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Damnatio memoriæ

Damnatio memoriæ Brandw10
Lun 20 Mai - 23:00
Sylas redressa la tête et souffla par les narines.

Le soleil crépusculaire avait fini de disparaître à l’horizon, laissant derrière lui un froid linceul de ténèbres qui recouvrait le quartier de Xandrie dans lequel il se trouvait. Battant modestement le pavé, il observait, tour à tour, les lumières artificielles, emprisonnées dans des néons délabrés, succéder à la lumière naturelle désormais éteinte.

L’archevêque, s’il montrait patte blanche d’ordinaire, était pareil à un chat gris dans la nuit. S’il ne paraissait pas suspect, son apparence, dépourvue des habituels oripeaux dont il se paraît lors d’offices ou de représentations diplomatiques, demeurait sombre et uniforme : un ample manteau noirâtre qui lui tenait chaudet qui inspirait suffisamment l’austérité pour qu’une âme cupide ne lui cherchât pas noise en quête de larcin. Une rapide autopalpation lui rappela d’ailleurs qu’il voyageait léger, ce soir-là.

Malgré sa mine sombre, ses rides creusées par l’appréhension, ses cheveux en bataille et son poil dru faute d’entretien, il attira sur lui un à deux regard aguicheur ; une créature humanoïde, aux formes bien en évidences, qui fredonna subitement un air aguicheur.

« Ma femme me tuerait… » sussura-t-il avant de bifurquer et se dérober de la vue de la libertine.

Son visage se détendit alors qu’il aperçut le lieu de rendez-vous, le point de contact où il devait retrouver, incognito, cette personne qui saurait le rapprocher d’une de ses rares convoitises. L’archevêque avait été suffisamment habile et explicite pour mander une rencontre dans un endroit discret ; aussi discret qu’un bar reculé dans l’immensité de Xandrie, où des gens suffisamment mal famés savaient repousser, par leur aura déchue, toute présence salvatrice ou personnel au service de l’État. Bien peu se risqueraient à se rendre seul céans, en effet, surtout sans préparation suffisante : on attirait la mauvaise attention sur soi et un accident était si vite arrivé.

Mais Sylas n’y pensait pas. Il n’y avait aucune raison qu’on agresse un homme seul en recherche d’ébriété ; un cilent lambda, en l’occurrence. Confiant, il poussa la porte de l’établissement, balaya la foule d’un regard presque inquisiteur et s’attabla au comptoir.

« Bonsoir. Un demi-pêche, s’il vous plaît. »

Le tenancier, qui se trouvait devant Sylas, hocha la tête et s’attarda sur la commande.

L’homme regarda tantôt devant lui, tantôt à sa droite pour guetter l’entrée.

Pourvu que l’attente de durât trop point, au milieu de ce brouhaha presque oppressant…
Mar 21 Mai - 22:09

Courageux

Sylas




Une demande de rencontre de la part d’une puissance aramilane… Voilà qui était bien étonnant pour la guilde des maraudeurs. En tant que tel, on ne pouvait pas dire qu’il ne connaissait pas Aramila. Après tout le champ d’expertise et d’action s’étendait à tout le continent en fonction des volontés des clients ayant besoin de faire appel au mercenariat. Sur ce point, la nation religieuse n’y faisait pas exception, les maraudeurs agissant pour les habitants en bien ou en mal à travers les failles des pouvoirs militaires officielles, que ce soit en matière de protection ou de chasse à la bête pour ce qui restait des activités les plus… légales.

Non, ce qui était étonnant c’était plutôt le statut de commanditaire, un archevêque, rien que ça. En effet, contrairement aux autres dirigeants qui pouvaient quasiment ouvertement avoir des attitudes quelque peu contestables, religion oblige, ceux d’Aramila devaient au moins en apparence se vêtir de l’aura de la sainteté. Pour un prêtre, le respect des règles et de la morale divine était la seule source de sa légitimité. Un devoir perpétuel d’exemplarité qui prenait vite les traits d’une épée de damoclès de ceux nommés par le peuple ou désignés par le sang pouvait échapper.

La Guilde des maraudeurs, au-delà de son efficacité avait en effet une réputation particulièrement sulfureuse qui n’était pas imméritée dans bien des points. Certains les considéraient comme des monstres, d’autres comme des criminels sans foi ni loi qui tueraient sans aucune hésitation. C’était vrai pour une bonne partie d’entre eux.

Que pouvait bien vouloir un prêtre pour fricoter avec eux même secrètement. Une mission secrète ? Il voulait tuer quelqu’un ? Autant de questions que se posait Violette sur le coup. Ainsi curiosité tout autant que nécessité professionnelle faisaient qu’elle n’avait aucune raison de refuser cette invention.

Ainsi, le jour convenu Violette se présenta au point de rencontre qui avait été décidé, entrant dans la taverne en jetant un regard sur la foule, une cigarette encore en bouche. Son attention s'arrêta alors vers l'aubergiste, qui se figea un instant en la voyant avant de lui faire signe d’approcher, indiquant par ailleurs d’un signe de la tête que la personne qu’elle devait chercher était là.

Sans rien à ajouter de place, elle fila droit vers le comptoir pour se poser à côté de silence, observant rapidement sans tourner l'œil vers lui, si la description physique qu’on lui avait donnée correspondait. Après tout ses pouvoirs lui permettaient de pouvoir voir autour d’elle sans avoir à le montrer. Une chose bien pratique.

Cela semblait correspondre, alors qu’elle allait commencer à parler, l’aubergiste prit les devants.

Alors Vi’... ça fait quatre/cinq mois que je t’ai pas vu trainé ici. T’oublies la famille maintenant que t’es devenu une personne responsable ?

Il s’approcha dans le même temps en donnant à la Sylas la boisson qu’il désirait.

Nan… Je suis juste occupé. T’sais que c’est. J’dois éviter de crever pour des trucs de merde. J’ai déjà le guet sur le cul même s’ils sont occupés à cause de l’affaire des nascents. Suis exposé donc je crois que je vais prendre le feu pour tous ceux qui vont faire des conneries si je fais rien.

Tu stresses pour rien. S’ils pouvaient faire quelque chose, ils l’auraient fait depuis longtemps. Qu’il gère déjà le Roi avec leurs conneries.


Ouais.

La conversation se termina par un léger silence de quelques secondes, Violette finissait par se retourner vers Sylas.

C’est vous l’invité du sud ?

Elle lui laissa le temps de confirmer avant de reprendre.

J’dois avouer que j’suis un peu étonnée. C’est pas souvent que des gens de la haute ont le courage de venir seul ici. C’est pas épisto mais bon… On sait jamais ce qui peut arriver ici la nuit.

Elle se leva alors de son tabouret.

J’imagine que vous avez des choses à dire mais vaut mieux éviter de le dire ici. Surtout à Xandrie on sait jamais qui écoute et d’où.

Le tavernier posa alors devant elle sur la table un trousseau de clefs que la maraudeuse prit avant d’inviter l’homme à la suivre vers l’arrière-boutique. Cet endroit après tout n’était pas qu’une simple taverne. C’était avant tout un point de rencontre et d’affaire du Cartel Xandrien, ainsi sans vraiment le savoir c’était dans une propriété du crime organisé xandrien que l'évêque venait d’entrer. Qui sait ce qui pouvait se passer dans les tréfonds de ce genre d’endroit ? Mieux valait ne pas le savoir.

Entrant dans l’arrière-salle, était disposé ici une table et des bancs. Le tout était assez rustique mais ça restait plus confortable qu’un comptoir et surtout l’endroit était beaucoup plus calme. Il y avait d’autres portes qui menaient on ne sait où mais fermées comme elles étaient, difficile de voir ce qu’il y avait derrière.

La maraudeuse s’approchait de la table avant de se retourner vers le religieux.

Donc… “Votre Sainteté” Que me vaut le plaisir de votre rencontre ? J’imagine que si vous avez fait le chemin jusqu’ici plutôt que de demander que je vienne directement à vous, c’est que vous avez quelque chose d’important à obtenir.


Elle restait sur une position prudent mais avide. Pour l'instant les seules véritables contacts qu'elle avait sur Aramila concernait les producteurs de la colafée indispensable à la production de drogue. Des personnes qui en réalité était membre des caravaniers. Ces derniers lui avaient bien soufflé quelques petites idées dans la tête, néanmoins pour l'instant cela ne restait qu'au stade de bourgeon qui n'avait pas germé.
Mer 22 Mai - 15:31
Le vieil archevêque, sous ses modestes apparats, leva la tête pour ouvrir la bouche mais se ravisa alors que son contact, aux traits tout aussi négligés que lui — un peu plus juvéniles cependant — échangeait quelques brèves formalités avec l’aubergiste. Ce dernier, en déposant le verre devant Sylas, semblait sermonner la nouvelle venue sur fond de paternalisme dissimulé.

L’Aramilan détourna le visage, réprimant un triste sourire et commençant à siroter la boisson alcoolique. La douceur eut un effet momentanément apaisant sur lui alors qu’il faisait mine de ne pas s’intéresser à ce que sa future interlocutrice disait. Jusqu’à ce qu’elle l’alpaguât.

« C’est vous l’invité du sud ?
C’est moi.
J’dois avouer que j’suis un peu étonnée. C’est pas souvent que des gens de la haute ont le courage de venir seul ici. C’est pas épisto mais bon… On sait jamais ce qui peut arriver ici la nuit.
Il est dans la nature des grands stratèges de surprendre, semble-t-il. J’ai d’excellents modèles.
J’imagine que vous avez des choses à dire mais vaut mieux éviter de le dire ici. Surtout à Xandrie on sait jamais qui écoute et d’où.
Je vous suis. »

Il agrippa son bock, alors éconduit dans une arrière salle austère qui lui rappelait son anti-chambre au palais où il recevait lui-même des personnes importantes dans un cadre curieusement décontractant. Il prit un instant pour détailler son hôte : une femme élancée, balafrée, qui a sans doute connu moult remous au vu de son jeune âge ; le cache-œil, s’il n’était pas porté à des fins esthétiques, en eût témoigné. Elle inspirait de la sympathie malgré le caractère sombre de la situation ; un homme plus jeune eût des difficultés à se soustraire au charme de cette étrange tigresse avec qui il ne valait mieux pas contracter quelque inimitié.

Si bien qu’elle rappelait un être cher à Sylas, ce dernier demeura de marbre, le menton légèrement surélevé alors qu’il sortit de sa manche un morceau de papier soigneusement plié. Coincé entre les doigts, il le tendit à la demoiselle, esquissant une gestuelle officielle, comme s’il eût agit d’une condamnation de mort.

« Je recherche cette personne morte ou vive. Qu’à cela ne tienne, j’ai essayé tout ce qui était en mon pouvoir. Vous êtes mon dernier recours… »

Sur ces paroles, il finit par s’asseoir en face de la mandataire. Sirotant une gorgée un peu plus généreuse de son breuvage, il ajouta :

« Ne vous méprenez pas sur mes déplacements. J’en ai déjà fait un qui a failli me coûter la vie à Ventdune et qui m’a enjoint à la réclusion, mais ici je privilégie la discrétion à la sécurité. Et si je ne sors pas de ma tour d’ivoire, peut-être que je je pourrai pas retrouver cette personne… »

Si elle prenait la peine de déchiffrer le nom qui y était inscrit, elle pourrait lire un certain patronyme.




« Pensez-vous pouvoir m’aider ? »
Mer 22 Mai - 20:40

Ennuyeux

Sylas




Ainsi donc, il recherchait quelqu’un… Ce n’était pas forcément une des missions que la portebrume préférait, mais il était bien vrai que chasseur de primes faisait partie des attributions de la guilde. Et puis d’une certaine manière cela expliquait beaucoup de choses et surtout pourquoi le prélat avec une telle exigence de discrétion qui dans bien d’autres situations serait disproportionnée par rapport à son rang.

Elle était un peu interloquée par le fait qu’il veuille traquer quelqu’un mort ou vif, se demandant ce que la pauvre cible pouvait bien avoir fait. Néanmoins, il n’était pas professionnel de demander. Dans le monde du mercenariat comme celui du crime, la curiosité était bien souvent le pire des défauts. On te demandait d'exécuter des ordres et des missions, pas de réfléchir et de les commenter.

Le seul véritable sujet d'intérêt vis à vis de cette cible ne concernait que son statut. Si ce dernier était un noble ou était dépositaire directement ou indirectement d’un poids politique trop gros et trop dangereux, les maraudeurs se gardaient le droit de refuser des demandes de mission, les déportant ainsi sur des guildes plus secrètes et qui pouvait ainsi ne pas assumer la responsabilité de leurs actes comme chez les assassins.

Tandis que l’aramilan expliquait sommairement sa détermination à retrouver sa cible, Violette de son côté se posa sur le banc le plus proche, traînait jusqu’à elle une carafe de vin et un verre pour se servir à boire.

Tandis que Sylas lui tendait un pied, elle lui répondait tout en le prenant sans le lire dans un premier temps.

Vous m’en voyez désolée. Ne vous inquiétez pas pour ça. Chasser c’est notre spécialité après tout.

C’est juste après que son attention se détournât vers le papier, son regard se durcissant pendant une imperceptible seconde avant de revenir à la normale.

Leonhardt… Elle connaissait ce nom… Assez bien même… Ce n’était pas des amis, mais c’étaient des collègues. Ce type était après tout un maraudeur comme elle. C’était d’ailleurs loin d’être un anonyme vu son passif en termes d’expédition risquée. Tout le monde le surnommait même Coeur-de-lion à cause de son sens de la chevalerie et de la justice qui était en parfait décalage avec la mentalité majoritaire de l’organisation.

Voilà qui était assez embêtant. D’un côté, la guilde n’avait pas vraiment d'intérêt à refuser une demande même officieuse d’un membre d’une grande autorité politique, de l’autre cette dernière n’était souvent que peu ouverte à vendre pour cela ses propres membres. Aussi fourbe était les maraudeurs, cela restait une organisation xandrienne baignée dans le clanisme. Il y avait donc là, une certaine solidarité corporatiste qui poussait à ne pas trahir pour l’extérieur des gens de son “clan”. Cela ne donnait pas toutefois une impunité totale pour les membres de la guilde, cette histoire devrait être tirée au clair pour savoir si Aaron était digne d’être protégé par ses camarades ou bien devait-il assumer ses actes devant Aramila.

Je devrais pouvoir vous aider effectivement. Je vais voir ce que je peux faire. Néanmoins…

Elle releva la tête vers son interlocuteur.

Chercher quelqu’un tout simplement avec un nom risque de ne pas être suffisant. Après tout, c’est facilement falsifiable. Pour qu’une traque soit efficace, il faudrait plus d'informations. Sur sa vie, son apparence, son passif, ses crimes. Bref, tout ce qui peut devenir un indice pour le localiser.

Mer 22 Mai - 23:09
Sciemment installé, allant jusqu’à s'affaler et croiser une jambe par-dessus l’autre pour marquer son aise, Sylas darda un regard instigateur sur la jeune femme, en attente d’une réponse qui saurait le délester d’un poids trop lourd, l’eût-il porté bien peu de temps en comparaison avec le symbiote qui, pareil à une épée de Damoclès, faisait planner sur lui un augure brumeux si son mental venait à flancher. Et comme si cette ineffable force de la nature avait quelque chose à dire, on crut voir poindre, dans le regard de Sylas, une flamme éphémère, qui subrepticement illumina son champ de vision.

Une expression, rapide, fugace, alors qu’elle prit connaissance de la requête. Il fronça les sourcils, alors que son pouls commençait à accélérer. Il but les paroles de la jeune femme autant qu’il but une lampée d’ale pour équilibrer la température, soudaine, qui chauffait son corps.

« N’est-ce pas pour cela qu’on paie les maraudeurs de Xandrie ? Je ne m’attendais pas à mâcher le travail à votre place, mademoiselle. D’autant plus que mes informations pourraient biaiser votre recherche et votre mission. »

Il souffla par les narines, ferma les yeux et observa un silence apaisant avant de reprendre.

« Aaron Leonhardt, s’il ne mérite pas que son nom fût connu de l’Histoire, est l’un des seuls survivants de la famille Leonhardt, qui elle aussi ne mérite pas que son nom survive au temps. Ce sont de dangereux terroristes et de misérables hérétiques. Cette famille était vassale de la mienne fut un temps. Je les ai condamnés, avec l’accord du Concile, à la damnatio memoriæ en réponse à leurs actes occultes et criminels en lien avec la Malice. »

Il se redressa et se pencha, son regard toujours planté dans l’unique œil valide de Violette, pour souligner le caractère sérieux de sa requête.

« Aaron est un sujet de sécurité nationale pour le peuple aramilan et certains de ses méfaits restent encore impunis. Le retrouver, c’est bien plus que rendre service à mon peuple : c’est saluer l’humanité tout entière – les Douze m’en témoignent, je ne me prononcerai pas au nom des confrères des autres espèces. Enfin, si vous me dites que ce ne sera pas suffisant, je crains que vous ne me soyez d’une grande aide. Mais maintenant que vous êtes là… »

Il but d’une traite de ce qu’il restait de sa boisson, laissant planer un moment de suspens alors qu’il s’abreuvait.

« … Notre contact commun m’a parlé d’une affaire vous concernant qui nécessite mon appui, oserais-je dire… théologique ? Un manque de foi qui vous ronge ? Un fardeau dont il faut vous délester ? J’imagine que si vous voulez vous confesser ici et maintenant, l’endroit, comme les circonstances, sont tout indiquées… »
Jeu 23 Mai - 12:38

Opportunité

Sylas




Dans un premier temps, la maraudeuse laissant l'archevêque se plaindre. Il semblait légèrement différent de ses semblables de la haute société sur quelques points, mais sa réaction ne faisait dire à Violette qu’au final, il leur était majoritairement similaire. Le genre à croire que tout devait leur être dû sans grande difficulté ou que tout était simple à faire. A tous les coups, elle était encore face à une personne qui avait grandi avec une cuillère en argent dans la bouche qui découvrait perplexe, ce qu’était l’impuissance, par son incapacité à attraper la personne qu’il recherchait.

Si la portebrume ne réagissait pas tant que ça, le fait que les traits de son visage se soient légèrement refroidis et que son index droit tapotait la table montrait qu’elle n’appréciait absolument pas les mots de l’aramilan. Toute commerciale qu’elle pouvait être, Violette n’était après tout pas du genre à sourire de manière béate devant les critiques et les insinuations.

Une fois qu’il eut fini de râler à voix haute, la xandrienne répondit alors sur un ton faussement neutre.

C’est dans votre intérêt plus que le mien. Quel intérêt pour vous, de me contraindre à devoir rechercher à nouveau des informations que vous détenez déjà. Si ce n’est pour rallonger la durée de la recherche et augmenter par ailleurs le montant de la compensation.  

Par la suite, des précisions sur Coeur de lion la rendait dubitative. Terroriste et hérétique, rien que ça. Qu’est-ce que ce con avait pu bien foutre au cours de sa vie ? Elle allait devoir contacter la guilde des messagers pour obtenir plus d'informations et juger de son cas. Fallait-il le lâcher ou le couvrir… et bien elle attendrait le rapport pour le décider.

Un point toutefois titillait la maraudeuse, celui de l’hérésie. C’était assez étonnant de voir ce mot sortir de la bouche d’un ecclésiaste aramilan. Après tout, quand bien même l’image que pouvait en avoir xandrien pourrait être caricaturale, les sudistes étaient plutôt réputés pour leur étonnante tolérance religieuse plutôt que pour leur zèle inquisitoriale. L’hérésie n’était pas l’incroyance ou l’athéisme, non cela désignait une traîtrise religieuse, une déviation de la ligne officielle. Ou de manière alternative une problématique politique réglée sous couvert de la Foi. Sacrée usine à gaz que cette histoire.

Je vois. Je vous contacterai quand tout cela avancera… Les hérétiques et les ennemis d’Etat ça ne court plus les rues en cette période.

L’histoire aurait pu se terminer là, comme une simple prise de contrat qui bien que le fond était exceptionnel était sur la forme tout ce qu’il y a de plus classique. Mais l’aramilan aborda alors un autre sujet, plus théologique cette fois.

Suite à ses mots, Violette restait silencieuse quelques secondes en le dévisageant avant qu’un sourire énigmatique se dessine sur son visage.

Vous êtes bien informé…

Soupirant un instant, elle renchérissait.

Ma foi.. Si je devais me confesser de toutes mes fautes, cela pourrait prendre une part importante de ma vie. Vous connaissez à minima notre réputation à nous autres maraudeurs. Peut-être la mienne si vous avez décidé de vous renseigner avant de finir en éclaireur par ici.

Elle s’accouda alors à la table joignant les mains et les doigts.

Dans mon monde, la survie implique de devenir un démon. Rare sont les gens qui peuvent rester saint sans souffrir du monde par ici.

Il fallait dire qu’en tant que maraudeur et criminel du cartel, le nombre des actes moralement contestables qu’elle avait effectué était conséquent. Vol, extorsion, meurtre, menace, torture,... Il était peu probable qu’elle gagne une place au paradis si celui-ci existait.

Toutefois… Avant de vous répondre, laissez-moi vous poser moi-même une question.

Selon vous, est-ce qu'une société peut vivre uniquement à travers le rationalisme scientifique ou bien n'est-ce qu'un processus temporaire, le temps que les stigmates des âges sombres et des réactions anti-cléricales soient balayés par les générations ?

Cette question était en réalité très loin d’être ouverte tant elle était orientée. Implicitement, cela permettait parfaitement de comprendre ce qui pouvait se tramer dans l’esprit de la xandrienne.

Même si une intention était perceptible, il restait assez difficile de dire ce que la maraudeuse avait l’intention de faire. C’était parfaitement volontaire de sa part, elle laissait sciemment Sylas entrevoir une opportunité, tout en gardant suffisamment de distance pour ne pas se compromettre avec celle-ci.

Elle testait le prélat, voulant cerner ses ambitions notamment sur le plan international parce que ce qu’elle voulait de lui obligerait nécessairement Aramila à des actions et une implication particulièrement importante dans l’avenir. Si comme d’autres de son espèce il n’était qu’un isolationniste pacifiste n’ayant aucun sentiment de revanche avec Epistopoli, il perdait de son utilité à ses yeux.

Jeu 23 Mai - 18:56
« Je me répète : mes informations pourraient peut-être biaiser vos recherches. Après tout, si j’étais en capacité de trouver ce dangereux individu, vous et moi ne discuterions pas céans. Tout ce que vous avez besoin de savoir, c’est que son existence même constitue une menace pour la sécurité d’Aramila. »

Il croisa les bras, s’affalant un peu plus dans son séant alors qu’il contenait un agacement naissant face à son interlocutrice. Il sentait poindre en lui un feu tout autre ; plus ravageur, celui-là. Cette requête avait fait resurgir en lui de douloureux souvenir, dont la peine, si elle se reflétait d’ordinaire sur le visage de l’archevêque, était dissimulée à tout prix face à cette borgne inconnue.

Fort heureusement, la maraudeuse ne sembla pas insister davantage sur la question de Leonhardt et suivi volontiers le vieil homme sur le nouveau sujet amené à propos de la religion. Elle lui posa une question qui piqua sa curiosité à vif, lui faisant momentanément oublier cette blessure béante, tapie dans son âme, que l’individu tant haï et recherché avait causée.

Blessure qui ne s’était pas refermée. Mais que Sylas ignora à nouveau. Encore.

« C’est une question difficile que vous posez-là, Mademoiselle. Permettez-moi. »

Il se redressa pour agripper le pichet de vin et en verser du contenu dans son récipient rincé, et sirota une gorgée, de façon plus distinguée cette fois. Il sentait à peine les aromes de bière perturber cet âpre goût de piquette dont il se contenerait en cette sombre soirée.

« Je n’ai pas d’avis sur la question, toutefois, des passages de l’Ahad peuvent orienter votre réponse : les Douze précèdent l’humanité et l’humanité succède aux Douze. Si par rationnalisme scientifique vous entendez exclure la question de la religion, il s’agit alors de s’aventurer sur une thèse qui, jusqu’ici, semble avoir causé plus de remous que de prospérité. Les textes sacrés stipulent que quiconque essaie de défier les déités renoncera à son humanité. Pour devenir à son tour un dieu ? Ou, pis encore, une innefable engeance de la Malice ? Vous devez faire référence à l’Âge noir, qui a jeté un stigmate sans précédent dont l’Église même se souvient aujourd’hui… »

Il haussa les épaules, essayant de sonder les émotions de son interlocutrice au travers de son unique œil valide.

« D’aussi loin que l’humanité existe, les rapports marchands et religieux ont réussi à façonner la vie en société. Sont ensuite venues les nations, telles que nous les connaissons aujourd’hui vous et moi. Je ne saurais dire si la prochaine étape consiste à ôter toute irrationnalité de l’être humain. Mon avis est qu’un homme possède en lui les Douze comme il possède le malin, et que sa conduite détermine ce qu’il est. Je sais aussi que la plupart des individus qui prêchent le rationnalisme scientifique se cachent derrière des arguments objectifs pour dissimuler leurs avides dessein de domination et de prédation. En un sens, n’est-ce pas irrationnel ? Je peine à entrevoir une société prospère où un petit comité de sachants technocrates exercent quelque oppression sur les non-sachants et ceux qui s’attachent à la religion dans le but de structurer une vie suffisamment difficile. En résumé, je pense qu’il faut adapter la société à l’être humain et non l’inverse ; erreur logique que font des monarques dont je désavoue la plupart des méthodes. Cela répond-il à votre question, Mademoiselle…? »

La discussion devenant plus détendu, il s’était décidé à lui demander un nom ; un pseudonyme, peut-être. Même si ce visage ne saurait être oublié.
Ven 24 Mai - 11:53

Une nouvelle ère ?

Sylas




Et bien… Une chose était sûre, le vieil homme tenait beaucoup à cette affaire au point que la maraudeuse soupçonne qu’il y avait peut-être des affinités personnelles dans cette histoire officiellement restreinte à de la pure raison d’Etat. C’était le plus probable même au vu de sa présence secrète ici. Plus que simplement sur les crimes de Coeur de Lion, il faudrait que Violette enquête également sur le lien et le passif qui pouvait potentiellement exister entre les deux hommes pour que l’aramilan soit aussi motivée avec un zèle digne de Sancta dans ses meilleures heures.

Après avoir fait ses conclusions préliminaires sur cette sombre affaire, la portebrume décidait ensuite de ne pas insister. Inutile de le brusquer plus que le nécessaire même si elle n’était pas d’accord avec ce qu’il disait ou avançait. Le client n’était pas roi à ses yeux, mais il n’était pas rien non plus.

Ainsi, le sujet glissa doucement vers celui de la religion en général, la criminelle ayant à ce sujet ses propres ambitions bien qu’à l’heure actuelle cela soit suffisamment cryptique pour qu’il soit assez difficile de pouvoir cerner ce qu’elle voulait bien faire de cela.

Sur ce point, l'archevêque s’exprima longuement, Violette restait, sourire sur le visage, de marbre bien que sur un point précis son sourire s’élargit légèrement lorsque Sylas commença à critiquer l’hypocrisie de l’oligarchie technocratique qui sous couvert de rationalisme et d’élitisme intellectuel imposait ses vues pour affermir son pouvoir sur les non sachant. Il était loin d’avoir tort, mais pour Violette s’était un argument qui pouvait se retourner également contre l’église panthéiste. Et pas seulement contre ses éléments les plus radicaux pour sombrer dans la facilité, après tout le monopole de l'ecclésial sur le pouvoir exécutif aramila se justifiait de cette manière, cantonnant les laïcs au fait d’autoriser ou de refuser les propositions du pouvoir religieux du fait d’une capacité d’initiative législative plus que discutable.

Enfin, elle n’était pas là pour critiquer ou titiller son interlocuteur, ainsi elle se le gardait pour elle-même mentalement. Elle avait autre chose à dire une fois que Sylas eut terminé sa réponse.

Helmael, vous pouvez m’appeler Helmael.

Pour le reste… précisement précisement… C’est la société qui doit s’adapter à l’être humain pas l’inverse. Vous avez parfaitement raison. La société sous toutes ses formes. La société politique à travers l’Etat… Ou religieuse à travers la foi. N’est ce pas après tout la flexibilité du panthéisme aramilan qui lui a permis de survivre sur 2000 ans aux inéluctables mutations de sa société ?


Elle marqua un temps de silence, laissant au prêtre la possibilité de répondre rapidement s’il le désirait avant de reprendre.

Avez-vous déjà eu l’impression de ne pas être à votre place ? Que le monde et le carcan dans lequel des tiers tentent de vous enfermer avec force ne correspondent pas à ce que vous êtes…

Se voir imposer des modèles philosophiques ou politiques incompatibles, c’est l’histoire de Xandrie. L’application du panthéisme sanctais dans un premier temps fut un échec, et aujourd’hui dans un deuxième temps, la société scientifique vendue par Epistopoli et Opale l’est tout autant.

On pouvait là commencer à comprendre ce qui se tramait dans l’esprit de la cheffe de guilde.  Ce qu’elle cherchait à faire ce n’était pas de combler un vide spirituel en lui-même, c’était de poser les bases à la création d’une identité politique et théologique propre à Xandrie plutôt que d’importer bêtement des concepts étrangers sans les adapter aux us locaux comme c’est le cas ici depuis bien trop longtemps.

Et non-content de frapper Xandrie, ce problème s'étend de manière interne aux xandriens eux même. savez après tout sire, de quoi descendent une bonne partie des populations pauvres de Xandrie, survivant dans les bidonvilles desquelles vous vous êtes approchés. Des clans nomades persécutés par la seconde dynastie xandrienne qui sous l’influence des trois sœurs, a forcé par le sang et le déshonneur la sédentarisation de populations qui n’avaient rien à y gagner.

On pouvait aisément comprendre qu’elle en était elle-même une descendante. Elle semblait avoir une rancune contre le concept de royaume de Xandrie, sans remettre pour autant en cause le système monarchique.

Cela paraissait de plus en plus comme une volonté de créer un modèle xandrien alternatif à ceux proposer par les nations étrangères, tant sur le plan des idées que sur le plan de l’organisation politique. C’était aux germes d’une idéologie en herbe qu’assistait le prélat.

Avait-elle l’intention de remettre en cause une partie de l’héritage de la seconde dynastie au profit des clans ex-nomades ? De revenir sur le concept de Royaume pour rejoindre celui du Khanat ? De passer sur l’Empire pour concevoir le Khaganat ?

Toute la question était de savoir pourquoi est ce qu’elle disait cela à un archevêque panthéiste ?

J’en reviens donc à vous archevêque

Son regard se planta dans celui de l’aramilan.

Pensez-vous qu’il puisse exister à Xandrie, un panthéisme qui soit autre chose que le fruit d’une domination étrangère sur notre pays ?

Entre les lignes, ce qui était dit était direct.

“Nous ne sommes ni pro science, ni Pro Episto, ni pro Opale. Néanmoins, nous ne voulons pas répéter les erreurs du passé vis à vis de Sancta. En l’état actuel des choses votre panthéisme aramilan est trop différent de ce que nous sommes pour être efficace et persuasif. Mais si vous êtes en mesure de nous proposer une interprétation plus xandrienne de l’Ahad, c'est-à-dire pour les maraudeurs plus teintés d’animisme. Alors tout autant la guilde que la pègre pourront servir de vecteur et de rampe de lancement pour un retour du panthéisme dans le nord d’Uhr auprès des populations grandes perdantes de l’ère scientifique et qui ont à raison une rancune contre l’industrialisation.”

À prendre ou à laisser bien qu’elle espérait que l'ecclésiaste saisirait cette opportunité qu’elle estimait être dans l'intérêt de toutes les parties.

De son côté, elle avait besoin d’un socle idéologique nettement supérieur autant sur la forme et le fond que ce que pouvait proposer la couronne et la révolution xandrienne. Et cela, seule Aramila pouvait le lui apporter en l’état actuel des choses. Ce qui n’avait rien d’étonnant pour qui avait fait du missionnariat, l’opportunisme politique étant un facteur central pour la conversation des premières générations de non-croyants.

De l’autre côté, elle offrait de toute logique deux choses aux aramilans.

Premièrement la possibilité d’instiguer un second souffle à un panthéisme en déclin face à l'essor de la science et du kobolisme en induisant pour la première fois depuis 400 ans la possibilité de pouvoir permettre une nouvelle croissance religieuse tout en remettant en cause le système qui avait fait chuter la Foi.

Deuxièmement sur un plan plus pragmatisme et politique. Sur le moyen/long terme, en cas de réussite d’une telle implantation, cela pouvait faire sortir Aramila de son isolement stratégique et militaire face à un monde aujourd’hui dominé par le scientisme épisto-opalin. Après tout, si Aramila cédait un jour aux sirènes du revanchisme vis-à-vis du Renon… Un basculement xandrien provoquerait nécessairement la rupture des lignes logistiques entre Opale et Epistopoli. D’autant que si une véritable solidarité panthéiste se mettait en œuvre (qu’elle soit sincère ou opportuniste), les lignes de front démultipliées risquaient de compliquer les choses pour la cité du savoir…

Naturellement, il ne s’agissait ici que de… possibilités qui pouvaient se voir briser par les aléas des variables imprévues. Néanmoins, le but de la politique n’était il pas de prévoir le futur et de tenter de le corriger lorsqu’il déviait de ses attentes ?

Sam 25 Mai - 10:22
« Helmael… » répéta-t-il pour mieux ancrer ce patronyme dans sa mémoire, alors qu’il finissait de se faire une image de ce jeune visage borgne dans ses rétines.

Il faisait, mécaniquement, pivoter son verre de sorte à faire danser le liquide carmin dedans, créant un petit tourbillon qu’il porta ensuite à ses lèvres pour le grumeler. Mais non, il n’y avait rien à faire : c’était de la piquette, grossière à l’envi, mais l’archevêque, au gré des circonstances, semblait savoir s’en accomoder avec le plus grand des raffinements. Pourvu que les effluves ne provoquassent point de migraine lors de lendemains trop brumeux.

« Je pense que vous avez raison sur la flexibilité, mais je pense que celle-ci est due au vivant et non à la religion qui, elle, est immuable. Et en tant qu’archevêque, qui a vécu dans la foi depuis toujours, je suis le premier convaincu qu’il y a, pour chaque individu, une interprétation différente de l’Ahad. Du moins, en surface. Le sens caché, profond ; lui est bien plus univoque, et plus abstrait à la fois… »

Il reposa un instant son verre, accordant un sourire affable à Helmael alors qu’elle enchainait sur une autre question.

« Je suis le fils aîné des Edralden, mademoiselle Helmael. Autant dire que les responsabilités eurent tôt fait de s’affaisser sur mes frềles épaules alors que j’étais un jeune enfant. Je n’ai jamais trop discuté les desseins de la parentèle, tant je les savais aimants. Et pour être honnête, je ne me voyais pas faire autre chose que de rentrer dans les ordres. J’ai parfois éprouvé une once de regret à ne pas être plus… Consistant pour encaisser le choc des expéditions, il est vrai. Mais je me satisfaits de cette place qui est la mienne, quand bien même avoir la responsabilité d’une nation tout entière n’est jamais de tout repos. »

Il acquiesça, alors qu’elle évoqua ensuite le sort de Xandrie. Son visage s’assombrit.

« Je saurais vous renvoyer aux textes de l’Ahad pour appuyer mes propos, jeune demoiselles : le pouvoir corrompt. C’est pour cela qu’en Aramila il est divisé entre le Concile et la Tribune. Cela évite bien des impairs, même si tout n’est pas parfait. C’est aussi à cause d’un gouvernement comme le nôtre que peu de choses ont évolué et où les esprits les plus brillants décident de quitter notre pays. Vous comprendrez alors que ceux qui ont le pouvoir n’hésitent pas à l’exercer sur les autres et, par les Douze, il ne désire surtout pas le perdre…! Et quand certains placent de grands espoirs en leurs régents qui ne font que servir leurs intérêts, ils finissent déçus. Ils se sentent spoliés. N’est-ce pas votre cas ? Avez-vous toujours voulu être maraudeuse depuis votre tendre enfance, mh ? »

Comme si la question eut été rhétorique, il s’attendit à un silence approbateur. Il ne le sut pas vraiment, puisque la discussion, menée par cette jeune femme, se focalisait de nouveau sur lui. Il se stoppa, son regard rencontrant le sien, de son unique œil valide.

« Un panthéisme qui soit autre chose que le fruit d’une domination étrangère sur notre pays… » répéta-t-il pour bien appréhender la question.

Il laissa planer un silence, en profitant pour siroter encore un peu de boisson avant de répondre :

« L’histoire a montré que ni l’Église, ni quelque éminence scientifique ne semblaient légitimes à gouverner. Xandrie est aujourd’hui sous la coupole d’un monarque qui, semble-t-il, ne semble pas prêter grand crédit à ses sujets. Je vous concède que je suis surpris que vous me posiez cette question. Personne ne me demande conseil sur la manière de gérer les affaires d’un pays, mais soit, si j’avais plus de manœuvre aujourd’hui, voici ce que je ferais : je séparerais au maximum l’Église de l’État et je ferais en sorte que l’État soit une entité au même niveau que le peuple, qui doit être souverain. C’est assez difficile pour moi d’envisager cela, car peut-être qu’ainsi mon rayonnement spirituel diminuerait, mais qui je suis à côté des Douze pour exiger qu’on me vénérât ? Je ne suis qu’un intermédiaire entre les divinités et le vivant et, même si mes connaissances en sciences politiques m’ont permis de conserver le statut d’Archevêque depuis trente ans, être au pouvoir, s’est aussi accepter de s’attirer des ennemis dont nous nous passerions bien. Maintenant, mon avis sans ambages : pour qu’à Xandrie il existe un panthéisme qui soit autre chose que le fruit d’une domination étrangère, la volonté doit provenir du peuple avant tout. Et dans ces conditions — imaginais-je dire cela ce soir… Je pense que Sa Majesté doit être destituée, à défaut d’accepter un changement qui contreviendrait à l’immuabilité de son agenda politique. »

Il fixa Helmael sans détourner le regard.

« Maintenant que je vous ai fait part de mon avis sans détour, je vais vous demander la plus grande honnêteté à mon tour. Je pense que vous savez qui est le Leonhardt dont je vous ai fait mention plus tôt. Je vous suspecte de me mentir, et c’est votre droit. Alors voici l’alternative : où vous avouez que vous en savez plus que ce que vous prétendez, ou je me suis trompé sur votre compte et j’aurai mieux fait d’écourter cet entretien, quand bien même fût-il agréable à parler des choses politiques. Ce n’est, après tout, pas tous les jours que je croise quelqu’un, en dehors des hauts dignitaires, qui se pose autant de questions. »
Sam 25 Mai - 15:35

Cochon

Sylas




La maraudeuse écoutait silencieusement la prélat, un air pensif sur le visage en écoutant chacun de ses propos. Lorsque celui évoqua son parcours décidé dès la naissance par son sang comme bien du monde en ces terres. Division du pouvoir, théologie qui venait du bas. Cela pouvait être intéressant. Il était assez complexe de créer à ses yeux une religion qui n’avait pas pour finalité de devenir une dictature des philosophes et des intellectuels, mais il y avait peut-être certains moyens de pouvoir y faire face. Restait à trouver un moyen de le rendre viable sur le plan organisationnel.

Si Violette avait décidé de rester passive durant une bonne partie de ses explications, elle se permit toutefois un petit commentaire lorsque celui-ci évoqua le cas des maraudeurs.

A moins d’être un psychopathe né, on ne choisit pas d’être maraudeur effectivement… on le devient.

Il y avait bien des pourris et des véritables tueurs en série dans la guilde toutefois, mais la majorité d’entre eux, même mouillé avec le crime, restait des êtres humains avant tout avec un cœur, une conscience et des gens à protégés. Elle même ne faisait pas exception à cela qu’importe ce qu’elle pouvait dire ou prétendre être.

Le reste de son discours était encore plus étonnant que le débat. Le prêtre concevant de lui-même une volonté de réduire ses propres pouvoirs et de détacher de l’appareil d’Etat s’il avait le choix. Tout en mentionnant la possibilité pour Xandrie de devoir destituer son propre souverain par nécessité.

De telles paroles étaient pour Violette doublement étonnantes. D’une part, il était assez rare qu’un dirigeant conçoive de lui-même que pour le bien de tous, il devait diminuer son pouvoir et son emprise sur les autres. D’autre part, qu’un dirigeant étranger admet ouvertement la possibilité de destituer un Roi à un tiers. Pour le premier point, cela ne restait que des paroles, rien ne disait qu’il serait effectivement ouvert à le faire pour lui-même une fois qu’il devrait passer des paroles aux actes.

Je dois avouer que je suis surprise d’entendre cela de la part d’un prêtre et surtout d’un des dirigeants d’Aramila.

Elle ne disait pas clairement ce qu’elle pensait de tout cela, mais le fait qu’elle ne s’y oppose pas semblait montrer qu’elle avait déjà pour sa part suffisamment réfléchi à la question de la chute de son roi pour ne pas y être fondamentalement défavorable.

Tandis que la portebrume réfléchissait à ce qu’elle devait faire des positions et des informations de Sylas, celui-ci reparti une fois encore sur son obsession du jour : Leonhart. Il semblait vraiment motivé à le trouver et à le tuer.

Un léger sourire sur le visage, elle lui répondit.

Mentir signifierait que je vous donne de fausses informations ou l’inverse de la réalité. Ce qui n’est pas le cas ici. Tout ce que j’ai dis est que je devrais pouvoir être en mesure de vous aider, rien de plus.

Enfin… puisque vous voulez plus d’information, sachez juste que je connais ce nom, mais je ne connais pas cette personne et je ne l’ai jamais rencontré. A cette période j’étais occupé à d’autres activités… incompatibles avec la maraude…


En l'occurrence assumer sa nébula.

On m’a raconté l’histoire indirectement de bouche à oreille. Un inconnu qui se prenait pour un chevalier venu trouver du travail à la Guilde. Un chieur avec trop d’honneur qui a marqué les esprits lorsqu’il a solo des wargs. Mais c’était il y a plus de deux ans. Je ne sais pas où il est et ce qu’il fait maintenant. Il a la carte des maraudeurs certes, mais notre champ d’action est dans le continent entier et il n’y a pas d’obligation de travailler. Tu prends les contrats que tu veux, sous le nom que tu veux. Ici on s’en fout de l’identité. Peut être est il ici, peut être sous un autre nom à faire de la maraude pour Opale. La seule chose que la guilde contrôle c’est l’effectivité de la réussite d’un contrat, le reste n’a pas d’importance.

Ce n’est pas impossible de le retrouver loin de là. Mais ça demande que soit fait certaines choses dont je ne peux pas parler à un élément extérieur parce que l’on touche là à des processus internes à une guilde qui n’ont pas à être dévoilés.

De même, en tant que chef de guilde, je ne peux vous offrir dans un premier temps qu’une temporisation. Mettez vous à ma place. Si jamais quelqu’un vient vous voir en vous demandant d’extrader l’un de vos prêtres pour trahison, il est pas probable qu’il reçoive une réponse dans la minute n’est ce pas. Tout chef se doit d’abord d'objectiver les faits pour être certain de la culpabilité de la personne et de ne pas rester sur des on-dits. Autant pour soi-même afin de prendre la meilleure décision en âme et conscience que pour le justifier auprès de son organisation. Si jamais vous livrez un de votre prêtre sans être en mesure de la justifier par des données factuelles auprès de vos pairs, je doute que tout cela se passe bien pour vous.

Il en est de même pour moi. Sauf que dans votre cas, dans le pire des cas vous seriez radié ou placardisé. Mais chez nous la démission est plus “physique” que professionnelle. Si je ne respecte pas mes obligations, que je livre sans jugement et que je deviens ainsi un tyran, dans le meilleure des cas je serais assassinée. Dans le pire, je serai attrapé vive et supplicié comme on le fait pour les tyrans, avec le supplice du porc.

Les bidonvilles sont imaginatifs quand il s’agit de faire du mal. On sectionne votre moelle épinière pour vous rendre tétraplégique et on trouche vos cordes vocales pour que vous ne puissiez pas criez. Et enfin, on vous livre aux cochons qui se feront une joie de vous dévorer vif. Autant dire que vous avez le temps de voir la mort arriver.


Elle conclut avec un grand sourire.

J’accepte de prendre votre contrat au vu de votre statut, mais il met ma propre tête en jeu dans l’équation. Comprenez que je dois prendre toutes les dispositions pour ne pas finir avec une balle dans la tête ou dans le ventre d’un cochon.

Je doute que cela vous fasse plaisir comme honnêteté mais cela vous va désormais ?

Dim 26 Mai - 15:50
Sylas observa un léger mouvement de recul ; il se ravisa d’un accès de colère alors qu’Helmael admit qu’elle connaissait le patronyme du personnage recherché. Son intuition était donc correcte : une réaction fugace de la part de la maraudeuse, qu’il lui semblait avoir repéré, l’avait trahie. Bouche bée, il en profita pour boire une autre lampée d’alcool pour conserver un peu de contenance ; contenance qui s’étiolait au fur et à mesure que les effluves se faisaient sentir. Il restait maître de lui-même, mais ses sens s’affaissaient le plus naturellement du monde à cause de la substance. Néanmoins, rien ne perturba son sens de l’écoute alors qu’il buvait, en plus du vin, chacune des paroles d’Helmael. Parfois, il arquait un sourcil, répétant des mots comme « solo » qu’il n’avait jamais entendu de son vivant. Il finit par se détendre, visiblement amusé par la manière de s’exprimer de la maraudeuse. Son attitude naturelle contrastait avec les questions géopolitiques voire métaphysique qu’elle se posait. Brillante intelligence dans un corps aussi jeune, qui trahissait sans conteste une fêlure dans son âme, un conflit interne, une blessure certaine.

Tout s’éclairait alors qu’elle observait un parallèle avec un prêtre véreux dans les ordres de Sylas. C’était un fait : elle connaissait Aaron. Elle en connaissait plus que ce qu’elle voulait admettre et, le plus naturellement du monde, elle n’accorderait pas toute sa confiance à un archevêque qui voulait sa tête pour des raisons de sécurité nationale. À croire qu’elle risquait gros, elle aussi, de son côté.

À croire que le personnage était plus dangereux que Sylas même ne l’aurait cru.

« Je suis content de savoir que j’ai frappé à la bonne porte, mais j’en reviens presque à regretter d’être tombé trop juste. À vrai dire, je ne savais pas que je pouvais tomber aussi bien. Votre propre tête ne sera pas en jeu dans l’équation. Il y aura aussi la mienne, visiblement. »

Il soupira franchement et termina son récipient. Détendu, il fouilla sous son manteau, se saisissant d’une petite bourse qu’il laissa tomber sur la table pour laisser comprendre à son interlocutrice l’importance de son contenu tintant.

« Votre acompte, pour la valeur du temps et de mes informations que vous m’avez accordés… Maintenant… »

L’homme de foi se redressa et finit par se lever, faisant comprendre à Helmael qu’il allait prendre congé. Il fixa un instant la porte.

« J’apprécie votre honnêteté. Je crois qu’à mon tour, je vous dois des explications. J’ai sans doute exagéré sur la dangerosité d’Aaron au regard de la sécurité d’Aramila, mais vous avez confirmé par vos dires qu’il constituait à lui seul un danger  ; un ennemi à ne pas avoir dans son sillage. Le fait est qu’entre lui et moi, c’est lui qui redoutera mon courroux, et non l’inverse. J’ai condamné une grande partie de sa famille à la damnation memoriæ et ma douleur ne s’estompera pas tant que j’aurai mis la main sur lui. »

Il prit à nouveau une inspiration, fermant les yeux, avant d’avouer l’inavouable.

« Aaron Leonhardt a assassiné ma fille il y a deux ans. »

Il sentit, dans son regard, poindre une humidité amère. Avant que celle-ci ne trouble trop sa vue et ne perle sur ses pommettes, il s’empressa d’ajouter  :

« Je prends congé. Continuons de nous adresser à notre contact commun en cas de nécessité. En attendant, avancez prudemment et, surtout, que les Douze vous gardent. »

Sans se faire prier, il poussa calmement la porte de l’arrière salle et se déroba, pareille à une ombre triste, vacillante, qui tenait à s’effacer dans l’oubli, dans la solitude.

Peut-être pour mieux pleurer la perte de l’être aimé.
Mar 28 Mai - 14:16

Religion des pauvres

Sylas




Ses explications avaient visiblement adoucis de nouveau le ton et les expressions de l’aramilan qui à son tour se mettait également à justifier ses propres objectifs en la matière. Derrière l’hérésie se cachait donc une vengeance pour un meurtre familiale. Voilà qui expliquait mieux les choses, là elle comprenait vraiment l’importance de la chose.

Elle n’avait pas de réelle empathie pour l’homme, cela faisait un sacré bout de temps qu’au contact de la mort elle avait perdu sa sensibilité pour ce genre de sujet mais elle pouvait comprendre la logique. Après tout, à Xandrie et plus encore dans les milieux où l’on souffrait de la pauvreté, du froid et de la faim, une solidarité clanique était nécessaire. Et les clans devaient défendre et venger les leurs lorsque cela était nécessaire.

Vous m’en voyez désolé… Je comprends bien. Si c’est bien le cas Leonhart payera.

Il était hors de question pour les maraudeurs de commençaient à défendre ceux qui avaient commis des crimes de sang contre les puissants et ceux capables de répondre. Que le maraudeur tue quelqu’un n’avait aucune importance, qu’il tue quelqu’un dont les proches pouvaient être une menace pour la guilde était tout autre. Il n’y avait là aucune question de morale et de justice, uniquement de pragmatisme qui se traduisait par le constat des rapports de force entre bourreaux et victimes.

Les deux principaux sujets étaient ainsi clots et chacun devait repartir à ses propres obligations, la maraudeuse se levant en même tant que l’ecclésiaste en précisant certaines choses.

Très bien, vous recevrez une missive mensuelle sur l’avancée de l’affaire. Comme ça vous ne serez pas dans l'ignorance d’où nous en sommes vis à vis du meurtrier… Par ailleurs, pour en revenir à l’autre sujet, vos propos m’ont intéressé. Si vous pouviez m’envoyer quelques missionnaires aramilans pour voir si cela pourrait se faire en fait et comment cela pourrait s’appliquer en pratique ce serait parfait.

L’archeveque n’y voyait pas d'inconvénient et accepta.

Sur cela, je vous souhaite bonne chance dans vos obligations et mes condoléances encore une fois…

Elle le laissa partir, le suivant du regard jusqu’à ce que la porte se ferme, revenant sur son siège pour boire un verre de nouveau, elle restait silencieuse en se murmurant quelques mots.

Mmm.. Un panthéisme des pauvres. Je sais pas ce que ça peut être mais ça a l’air presque amusant…