Lun 31 Juil - 15:28
Dans le néant et le vacarme, Jessamy ouvre les yeux.
Sa poitrine se soulève dans un souffle râpeux, comme si ses poumons n’avaient pas servi depuis des lustres. Le ronronnement d’un moteur fait vibrer la paroi dans son dos. De légers cahots se répercutent dans sa colonne vertébrale, piqûres douloureuses. Elle sent le métal froid sous son corps engourdi. Et quelque chose de mouillé, aussi. Elle reconnaît l’odeur métallique et un peu sulfureuse du sang mystifié qui coule dans ses veines. L’hémoglobine coagulée s’est imprimée sur elle en membrane collante, accrochant ses vêtements à sa peau.
Jessamy se souvient.
Sa main se pose sur son ventre, à l’endroit où sa chemise a été déchirée. Sous sa paume, la soie chaude de son derme se soulève doucement, au rythme de sa respiration. Intacte. Pas même une cicatrice en symptôme de la rixe. En vérité, elle n’a que peu de réminiscences de ce qui l’a entraînée dans ce fourgon. Dans sa tête, il n’y a que restes étiques, éclats de voix, douleur sourde. Ce n’est pas ce qui l’effraie, maintenant.
Il y a beaucoup trop de sang hors de ses veines pour qu’elle soit encore en vie. Autour de son ventre, les plaies effilées de sa chemise et de sa veste en sont imbibées. Pourtant, ses battements de cœur pulsent sans mal dans sa cage thoracique. Jessamy déglutit. Son corps lui ment. La dernière fois qu’elle s’est éveillée avec quelque chose de nouveau en elle, elle se trouvait dans une cage plus petite, plus sinistre encore que ce ventre métallique qui l’emmène elle ne sait où. Une fois, ses doigts n’étaient plus les siens. Une autre fois, les miroirs lui renvoyaient le reflet d’une inconnue. Puis, elle s’est réveillée avec des plumes qui se hérissent sur son épiderme comme les poils d’un chat. Et il y a eu les ailes.
Mais ses blessures, elles, sont toujours restées. Elles ont dû être pansées et soignées. Il a fallu lui réinjecter le cocktail macabre de sang et de Myste dans les veines pour qu’elle survive.
Aujourd’hui, les mains gantées du Magistère n’étaient pas là pour décortiquer son corps et le reconstruire.
Aujourd’hui, elle aurait dû mourir.
Pourtant, son corps fait comme si personne ne l’avait éventrée.
Son corps lui ment.
Le fourgon s’arrête. Elle en profite pour se redresser ; évidemment, ses ravisseurs n’ont pas pris garde à ne pas écraser ses élytres en la déposant dans le coffre. Ses yeux rougeoient dans l’obscurité, s’adaptant peu à peu aux ténèbres qui la digèrent depuis… depuis quand ? La gorge nouée, elle maintient sa main contre le souvenir de sa blessure (?), comme si elle craignait qu’elle se rouvre. Les plumes sur sa tête frémissent, alors que des éclats de voix étouffés lui parviennent à travers la paroi.
La porte s’ouvre. Un grognement fait vrombir ses cordes vocales, tandis que ses babines se soulèvent sur ses crocs luisants. La rage prépare tout son être au départ de feu.
Ses souvenirs s’éclaircissent un peu plus, lorsqu’elle reconnaît le visage qui se découpe dans la lumière. Celui qui l’a tranchée comme un morceau de viande. Robuste, agile. La main leste et précise de l’assassin. Vue la terreur qui soudain lui tord les traits, elle sait que c’est arrivé. Les syllabes s’entrechoquent dans sa mâchoire.
« P*tain de Brume… »
Les plumes de Jessamy se hérissent en explosion rouge et noire. Elle fixe la gorge de son adversaire, s’imaginant lui arracher la jugulaire comme sa liberté. Il dégaine un revolver pour le braquer sur son crâne, et de nouveaux mots raclent le fond de sa gorge. Le timbre éraillé du prédateur surpris par sa fausse proie.
« Bouge pas, espèce de monstre ! Ou je te fais sauter ta cervelle de dégénérée !
— Essaie pour voir, bouffon. », qu’elle siffle entre ses dents.
La banshee serre les mâchoires alors que ses ailes se déploient, effleurant les murs de sa geôle. Mais elle se fige soudain, interrompant son élan.
Entre eux deux, un voile noir s’est interposé.
Deux grandes ailes aux plumes sombres, majesté à la nuit empruntée.
Sa poitrine se soulève dans un souffle râpeux, comme si ses poumons n’avaient pas servi depuis des lustres. Le ronronnement d’un moteur fait vibrer la paroi dans son dos. De légers cahots se répercutent dans sa colonne vertébrale, piqûres douloureuses. Elle sent le métal froid sous son corps engourdi. Et quelque chose de mouillé, aussi. Elle reconnaît l’odeur métallique et un peu sulfureuse du sang mystifié qui coule dans ses veines. L’hémoglobine coagulée s’est imprimée sur elle en membrane collante, accrochant ses vêtements à sa peau.
Jessamy se souvient.
Sa main se pose sur son ventre, à l’endroit où sa chemise a été déchirée. Sous sa paume, la soie chaude de son derme se soulève doucement, au rythme de sa respiration. Intacte. Pas même une cicatrice en symptôme de la rixe. En vérité, elle n’a que peu de réminiscences de ce qui l’a entraînée dans ce fourgon. Dans sa tête, il n’y a que restes étiques, éclats de voix, douleur sourde. Ce n’est pas ce qui l’effraie, maintenant.
Il y a beaucoup trop de sang hors de ses veines pour qu’elle soit encore en vie. Autour de son ventre, les plaies effilées de sa chemise et de sa veste en sont imbibées. Pourtant, ses battements de cœur pulsent sans mal dans sa cage thoracique. Jessamy déglutit. Son corps lui ment. La dernière fois qu’elle s’est éveillée avec quelque chose de nouveau en elle, elle se trouvait dans une cage plus petite, plus sinistre encore que ce ventre métallique qui l’emmène elle ne sait où. Une fois, ses doigts n’étaient plus les siens. Une autre fois, les miroirs lui renvoyaient le reflet d’une inconnue. Puis, elle s’est réveillée avec des plumes qui se hérissent sur son épiderme comme les poils d’un chat. Et il y a eu les ailes.
Mais ses blessures, elles, sont toujours restées. Elles ont dû être pansées et soignées. Il a fallu lui réinjecter le cocktail macabre de sang et de Myste dans les veines pour qu’elle survive.
Aujourd’hui, les mains gantées du Magistère n’étaient pas là pour décortiquer son corps et le reconstruire.
Aujourd’hui, elle aurait dû mourir.
Pourtant, son corps fait comme si personne ne l’avait éventrée.
Son corps lui ment.
Le fourgon s’arrête. Elle en profite pour se redresser ; évidemment, ses ravisseurs n’ont pas pris garde à ne pas écraser ses élytres en la déposant dans le coffre. Ses yeux rougeoient dans l’obscurité, s’adaptant peu à peu aux ténèbres qui la digèrent depuis… depuis quand ? La gorge nouée, elle maintient sa main contre le souvenir de sa blessure (?), comme si elle craignait qu’elle se rouvre. Les plumes sur sa tête frémissent, alors que des éclats de voix étouffés lui parviennent à travers la paroi.
La porte s’ouvre. Un grognement fait vrombir ses cordes vocales, tandis que ses babines se soulèvent sur ses crocs luisants. La rage prépare tout son être au départ de feu.
Ses souvenirs s’éclaircissent un peu plus, lorsqu’elle reconnaît le visage qui se découpe dans la lumière. Celui qui l’a tranchée comme un morceau de viande. Robuste, agile. La main leste et précise de l’assassin. Vue la terreur qui soudain lui tord les traits, elle sait que c’est arrivé. Les syllabes s’entrechoquent dans sa mâchoire.
« P*tain de Brume… »
Les plumes de Jessamy se hérissent en explosion rouge et noire. Elle fixe la gorge de son adversaire, s’imaginant lui arracher la jugulaire comme sa liberté. Il dégaine un revolver pour le braquer sur son crâne, et de nouveaux mots raclent le fond de sa gorge. Le timbre éraillé du prédateur surpris par sa fausse proie.
« Bouge pas, espèce de monstre ! Ou je te fais sauter ta cervelle de dégénérée !
— Essaie pour voir, bouffon. », qu’elle siffle entre ses dents.
La banshee serre les mâchoires alors que ses ailes se déploient, effleurant les murs de sa geôle. Mais elle se fige soudain, interrompant son élan.
Entre eux deux, un voile noir s’est interposé.
Deux grandes ailes aux plumes sombres, majesté à la nuit empruntée.