ses idées. Tout au contraire, elle se réjouissait de trouver la mort en servant le Mandebrume et la cause du Cercle. Cela ne la rendait pas sans peur non plus. A vrai dire, Nid redoutait de croiser la vache. Elle rechignait à être maudite et à finir sa vie folle, seule, enfermée dans un sanatorium. C'est pourquoi elle proposa ceci à Keshâ.
- Hé bien, continuons le chemin comme nous l'avons commencé. Je vous propose de suivre votre plan, de vous bander les yeux et d'ouvrir la marche. Je resterai derrière pour nous couvrir. Dans un premier temps, je ne me banderai pas les yeux, mais je me contenterai de rester alerte en fixant le sol. Cela me permettra de réagir plus rapidement.
Pour sa sécurité, elle avait préféré rester en arrière. À force de vivre dans l'ombre et dans le mensonge, Nid était devenue assez paranoïaque pour refuser de fermer les yeux et de se laisser guider par des gueux ayant perdu la tête. Drôle de situation. Elle avait à la fois peur de fermer les yeux et de les ouvrir. Elle se sentait un peu comme dans une eau très profonde, ses pieds ne touchant que les abîmes et ne sachant pas quel monstre allait remonter des abysses. L'inconnu l'angoissait, même si elle s'y était un peu habituée durant ses voyages. Malheureusement pour elle, elle n'avait pas d'autre plan et sa proposition restait le meilleur juste milieu qu'elle eut trouvé jusque-là.
Ils avancèrent trois cents mètres sans rencontrer de problèmes. Il restait plus ou moins sept cents mètres à faire.
- Et vous Keshâ, pourquoi êtes-vous ici ? Qui êtes-vous ? Puis-je en savoir plus sur vous ? Je suis curieuse d'en savoir plus sur vos motivations.
[hrp : 1d20 résultat 12 (Pas de danger)]
[5d100 résultat 361, ils avancent de 361m sans qu'il ne se passe rien]
Lun 10 Juin - 17:11
Psykhê bovinda
Ft. Solo, Mathilda, PNJ's
-« Bienvenue dans l’équipe, Améalys. »
Il y avait ce je ne sais quoi de profondément inconfortable en sa présence. Bien sûr, toute l’expédition était sur des charbons ardents. A des centaines de lieux de l’Enclave, tous étaient partis pour s’enfoncer encore des milliers de lieux en terra incognita. Les paysages qu’ils traverseraient figuraient sur des cartes défraîchis arrachés aux vestiges des Anciens. Tout leur était hostile. La fatigue les usait. Et les userait.
Améalys aussi portait certains vestiges de cette fatigue. On ne pouvait donc pas cracher sur les intentions des gens par principe. Autant lui laisser faire ses preuves. Comme lui, après tout, à qui personne n’aurait confié autre chose qu’une livraison de courrier il y a seulement trois ou quatre ans. Et pourtant, la brume le rendait nerveux, un brin parano.
Il hocha de la tête. Si tous les combattants se répandaient en « pauvre toi ! » et en condoléances à tout bout de champs, une ambiance de pendaison règnerait en permanence sur la délégation Urhoise. Malgré son empathie exacerbée, il la trouvait étrangement factuel en résumant son drame personnel. Si elle était si indifférente au sort des vachers, pourquoi diable ne pas avoir jeté son dévolu sur une course aux joyaux dans les souterrains ?
-« Ca devrait être dans ces eaux là si aucun imprévu n’arrive. »
Il y en aurait forcément. Inutile de convoquer les démons de l’angoisse pour le moment. Rodrick ou Simon s’agrippaient parfois l’un à l’autre dans un sursaut, à chaque fois que la malédiction du Guetteur surprenait leur vision périphérique. Parlant d'imprévu, une petite masse blanche à l'odeur d'agrume fondit dans un flou artistique sur les chevilles de Keshâ avant de se hisser sur son épaule en un clin d'oeil.
-"C'est Nagendra, mon narangpé. J'ai voulu le laisser à l'avant-poste pour sa sécurité. Mais on dirait qu'il a resquillé."
Sa main se posa sur l’épaule de Rodrick par compassion. Une habile manière de s’accaparer son attention.
-« Rodrick, pourrez-vous tenir, juste une heure de plus ? J’ai besoin que vous soyez mes yeux… et que vous ayez confiance… ne réagissez pas au premier mouvement… gardez-votre sang froid, je vous en prie… » conseillait-il au vétéran des paysans.
~° Rodrick ? Rodrick, c’est Keshâ !... Silence!°~ implora-t-il en se coulant dans l’esprit du vacher.
-« J'te f'rait' d'mon mieux. » dit le vacher d’un air mortifié, après avoir sursauté pour la énième fois en laissant échapper « non d’une j’ment malad’ ! »
~° Je reste avec vous par l’esprit. Je vous demande de garder ce talent secret. A partir de maintenant, je serai aveugle. Vous serez mes yeux en plus de me guider par la voix. Si vous arrivez à vous ouvrir suffisamment, je pourrais par moment entrevoir ce que vous voyez… °~
-« D’d’accord. »
~° Shhh… Rodrick. Quand je suis présent mentalement. Vous pouvez penser fortement pour me parler. °~
Le fermier le dévisageait d’un air un peu hébété. Pour sa part, il avait pris l’habitude de détailler le décor sans y toucher pour ne pas rendre trop évident ses correspondances sous-marines. Nidaëlle restait un peu en attente. Après tout, Keshâ était peu être lui aussi un paysan un peu attardé.
-« Allons y pour moitié-moitié. Faites ce qui vous semble le plus sûr. »
La brume élança un bras vaporeux pour ausculter le vacher. Elle semblait scrupuleuse. Le contact avec Keshâ fut plus caressant. Jamais il ne s’habituerait à cette traction que l’entité exerçait désormais sur lui. La pression de sa nébula augmentait de plusieurs crans depuis l’intérieur. C’est comme s’il parvenait à peine à la contenir, à conserver un nom et une forme. Invité. C’est ainsi qu’il se sentait à présent. Toujours observait de partout et nulle part, mais plus auteur de suspicion…
Le jeune homme se banda les yeux comme le prévoyait son plan. Rodrick devint son guide, alors qu’il posait une main sur son épaule. Ainsi aveuglé, il ressemblait plus à un mendiant. Dénué d’armes apparentes, sauf un revolver à la cheville et une dague dissimulée, Améalys devait le prendre pour un fou ou un prétentieux.
Ils s’éloignèrent. Tout allait bien jusqu’ici. Les fermiers restaient braves. L’atmosphère était particulièrement anxiogène pour l’Epistote, qui voulait regarder. La brume était dense pourtant, comme de la purée de poids. Le groupe devrait rester compact pour ne pas se retrouver séparé par une des facéties de la brume. Aucun prédateur ne leur tomba dessus. Pas l’ombre d’une harpie planant au-dessus d’eux. Pourtant, ils avaient du mal à apprécier leur chance, car ce silence surnaturel laissait envisager le pire à chaque seconde. On pouvait imaginer un Feldermaus prêt à décapiter tout le groupe d’un revers d’aile. De même, il était difficile de déterminer à quel point ils avaient avancé. Cent mètre, ou peut-être neuf cent ?
Un filet de transpiration froide coulait dans le dos de l’orphelin, alors que ses nerfs étaient à vif. Il communiquait régulièrement à voix très basse.
-« Tout le monde va bien ? Ne partez pas dans vos rêveries. Ne vous éloignez pas les uns des autres. Restez en alerte. »
En l’occurrence, son ouïe était fébrile. Il essayait de temps à autre de voir à travers les yeux de Rodrick. Mais le vieil éleveur n’était pas très doué pour la télépathie. De temps en temps, il réussit à avoir un rapide aperçu des environs. Cela tomba quand il regardait le sol ou le ciel. Et la brume nimbée occultait de toute façon le paysage. A défaut de les attaquer, elle ne facilitait pas leur progression.
Jusqu’ici, leur voyage dans la brume était sans conséquence, troublé uniquement par un sursaut des deux vachers de temps à autres. Les deux hommes étaient encore plus réactifs dans la brume, s’attendant à voir de vrais monstres apparaître devant eux.
-« Elle est là !... ah non, ce n’était pas la vraie… » maugréa le jeune Simon.
-« Satanée vache ! »
La maraudeuse se montra curieuse. Cela était dérangeant pour leur vigilance. Mais il lui en était presque reconnaissant de casser la tension palpable.
-"Je suis un jeune membre de la Guilde des aventuriers. Toute l'action d'Urh a l'air de se passer par ici. Comme mon père était un aventurier, je ne voulais pas décevoir sa mémoire... en plus on va sans doute trouver plein de cités antiques et de trésors."
Ce n'était pas un mensonge, mais pas la partie la plus juteuse de la vérité non plus. Le petit apprenait à ménager son mystère.
Il y avait ce je ne sais quoi de profondément inconfortable en sa présence. Bien sûr, toute l’expédition était sur des charbons ardents. A des centaines de lieux de l’Enclave, tous étaient partis pour s’enfoncer encore des milliers de lieux en terra incognita. Les paysages qu’ils traverseraient figuraient sur des cartes défraîchis arrachés aux vestiges des Anciens. Tout leur était hostile. La fatigue les usait. Et les userait.
Améalys aussi portait certains vestiges de cette fatigue. On ne pouvait donc pas cracher sur les intentions des gens par principe. Autant lui laisser faire ses preuves. Comme lui, après tout, à qui personne n’aurait confié autre chose qu’une livraison de courrier il y a seulement trois ou quatre ans. Et pourtant, la brume le rendait nerveux, un brin parano.
Il hocha de la tête. Si tous les combattants se répandaient en « pauvre toi ! » et en condoléances à tout bout de champs, une ambiance de pendaison règnerait en permanence sur la délégation Urhoise. Malgré son empathie exacerbée, il la trouvait étrangement factuel en résumant son drame personnel. Si elle était si indifférente au sort des vachers, pourquoi diable ne pas avoir jeté son dévolu sur une course aux joyaux dans les souterrains ?
-« Ca devrait être dans ces eaux là si aucun imprévu n’arrive. »
Il y en aurait forcément. Inutile de convoquer les démons de l’angoisse pour le moment. Rodrick ou Simon s’agrippaient parfois l’un à l’autre dans un sursaut, à chaque fois que la malédiction du Guetteur surprenait leur vision périphérique. Parlant d'imprévu, une petite masse blanche à l'odeur d'agrume fondit dans un flou artistique sur les chevilles de Keshâ avant de se hisser sur son épaule en un clin d'oeil.
-"C'est Nagendra, mon narangpé. J'ai voulu le laisser à l'avant-poste pour sa sécurité. Mais on dirait qu'il a resquillé."
Sa main se posa sur l’épaule de Rodrick par compassion. Une habile manière de s’accaparer son attention.
-« Rodrick, pourrez-vous tenir, juste une heure de plus ? J’ai besoin que vous soyez mes yeux… et que vous ayez confiance… ne réagissez pas au premier mouvement… gardez-votre sang froid, je vous en prie… » conseillait-il au vétéran des paysans.
~° Rodrick ? Rodrick, c’est Keshâ !... Silence!°~ implora-t-il en se coulant dans l’esprit du vacher.
-« J'te f'rait' d'mon mieux. » dit le vacher d’un air mortifié, après avoir sursauté pour la énième fois en laissant échapper « non d’une j’ment malad’ ! »
~° Je reste avec vous par l’esprit. Je vous demande de garder ce talent secret. A partir de maintenant, je serai aveugle. Vous serez mes yeux en plus de me guider par la voix. Si vous arrivez à vous ouvrir suffisamment, je pourrais par moment entrevoir ce que vous voyez… °~
-« D’d’accord. »
~° Shhh… Rodrick. Quand je suis présent mentalement. Vous pouvez penser fortement pour me parler. °~
Le fermier le dévisageait d’un air un peu hébété. Pour sa part, il avait pris l’habitude de détailler le décor sans y toucher pour ne pas rendre trop évident ses correspondances sous-marines. Nidaëlle restait un peu en attente. Après tout, Keshâ était peu être lui aussi un paysan un peu attardé.
-« Allons y pour moitié-moitié. Faites ce qui vous semble le plus sûr. »
La brume élança un bras vaporeux pour ausculter le vacher. Elle semblait scrupuleuse. Le contact avec Keshâ fut plus caressant. Jamais il ne s’habituerait à cette traction que l’entité exerçait désormais sur lui. La pression de sa nébula augmentait de plusieurs crans depuis l’intérieur. C’est comme s’il parvenait à peine à la contenir, à conserver un nom et une forme. Invité. C’est ainsi qu’il se sentait à présent. Toujours observait de partout et nulle part, mais plus auteur de suspicion…
Le jeune homme se banda les yeux comme le prévoyait son plan. Rodrick devint son guide, alors qu’il posait une main sur son épaule. Ainsi aveuglé, il ressemblait plus à un mendiant. Dénué d’armes apparentes, sauf un revolver à la cheville et une dague dissimulée, Améalys devait le prendre pour un fou ou un prétentieux.
Ils s’éloignèrent. Tout allait bien jusqu’ici. Les fermiers restaient braves. L’atmosphère était particulièrement anxiogène pour l’Epistote, qui voulait regarder. La brume était dense pourtant, comme de la purée de poids. Le groupe devrait rester compact pour ne pas se retrouver séparé par une des facéties de la brume. Aucun prédateur ne leur tomba dessus. Pas l’ombre d’une harpie planant au-dessus d’eux. Pourtant, ils avaient du mal à apprécier leur chance, car ce silence surnaturel laissait envisager le pire à chaque seconde. On pouvait imaginer un Feldermaus prêt à décapiter tout le groupe d’un revers d’aile. De même, il était difficile de déterminer à quel point ils avaient avancé. Cent mètre, ou peut-être neuf cent ?
Un filet de transpiration froide coulait dans le dos de l’orphelin, alors que ses nerfs étaient à vif. Il communiquait régulièrement à voix très basse.
-« Tout le monde va bien ? Ne partez pas dans vos rêveries. Ne vous éloignez pas les uns des autres. Restez en alerte. »
En l’occurrence, son ouïe était fébrile. Il essayait de temps à autre de voir à travers les yeux de Rodrick. Mais le vieil éleveur n’était pas très doué pour la télépathie. De temps en temps, il réussit à avoir un rapide aperçu des environs. Cela tomba quand il regardait le sol ou le ciel. Et la brume nimbée occultait de toute façon le paysage. A défaut de les attaquer, elle ne facilitait pas leur progression.
Jusqu’ici, leur voyage dans la brume était sans conséquence, troublé uniquement par un sursaut des deux vachers de temps à autres. Les deux hommes étaient encore plus réactifs dans la brume, s’attendant à voir de vrais monstres apparaître devant eux.
-« Elle est là !... ah non, ce n’était pas la vraie… » maugréa le jeune Simon.
-« Satanée vache ! »
La maraudeuse se montra curieuse. Cela était dérangeant pour leur vigilance. Mais il lui en était presque reconnaissant de casser la tension palpable.
-"Je suis un jeune membre de la Guilde des aventuriers. Toute l'action d'Urh a l'air de se passer par ici. Comme mon père était un aventurier, je ne voulais pas décevoir sa mémoire... en plus on va sans doute trouver plein de cités antiques et de trésors."
Ce n'était pas un mensonge, mais pas la partie la plus juteuse de la vérité non plus. Le petit apprenait à ménager son mystère.
Dim 28 Juil - 14:49
Psykhê bovinda
Ft. Solo, Mathilda, PNJ's
Les événements qui suivent sont cocasses. La brume n’est pas d’humeur à tuer. Elle veut seulement jouer. Ou peut-être même séduire. Car Keshâ’rem paraît aujourd’hui beaucoup plus compatible avec ses appétits, puisqu’il incube un morceau d’elle.
-« L’es où l’pistopolitaing ? »
-« Chez pô, mon ptiot Simon. C’en est r’tourné au camp ? L’a ptèt compris qu’cté fchu pour nous ôt’ et k’valait mieux sacrer son camp quand il pouvait encor’. »
-« Et la mamz’elle. L’est toute partie t’aussi ? Tu veux-tu qu’on rent ‘ ? AAAAAAAAh ! » cria Simon alors que la malédiction du guetteur bovin continuait à le tourmenter.
Quelque part, ailleurs, sur le tore :
-« Simonnnnnnnn ! Rodrick ?!... Amééééééalyyyyysss ! » appelait-il dans un monde noyé dans la brume à l’infini. Dessus. Dessous. Sur les côtés. Une pensée rationnelle aurait considéré le danger de héler les noms de ses compagnons à l’aveugle sur un territoire on ne peut plus étrange et hostile que la périphérie d’Oxenfurt. Mais le jeune aventurier était trop déboussolé pour y penser.
Pas plus tard qu’il y a une minute, il tenait littéralement le bras du vacher. Et juste après, la brume s’était opacifiée et agglutinée autour de lui en une masse compacte. Si compacte, qu’il pouvait presque la sentir dans son épaisseur qui l’empêchait de respirer. Et puis, plus rien. Comme s’il était mort. Et il s’était retrouvé « ici ». Dans le blanc. Dans la ouate.
-« Rodriiiick ! » la brume cotonneuse avalait le son de sa voix qui s’affaiblissait immédiatement. Un vague murmure lui parvenait en écho. Le plus perturbant dans cette expérience, c’est qu’il ne sentait plus l’aura suspecte d’Améalys avec son cristal d’hypersensibilité, ni des vachers. Il se trouvait dans une sorte de point aveugle des lois de la physique. Ou alors… ou alors, ils étaient tous morts. Et il était le seul survivant de cette modique sortie à un kilomètre du camp. Ou alors... ou alors -idée encore plus glaçante - il était mort. Et ceci, c'était les Limbes. Son expiation éternelle. Les portebrumes n'avaient pas le droit à l'Isthe selon la foi panthéïste. Et si elle avait raison depuis le début. Qu'était-ce? Une forme d'enfer? Un purgatoire?
Il ne ressentait même plus vaguement l’ombre d’une vie à l’horizon. Plus une seule émotion. Sauf les siennes bien entendu. Le cortège : doute, incompréhension, incrédulité, suivi du festival : appréhension, peur, agacement.
Maudit soit-il de ne pas avoir emporté de balise électrogène. C’est qu’elle pèse trois briques aussi ! Il avait oublié de remettre la sienne dans sa dimension de poche, en bon étourdi. Et voilà le résultat ! N’ayant pas la moindre idée d’où il se trouvait, il allait falloir se résoudre à jeter un œil sous son bandeau. C'était censé être une promenade de santé.
-« C’est pas vrai. Je vais virer fou si elle est là… et si c’était un coup de la maraudeuse… on ne peut jamais leur faire confiance à ceux-là ! Ils bossent avec Violette après tout… »
Les paupières résolument plissées, il abaissait le bandeau rouge qui ceignait son front vers le bas. Sa main gauche était placée en écran devant ses yeux Il s’efforça alors de regarder un minuscule interstice, glissant le long de sa chemise vers ses pieds pour voir le sol.
La brume était si épaisse ! Elle émettait une forme de nitescence, comme si elle diffusait une faible lumière, tout en ne révélant rien du décor environnant. Lentement, il commença un tour sur lui-même. Aucun signe des sabots de Mathilda. Toujours aucun bruit, aucune émotion dans cette ouate de brume. Le temps même lui paraissait être un concept abstrait.
Keshâ’rem esquissa un pas en avant, puis un autre dans la terre boueuse. Un sentiment d’oppression poignant montait de plus en plus dans sa gorge. Il n’avait aucune idée de la manière dont il pouvait s’en sortir. Totalement seul, à des centaines et des centaines de lieues d’Urh, qu’il ne reverrait peut-être jamais. Et très certainement plus loin du campement de l’Alliance qu’à l’origine.
Il risquait juste de s’éloigner de plus en plus et de disparaître dans le néant. C’était sans doute ce que voulait sa nébula, si proche du but. Il devait s’accrocher aux apparences du calme, tant que la situation restait gérable.
Respire, respire ! Un autre pas. Son pied buta contre un poteau en bois, celui d’une clôture délimitant les pâturages.
D’accord. D’accord…..
Sa main libre se posa sur le fil de fer et glissa lentement en remontant jusqu’à un autre poteau de bois, qu’il prit le temps de sentir. Son autre main recouvrait toujours ses yeux. Il ne savait pas combien de temps il tiendrait comme ça, ni où cela le mènerait. Mais il tenait quelque chose au milieu de la blancheur et de la boue. Sans le ramener jusqu’au campement, cela devait au moins vouloir dire qu’il se trouvait toujours dans ses environs, où les enclos pour les vaches avaient été installés.
Le terrain amorçait une montée. Cela signifiait qu’il se trouvait au début de leur parcours. Là où il en était, il croyait se souvenir que le terrain était assez plat. En revanche, il ne savait rien de la topographie des pâturages sur les dernières centaines de mètres.
Son corps se déroba sous lui alors que son pied glissait dans une dépression et il s’étala dans la boue. Les yeux toujours contractés, il essayait de se forcer à inspirer et expirer en profondeur, bien qu’une forme de fébrilité commence à gagner du terrain. Il s’agrippa aux câbles de niveau inférieur pour remonter et se remit en marche encore plus lentement, son pied tâtant encore plus le terrain avant de s’y poser. Sa progression était ridiculement lente, encore plus lente qu’elle ne l’était en étant guidé par le vacher. Il faisait une proie idéale pour les prédateurs. Il tendait donc son audition au plus loin vers l’extérieur pour capter le moindre froissement de buisson. Le cristal d’hypersensibilité restait toujours muet. Le vide de sensation amplifiait son imagination et il se figurait qu’un warg se tenait tout prêt de lui.
La peur l’emportait quand sa main se posa sur le vide… il la lança de manière malhabile à droite et à gauche en tendant son buste, pour finir par attraper un repère… une barrière. Elle pivotait dans sa main et était bien évidemment ouverte. Risquant un regard à ses pieds, il vit que la brume avait perdu en épaisseur et se faisait plus vaporeuse. Ses yeux lavande remontèrent légèrement sur le chemin, pour y voir des traces d'onglons.
-« C’est donc par là que tu es passée, Mathilda ?... alors comme ça, on rêve d’aventure ? »
-« L’es où l’pistopolitaing ? »
-« Chez pô, mon ptiot Simon. C’en est r’tourné au camp ? L’a ptèt compris qu’cté fchu pour nous ôt’ et k’valait mieux sacrer son camp quand il pouvait encor’. »
-« Et la mamz’elle. L’est toute partie t’aussi ? Tu veux-tu qu’on rent ‘ ? AAAAAAAAh ! » cria Simon alors que la malédiction du guetteur bovin continuait à le tourmenter.
Quelque part, ailleurs, sur le tore :
-« Simonnnnnnnn ! Rodrick ?!... Amééééééalyyyyysss ! » appelait-il dans un monde noyé dans la brume à l’infini. Dessus. Dessous. Sur les côtés. Une pensée rationnelle aurait considéré le danger de héler les noms de ses compagnons à l’aveugle sur un territoire on ne peut plus étrange et hostile que la périphérie d’Oxenfurt. Mais le jeune aventurier était trop déboussolé pour y penser.
Pas plus tard qu’il y a une minute, il tenait littéralement le bras du vacher. Et juste après, la brume s’était opacifiée et agglutinée autour de lui en une masse compacte. Si compacte, qu’il pouvait presque la sentir dans son épaisseur qui l’empêchait de respirer. Et puis, plus rien. Comme s’il était mort. Et il s’était retrouvé « ici ». Dans le blanc. Dans la ouate.
-« Rodriiiick ! » la brume cotonneuse avalait le son de sa voix qui s’affaiblissait immédiatement. Un vague murmure lui parvenait en écho. Le plus perturbant dans cette expérience, c’est qu’il ne sentait plus l’aura suspecte d’Améalys avec son cristal d’hypersensibilité, ni des vachers. Il se trouvait dans une sorte de point aveugle des lois de la physique. Ou alors… ou alors, ils étaient tous morts. Et il était le seul survivant de cette modique sortie à un kilomètre du camp. Ou alors... ou alors -idée encore plus glaçante - il était mort. Et ceci, c'était les Limbes. Son expiation éternelle. Les portebrumes n'avaient pas le droit à l'Isthe selon la foi panthéïste. Et si elle avait raison depuis le début. Qu'était-ce? Une forme d'enfer? Un purgatoire?
Il ne ressentait même plus vaguement l’ombre d’une vie à l’horizon. Plus une seule émotion. Sauf les siennes bien entendu. Le cortège : doute, incompréhension, incrédulité, suivi du festival : appréhension, peur, agacement.
Maudit soit-il de ne pas avoir emporté de balise électrogène. C’est qu’elle pèse trois briques aussi ! Il avait oublié de remettre la sienne dans sa dimension de poche, en bon étourdi. Et voilà le résultat ! N’ayant pas la moindre idée d’où il se trouvait, il allait falloir se résoudre à jeter un œil sous son bandeau. C'était censé être une promenade de santé.
-« C’est pas vrai. Je vais virer fou si elle est là… et si c’était un coup de la maraudeuse… on ne peut jamais leur faire confiance à ceux-là ! Ils bossent avec Violette après tout… »
Les paupières résolument plissées, il abaissait le bandeau rouge qui ceignait son front vers le bas. Sa main gauche était placée en écran devant ses yeux Il s’efforça alors de regarder un minuscule interstice, glissant le long de sa chemise vers ses pieds pour voir le sol.
La brume était si épaisse ! Elle émettait une forme de nitescence, comme si elle diffusait une faible lumière, tout en ne révélant rien du décor environnant. Lentement, il commença un tour sur lui-même. Aucun signe des sabots de Mathilda. Toujours aucun bruit, aucune émotion dans cette ouate de brume. Le temps même lui paraissait être un concept abstrait.
Keshâ’rem esquissa un pas en avant, puis un autre dans la terre boueuse. Un sentiment d’oppression poignant montait de plus en plus dans sa gorge. Il n’avait aucune idée de la manière dont il pouvait s’en sortir. Totalement seul, à des centaines et des centaines de lieues d’Urh, qu’il ne reverrait peut-être jamais. Et très certainement plus loin du campement de l’Alliance qu’à l’origine.
Il risquait juste de s’éloigner de plus en plus et de disparaître dans le néant. C’était sans doute ce que voulait sa nébula, si proche du but. Il devait s’accrocher aux apparences du calme, tant que la situation restait gérable.
Respire, respire ! Un autre pas. Son pied buta contre un poteau en bois, celui d’une clôture délimitant les pâturages.
D’accord. D’accord…..
Sa main libre se posa sur le fil de fer et glissa lentement en remontant jusqu’à un autre poteau de bois, qu’il prit le temps de sentir. Son autre main recouvrait toujours ses yeux. Il ne savait pas combien de temps il tiendrait comme ça, ni où cela le mènerait. Mais il tenait quelque chose au milieu de la blancheur et de la boue. Sans le ramener jusqu’au campement, cela devait au moins vouloir dire qu’il se trouvait toujours dans ses environs, où les enclos pour les vaches avaient été installés.
Le terrain amorçait une montée. Cela signifiait qu’il se trouvait au début de leur parcours. Là où il en était, il croyait se souvenir que le terrain était assez plat. En revanche, il ne savait rien de la topographie des pâturages sur les dernières centaines de mètres.
Son corps se déroba sous lui alors que son pied glissait dans une dépression et il s’étala dans la boue. Les yeux toujours contractés, il essayait de se forcer à inspirer et expirer en profondeur, bien qu’une forme de fébrilité commence à gagner du terrain. Il s’agrippa aux câbles de niveau inférieur pour remonter et se remit en marche encore plus lentement, son pied tâtant encore plus le terrain avant de s’y poser. Sa progression était ridiculement lente, encore plus lente qu’elle ne l’était en étant guidé par le vacher. Il faisait une proie idéale pour les prédateurs. Il tendait donc son audition au plus loin vers l’extérieur pour capter le moindre froissement de buisson. Le cristal d’hypersensibilité restait toujours muet. Le vide de sensation amplifiait son imagination et il se figurait qu’un warg se tenait tout prêt de lui.
La peur l’emportait quand sa main se posa sur le vide… il la lança de manière malhabile à droite et à gauche en tendant son buste, pour finir par attraper un repère… une barrière. Elle pivotait dans sa main et était bien évidemment ouverte. Risquant un regard à ses pieds, il vit que la brume avait perdu en épaisseur et se faisait plus vaporeuse. Ses yeux lavande remontèrent légèrement sur le chemin, pour y voir des traces d'onglons.
-« C’est donc par là que tu es passée, Mathilda ?... alors comme ça, on rêve d’aventure ? »
Dim 28 Juil - 17:45
Psykhê bovinda
Ft. Solo, Mathilda, PNJ's
Un frémissement dans un coin de son esprit. Une ombre de peur le traverse. Ce n’est pas la sienne.
Dans son dos, il entend un pas de course, des sabots bien lourds qui s’écrasent dans la boue et un corps massif qui frémit, le son d’une cloche. La pression de la créature s’écrase contre la barrière qui tremble. Elle était ouverte, mais Keshâ’rem l’a refermée derrière lui. L’appréhension monte d’un cran. Il s’en faudrait de peu pour qu’il ne soit maudit à son tour. Il est toujours impossible de garantir que le syndrome du guetteur disparaîtrait si Mathilda trépassait.
Un long meuglement emplit ses oreilles. Ses yeux derrière sa main plongeaient à l’oblique vers le sol pour ne pas prendre le risque de croiser le regard de l’animal. Ainsi, il perçut ses onglons et ses pattes et était certain qu’il s’agissait bien d’une vache et non du produit de son imagination. Elle avait peur. Et elle commençait à remonter le long de la barrière.
Pitoyable sort que celui de cette créature. Beaucoup se l’imaginait comme une forme démoniaque prenait plaisir à faire souffrir. Pour ce qu’il en constatait, son niveau d’intelligence ne lui permettait pas de comprendre ce qui lui était arrivé. Plus de copines pour brouter les hautes herbes, plus de vachers pour la ramener à l’étable ou prendre soin d’elle. Juste l’errance et la solitude dans la brume. Elle revenait à l’état sauvage. Mais un animal domestique restait intrinsèquement dépendant. Ou peut-être l’humanisait-t-il trop, à la voir battre en retraite devant lui.
-« Attend, Mathilda, attend ! » essayait-t-il de la rassurer, même si sa gorge était serrée de peur.
Il devait déjà la calmer et vérifier s’il s’agissait bel et bien de Mathilda. Mais elle courait cette bourrique. Ce n’était pas le cri d’un étranger qui allait l’arrêter. En se plaçant sur sa course grâce à la téléportation, il risquait de se faire charger et devrait regarder son environnement. Alors il se reposa sur le chant, car on n’oublie jamais ses premières amours.
Le chant d’inertie eut tôt fait d’apaiser le ruminant qui tomba mollement au sol. A pas prudents, le jeune homme s’approcha en contournant le bovidé par l’échine. Arrivé à son encolure, il palpa prudemment son collier pour essayer d’agripper la cloche, dont les paysans lui avaient promis qu’y serait gravé le nom de la vache. Le crotale émit un tintement de vieille casserole quand il fit tourner la cloche vers le haut, avant d’entrouvrir prudemment ses doigts afin d’entrevoir la lettrine : M-A-T… Mathilda. Merci à l’amour des vachers pour leur bétail.
Sa quête touchait à sa fin.
Façon de parler. Il restait à disposer du corps inerte d’un animal de quatre cent kilos de viande. Et il n’était toujours pas sûr du chemin du retour, quand bien même la menace planante de perdre la raison semblait écartée. Sa mission d’origine était belle et bien de ramener Mathilda vivante au campement. Cependant, il se doutait bien du sort peu enviable que le Magistère allait lui réserver. A sa place, il préfèrerait la mort. Non pas qu’il puisse lui demander son avis… Non pas qu’il se sente l’âme d’un boucher ni d’un bourreau non plus…
Le dilemme était là. Matériellement, que faire de cette situation ? Une telle arme ne pouvait pas tomber entre les griffes du Magistère. Il ne pouvait pas non plus la laisser libre dans la nature à arpenter les prairies sauvages. Malheureusement pour elle, sa simple existence mettait en péril l’ensemble de l’expédition, tout ce pour quoi il se battait.
La solution s’imposait d’elle-même. Il peinait simplement à l’accepter. De plus en plus, il n’avait plus personne derrière qui se cacher pour se salir les mains. Sa main caressait doucement l’encolure de la bête, en proie à un sommeil paisible. Au moins, elle ne souffrirait pas, se dit-il.
Il répugnait à cette idée, mais il devait la tuer. Ce n’était pas le beau rôle, mais il savait comment faire. Elle dormait. Il avait juste besoin d’absorber sa vie en douceur jusqu’à la dernière goutte.
Les mains à plat sur on pelage, il ferma les yeux et inspira. Lentement, la vitalité de la bête s’écoula de son corps vers le sien, à travers sa peau. Il se sentit ampli de cette tiédeur bienfaisante qui faisait tellement de bien qu’il se sentait complet. Jamais il n’en aurait assez. C’était là le risque de ce pouvoir, au comble du contentement, que de céder à la gourmandise d’en prendre toujours un peu plus.
Il était si facile d’exagérer jusqu’au moment fatal où la vie basculait. Bien plus ardu de se contraindre à arrêter l’hémorragie énergétique. Le jeune thaumaturge eut néanmoins de derniers scrupules alors qu’il sentait peu à peu cette bête innocente s’éteindre. Plus tard, il se convaincrait qu’il la libérait de sa condition, du mal qu’elle faisait aux autres, mais surtout de celui plus grand encore que l’on s’apprêtât à lui faire.
Tout était si calme. La brume voletait avec sérénité en les encadrant, témoin de la scène. Mathilda paraissait toujours plongé dans un rêve serein, dont elle ne se réveillerait plus jamais. Sa dépouille pourrirait et ne ferait plus qu’un avec la boue.
Il était temps de retrouver le chemin du camp. A moins d’abuser de sa chance de n’avoir croisé aucune créature indésirable dans la brume. La pièce de téâtre semblait terminée. La brume s’était lassée du spectacle et laissa l’Epistote évoluer à visage découvert avec une bonne visibilité. Il longea les clôtures et finit par reconnaître un ou deux points de repères qu’il avait déjà rencontré les jours précédents.
Le retour se fit sans heurt en moins d’une heure. Rodrick et Simon se trouvaient aux abords du camp, en train de signaler la disparition invraisemblable de la maraudeuse et du jeune aventurier. Il s’en retourna à la tente de l’Alliance pour signaler sa victoire. Bien que celle-ci ait un goût amer.
-« Mathilda ne sera plus un problème pour personne. » dit-il, simplement. Le représentant inclina la tête. Il avait lu le sous-texte.
Dehors, un agent du Magistère l’attrapa, dans une étrange ressemblance avec Mimic, qu’il avait croisé aux marais de Drolzin.
-« Où est la vache ? »
-« Je ne vois pas de quoi vous parlez. Il y en a beaucoup, dans le pré. La clôture était ouverte. Mathilda doit être loin maintenant.»
Et il s’en alla sur cette provocation ambigüe. Keshâ’rem ne tenait pas à jeter de l’huile sur le feu même s’ils devaient se douter de l’issue. Peut-être enverrait-il quelqu’un de sacrifiable pour vérifier le sort de Mathilda. Il ne trouverait plus de cloche à son cou. L’Epistote l’avait cachée. L’ambiguïté resterait sur son échec subi ou volontaire. Après tout, la vache avait très bien pu s’échapper.
Le lendemain, il apprit que le plus jeune des vachers qui l’accompagnait s’était suicidé. Simon avait en effet l’air moins robuste que Rodrick psychologiquement. Mais ce serait la dernière victime de la malédiction du guetteur au camp. Tous les autres s’étaient remis à la mort de Mathilda. La disparition d’Améalys arrangeait bien Keshâ’rem. Le Magistère pourrait difficilement se plaindre de lui, ne pouvant prouver ce qui s’était passé et la brume ayant décidé de jouer les illusionnistes, comme en témoignèrent les vachers.
La brume donne. La brume reprend.
En attendant, le jeune homme venait de donner la mort de manière volontaire à une créature innocente. Et cela le rendait profondément triste. Même si c'était une vache. Et même si les vachers étaient sauvés. Il avait hâte d’oublier tout cela dans les bras de Maëlstrom.
Place à une nouvelle aventure.
Dans son dos, il entend un pas de course, des sabots bien lourds qui s’écrasent dans la boue et un corps massif qui frémit, le son d’une cloche. La pression de la créature s’écrase contre la barrière qui tremble. Elle était ouverte, mais Keshâ’rem l’a refermée derrière lui. L’appréhension monte d’un cran. Il s’en faudrait de peu pour qu’il ne soit maudit à son tour. Il est toujours impossible de garantir que le syndrome du guetteur disparaîtrait si Mathilda trépassait.
Un long meuglement emplit ses oreilles. Ses yeux derrière sa main plongeaient à l’oblique vers le sol pour ne pas prendre le risque de croiser le regard de l’animal. Ainsi, il perçut ses onglons et ses pattes et était certain qu’il s’agissait bien d’une vache et non du produit de son imagination. Elle avait peur. Et elle commençait à remonter le long de la barrière.
Pitoyable sort que celui de cette créature. Beaucoup se l’imaginait comme une forme démoniaque prenait plaisir à faire souffrir. Pour ce qu’il en constatait, son niveau d’intelligence ne lui permettait pas de comprendre ce qui lui était arrivé. Plus de copines pour brouter les hautes herbes, plus de vachers pour la ramener à l’étable ou prendre soin d’elle. Juste l’errance et la solitude dans la brume. Elle revenait à l’état sauvage. Mais un animal domestique restait intrinsèquement dépendant. Ou peut-être l’humanisait-t-il trop, à la voir battre en retraite devant lui.
-« Attend, Mathilda, attend ! » essayait-t-il de la rassurer, même si sa gorge était serrée de peur.
Il devait déjà la calmer et vérifier s’il s’agissait bel et bien de Mathilda. Mais elle courait cette bourrique. Ce n’était pas le cri d’un étranger qui allait l’arrêter. En se plaçant sur sa course grâce à la téléportation, il risquait de se faire charger et devrait regarder son environnement. Alors il se reposa sur le chant, car on n’oublie jamais ses premières amours.
Le chant d’inertie eut tôt fait d’apaiser le ruminant qui tomba mollement au sol. A pas prudents, le jeune homme s’approcha en contournant le bovidé par l’échine. Arrivé à son encolure, il palpa prudemment son collier pour essayer d’agripper la cloche, dont les paysans lui avaient promis qu’y serait gravé le nom de la vache. Le crotale émit un tintement de vieille casserole quand il fit tourner la cloche vers le haut, avant d’entrouvrir prudemment ses doigts afin d’entrevoir la lettrine : M-A-T… Mathilda. Merci à l’amour des vachers pour leur bétail.
Sa quête touchait à sa fin.
Façon de parler. Il restait à disposer du corps inerte d’un animal de quatre cent kilos de viande. Et il n’était toujours pas sûr du chemin du retour, quand bien même la menace planante de perdre la raison semblait écartée. Sa mission d’origine était belle et bien de ramener Mathilda vivante au campement. Cependant, il se doutait bien du sort peu enviable que le Magistère allait lui réserver. A sa place, il préfèrerait la mort. Non pas qu’il puisse lui demander son avis… Non pas qu’il se sente l’âme d’un boucher ni d’un bourreau non plus…
Le dilemme était là. Matériellement, que faire de cette situation ? Une telle arme ne pouvait pas tomber entre les griffes du Magistère. Il ne pouvait pas non plus la laisser libre dans la nature à arpenter les prairies sauvages. Malheureusement pour elle, sa simple existence mettait en péril l’ensemble de l’expédition, tout ce pour quoi il se battait.
La solution s’imposait d’elle-même. Il peinait simplement à l’accepter. De plus en plus, il n’avait plus personne derrière qui se cacher pour se salir les mains. Sa main caressait doucement l’encolure de la bête, en proie à un sommeil paisible. Au moins, elle ne souffrirait pas, se dit-il.
Il répugnait à cette idée, mais il devait la tuer. Ce n’était pas le beau rôle, mais il savait comment faire. Elle dormait. Il avait juste besoin d’absorber sa vie en douceur jusqu’à la dernière goutte.
Les mains à plat sur on pelage, il ferma les yeux et inspira. Lentement, la vitalité de la bête s’écoula de son corps vers le sien, à travers sa peau. Il se sentit ampli de cette tiédeur bienfaisante qui faisait tellement de bien qu’il se sentait complet. Jamais il n’en aurait assez. C’était là le risque de ce pouvoir, au comble du contentement, que de céder à la gourmandise d’en prendre toujours un peu plus.
Il était si facile d’exagérer jusqu’au moment fatal où la vie basculait. Bien plus ardu de se contraindre à arrêter l’hémorragie énergétique. Le jeune thaumaturge eut néanmoins de derniers scrupules alors qu’il sentait peu à peu cette bête innocente s’éteindre. Plus tard, il se convaincrait qu’il la libérait de sa condition, du mal qu’elle faisait aux autres, mais surtout de celui plus grand encore que l’on s’apprêtât à lui faire.
Tout était si calme. La brume voletait avec sérénité en les encadrant, témoin de la scène. Mathilda paraissait toujours plongé dans un rêve serein, dont elle ne se réveillerait plus jamais. Sa dépouille pourrirait et ne ferait plus qu’un avec la boue.
Il était temps de retrouver le chemin du camp. A moins d’abuser de sa chance de n’avoir croisé aucune créature indésirable dans la brume. La pièce de téâtre semblait terminée. La brume s’était lassée du spectacle et laissa l’Epistote évoluer à visage découvert avec une bonne visibilité. Il longea les clôtures et finit par reconnaître un ou deux points de repères qu’il avait déjà rencontré les jours précédents.
Le retour se fit sans heurt en moins d’une heure. Rodrick et Simon se trouvaient aux abords du camp, en train de signaler la disparition invraisemblable de la maraudeuse et du jeune aventurier. Il s’en retourna à la tente de l’Alliance pour signaler sa victoire. Bien que celle-ci ait un goût amer.
-« Mathilda ne sera plus un problème pour personne. » dit-il, simplement. Le représentant inclina la tête. Il avait lu le sous-texte.
Dehors, un agent du Magistère l’attrapa, dans une étrange ressemblance avec Mimic, qu’il avait croisé aux marais de Drolzin.
-« Où est la vache ? »
-« Je ne vois pas de quoi vous parlez. Il y en a beaucoup, dans le pré. La clôture était ouverte. Mathilda doit être loin maintenant.»
Et il s’en alla sur cette provocation ambigüe. Keshâ’rem ne tenait pas à jeter de l’huile sur le feu même s’ils devaient se douter de l’issue. Peut-être enverrait-il quelqu’un de sacrifiable pour vérifier le sort de Mathilda. Il ne trouverait plus de cloche à son cou. L’Epistote l’avait cachée. L’ambiguïté resterait sur son échec subi ou volontaire. Après tout, la vache avait très bien pu s’échapper.
Le lendemain, il apprit que le plus jeune des vachers qui l’accompagnait s’était suicidé. Simon avait en effet l’air moins robuste que Rodrick psychologiquement. Mais ce serait la dernière victime de la malédiction du guetteur au camp. Tous les autres s’étaient remis à la mort de Mathilda. La disparition d’Améalys arrangeait bien Keshâ’rem. Le Magistère pourrait difficilement se plaindre de lui, ne pouvant prouver ce qui s’était passé et la brume ayant décidé de jouer les illusionnistes, comme en témoignèrent les vachers.
La brume donne. La brume reprend.
En attendant, le jeune homme venait de donner la mort de manière volontaire à une créature innocente. Et cela le rendait profondément triste. Même si c'était une vache. Et même si les vachers étaient sauvés. Il avait hâte d’oublier tout cela dans les bras de Maëlstrom.
Place à une nouvelle aventure.
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