Light
Dark
Bas/Haut

Des paillettes sur les arbres

Des paillettes sur les arbres Brandw10
Mar 19 Juil - 12:37
TU me dégoûte. Dès que je t’ai vu ! En fait non, c’est pas ça. Tu me fais flipper. J’en ai vu des trucs bizarre mais alors des comme toi, y’en a pas deux. Ta tronche va me filer des cauchemars, pire que ceux que je fais d’habitude ! Ceux-là, c’est que dalle, ça fait tellement d’années maintenant, j’me réveille plus en sursaut. Mais toi mon gars, j’imagine déjà la gueule des visions nocturnes, bah, si j’pouvais me cogner la tronche dans un arbre centenaire pour t’oublier, j’hésiterai même pas, mais à mon âge, je risque juste de crever. Et je veux surtout pas que la dernière chose que je vois, ça soit toi.

C’est quand même vachement drôle, parce que tu vois, moi c’qui m’amène ici, c’est justement le cauchemardesque. Je veux en voir, mes yeux ont faim, tu sais. Mais toi, tu dénote trop, y’a un truc qui me revient pas. J’suis venu ici pour voir si ces arbres recèlent vraiment des machins intéressants, où si les gueux ont appelé cette forêt comme ça parce qu’ils flippent dès qu’un voisin lâche une caisse un peu plus bruyante que la normale. Jusqu’ici, mon petit monstre, c’est la théorie la plus probable ! Ça pue la merde ici, laisse moi te le dire.

J’me suis fait chier à rejoindre une caravane pour atterrir jusqu’ici, les gens ont passé le voyage à m’éviter, soit disant mon odeur est pas supportable. Ça m’arrange, je pouvais pas les blairer ces cons, mais t’aurais dû voir leurs têtes quand je leur ai dit que je descendais ici, en pleine nuit. Putain, que je me suis marré ! Soit-disant, j’suis taré. Que y’a qu’un taré pour se balader ici alors que la lune est bien visible dans le ciel, que c’est plein à craquer de malédiction ici ! Alors je te dis pas, j’ai pressé le pas, moi je veux les voir, les malédictions, je veux parler avec !

Je me demande si je peux parler avec toi. J’espère, parce que tu m’as l’air sacrément maudit mon pote. Tu veux que je te raconte la vision d’horreur que ça m’a filé ? J’étais pénard, entrain d’être paumé au milieu de ces arbres centenaires, j’avais envie de pisser alors ni une ni deux, j’sors l’engin et je fais mon affaire. C’est là que je t’ai vu, au loin, entre deux arbres, les lucioles verdâtres te tournaient autour, comme si l’endroit voulait que je regarde vers toi, fallait que j’te vois. Ta grande gueule qui dépasse du bois, ton corps émet des lumières qui me filent la nausée, y’a du rose parmi les couleurs, tu n’as rien de naturel, mais mon gros pif me dit que t’as rien de trop surnaturel non plus. Pas sûr que les esprits brillent en rose pétant.

Tu n’es pas un esprit, hein ?



Ça tire. Mes précieuse copines me triturent la barbe. Je crois qu’elles me disent NON. Tu n’es pas un esprit ! Les esprits, ces petites elles connaissent merveilleusement bien. Ces minuscules créatures du vide sont en contact permanent avec la Mort. T’es pas un esprit. Ton museau est-il là pour faire jolie ? Tu peux sentir les superbes effluves du monde réel ? Si j’en largue une, tu vas réagir ? Je marche à quelques mètres derrière toi, tu t’es toujours pas retourné. J’pense pourtant dauber à des kilomètres à la ronde. Tu marches lentement, j’peux te rattraper aisément. Tellement que t’es maintenant à portée de caillasse. Si t’es pas un esprit, j’peux te caillasser, et j’en ai un peu marre de jouer aux devinettes. Voilà, ce roc fera l’affaire, bien lourd, belle forme, c’est important pour le l’aérodynamisme, tu sais.

BAM.

Raté. Mon précieux caillou s’est planté dans l’arbre juste à côté de ton corps étrange. Tu te retourne, mais pas vers ce bon vieux Tormog ! Tant pis, quand la violence rate, reste plus qu’à utiliser la solution de secours, mon dernier recours. La diplomatie.

« Eh oh, du con, tu parles ? »
Ven 29 Juil - 16:54
Quelle ne fut pas ma surprise ! Je pars à la cueillette de mes habituelles plantes organiques, celles qui n'émergent des profondeurs que lorsque la Lune les appelle, celles qui chantent d'adorables blasphèmes la nuit tombée. Bref, je cherche mes amies plantes, et voilà donc que je tombe sur un horrible petit farfadet ? On marche sur la tête... Tu viens faire tes courses et tu tombes sur des farfadets puants, perdus dans la forêt ? Mais qu'est-ce que tu veux que j'en foute, moi, de ce farfadet ? Ce serait un merveilleux challenge de retravailler son affreux corps à la recherche d'harmonie.

Qu'il est laid ! Il ressemble à mes brouillons, ceux qui finissaient leur vie dans des cirques à quémander des cacahuètes aux gros lards de la Haute-Ville. Aujourd'hui mon Art s'est grandement raffiné au point de commencer à toucher, timidement, la Perfection. Mais au début, mes peintures de Chair et de Brume ressemblaient parfois à d'horribles petits farfadets de cet acabit.

<< Bien sûr que je parle >>

Note qu'habituellement, mes sessions cueillettes sont réalisées dans mon plus simple appareil, ni peignoir, ni pantalon, uniquement ma fabuleuse chair, et la lumière lunaire pour en sublimer chaque relief. Les risques de rencontrer une entité consciente perturbée par la nudité de Ratamahatta sont normalement extrêmement minces. Aujourd'hui, j'ai mis un pantalon. Mais demain, ou après-demain ? Il n'y aura plus de pantalon, et il n'y aura plus non plus de farfadets.

Il est TELLEMENT laid. Éclairé par la Lune, ce petit bonhomme amusant paraît extrêmement petit, ridicule et vraiment pas beau, pas beau du tout.

Je ne vais pas te mentir, je suis shooté, shooté au mucus rose surnaturel : j'ai pour ainsi dire remplacé mon sang par du mucus rose surnaturel, c'était pour catapulter mon esprit dans l'univers des poètes mélancoliques, c'est la seule manière de mettre en confiance les plantes organiques nocturnes.

<< Tu es formidablement laid. Magnifiquement laid >>

Me laisseras-tu t'approcher ? Je ne me satisfais plus des contours grossiers que la Lune me laisse entrapercevoir. Je veux profiter de l'expérience entière, l'expérience totale de la laideur, je veux coller mes naseaux à ta peau puis vomir la salade de mucus rose surnaturel que j'ai ingéré cet après-midi avant de partir.

Il me hurle des insultes que je relève même pas.

Je prends l'initiative d'avancer vers lui, dansant comme toujours, suivant le tempo dicté par mon juke-box interne. Il me jette d'autres caillasses. L'une d'entre elle vient se ficher dans mon mollet, je manque de me rétamer mais avec grâce je retombe sur mon pied le plus habile (ma main droite)

<< As-tu subi des accidents pour devenir aussi laid ? Est-ce un don naturel ? >>

La beauté n'existe que par contraste avec le laid ! Ton existence est nécessaire, et disons-le, sublime. Parce qu'à force de vivre dans mon étroit microcosme, dans lequel je travaille les millions de facettes de la beauté et de la perfection, j'oublie qu'en dehors le Laid règne en maître. Ta laideur est HYPNOTISANTE. Depuis que mon oeil s'est posé sur toi, il est resté tout simplement collé. Tu es tout simplement un pro de la laideur, et ça me réconforte de savoir qu'il en existe encore. Tu tiens un bon concept, en étant aussi petit, laid et répugnant. Trèèès intriguant. Tu as volé les yeux de Ratamahatta !

A bien y regarder, je crois desceller quelques vagues s'agitant dans sa barbe. Je sais pas si c'est parce qu'il essaye de me parler mais que ses sons se perdent dans ses poils... ou si parce que sa barbe est toute aussi vivante que lui... On va passer une nuit étonnante, toi et moi... Tu pars cueillir des plantes, mais voilà, tu tombes sur un farfadet... La Brume est décidément pleine de surprises...

Je reste planté devant lui à une poignée de mètres, je ne voudrais pas l'effrayer, je ne voudrais pas le voir se carapater dans les buissons, brusquant ses toutes petites jambes. Je reste immobile, dans la position dite "du cygne", idéale pour appâter les plantes organiques entre Minuit et deux heures du matin.

<< Veux-tu du mucus rose ? >>

Proposé poliment, peut-être baissera-t-il sa garde ?
Mer 28 Sep - 5:07
Je les sens ! Mes copines frétillent ! Elles ont faim. Ou soif. Je sens James qui se balance entre mes poils, ce coquin veut grimper sur ce monstre ! Le piquer peut-être, il m’a souvent piqué, James. Pour me rappeler qu’il existe, que moi aussi j’existe encore ! J’suis croulant mais pas mort, je sens encore la douleur, c’est toujours bon signe ça. J’ai prévu d’accueillir la mort comme un vieux pote, pas comme mes anciens potes que j’ai PU surriner dans le dos non non, comme un vrai copain que j’serai content de retrouver. Imagine un peu, la dernière frontière, ça doit être quelque chose à voir. La réponse à plein d’questions. Mais j’suis pas encore prêt, en tout cas, j’veux pas crever comme ça. Pas sous les sabots de ça. Mes copines sont formelles, ça pue la fiante. Mes anti-corps sont surpuissants, mais je veux pas risque de chopper une coulante, ou pire. James a raison de vouloir tâter le terrain.

« C’est une drogue que j’connais pas ? Dis, tu veux voir mes copines ? »

James n’attends pas de réponse, de toute façon, mes araignées ne comprennent pas le langage humain ! Seulement la langue du Vide. Après un saut, v’là ma copine sur ce type flippant, qui me fixe toujours, il m’observe et j’ai presque l’impression qu’il se lèche les babines. Ses yeux brillent, ils valent peut-être cher, si j’ai moyen de les arracher, ça, au marché noir…

Je n’entends plus James, la distance qui nous sépare coupe notre lien sacré ! J’aime pas ça, c’est comme être privé d’un de ses sens. Mes sens encore présents me font dire que la situation est gênante, nous deux, comme des piquets, à se regarder dans le blanc-violâtre des yeux, comme deux cons. Qu’est-ce qu’il est entrain de se dire ? Si il pouvait rentrer dans ma tête, il se demanderait sûrement quoi et détallerait aussi sec. Mais si moi je pouvais rentrer dans sa caboche, qu’est-ce que je verrais ? Dans le noir, comme ça, j’ai du mal à dinstinguer, mais j’crois bien qu’il sourit.

Pac. James est de retour à la maison ! Tu entends ça ? Elle frétille de partout, elle danse ! Le toucher n’est pas fatal. James me susurre des choses dans mon esprit, ce type là a un sang tout particulier. Je me demande ce que je verrai si j’en goute un peu. T’as jamais goûté le sang de tes potes, toi ? James effectue une dernière danse, puis sombre dans les limbes, suspendu à mes poils par un fil microscopique, elle se balance au gré du vent, c’est magnifique ! Mais je dois faire gaffe à pas la faire tomber.

« Bon. BON ! Ma copine t’aime bien, tas de fumier. T’as une gueule à faire peur à voir, mais t’as bon goût ! J’te pardonne tes BASSES critiques sur le physique car tu as RAISON. Moi, jamais j’m’abaisserai à ça, tête de fion. »

Je me bouche une narine et j’souffle un coup pour évacuer, on se les gèle ici.

« Toi aussi tu viens rencontrer la Mort et le Vide ici ? »
Jeu 16 Fév - 12:48
« Eh bien, j'ai déjà la Mort et le Vide dans ma maison ! Alors ici, je viens plutôt cueillir ce qui me manque »

Ce petit gros héberge des araignées dans sa barbe. Ça me fait fondre, tellement c'est mignon, et je peux te dire que si je mesurais trois ou quatre centimètres j'hésiterais pas à me faufiler là-dedans non plus, malheureusement je mesure deux bons mètres et c'est handicapant lorsqu'il s'agit de rentrer dans les gens.

Et puis si je plais à ses araignées, si elles me trouvent beau comme il se doit, eh bien alors allons-y ? Oui, allons-y. Toi, moi, tes araignées, la nuit, je crois qu'on a tout les ingrédients ?

« Je cherche des plantes organiques, ce sont des petits champignons de viande qui sortent de terre la nuit tombée

On les entend parfois chanter, et si on est dans le bon mood, elles peuvent nous laisser danser avec elles

Après avoir dansé avec elles, je leur arrache la tête, je les broie et les bouffe, ça me fait planer, ça me fait rigoler, ça fait germer en moi des idées révolutionnaires, ça me fait me chier dessus, puis tout redevient normal. Une expérience purificatrice

Veux-tu m'aider à les trouver, petit gros ? »

C'est, encore une fois, un sacré délire que de tomber sur un gentil nabot en pleine nuit dans ma forêt ! Hors de question que je le lâche. D'ailleurs, mes yeux le lâchent pas, et mon sourire continue à se propager dans ma gueule, à tel point qu'il commence à envahir mes oreilles, et que plus rien ne retient ma salive de s'écouler abondamment dans la nature.

« Ecoute, voilà ce qu'on va faire : je vais gambader dans la forêt, et toi tu vas me suivre sur tes petits pieds. Si je vois mes champis amusants, je m'arrête et je te fais goûter. A contrario, si toi tu vois un machin intéressant sur la route (autre que toi-même), tu t'arrêtes et tu me fais goûter. D'acc ? »

J'ai en tête un conte, un conte qui parle d'un petit nain hideux habité par des insectes croustillants, et de son pote qui est un très bel équidé à plumes. C'est un conte post-exotique qui s'affranchit des carcans de la littérature classique, car ces deux personnages ne correspondent pas aux canons traditionnels de beauté (sauf l'équidé, qui est excessivement beau). Bref, ces deux personnages deviennent bizarrement très proches, puis se lancent dans un génocide végétal dans la forêt, avant de commettre de nombreux rituels, loin de la civilisation, de la décence, de la pudeur et de ces niaiseries là. Le conte se termine sur la libération des coeurs, et sur la fin des Temps.

Ce conte n'existe en fait pas : car nous sommes en train de l'écrire ! C'est ça l'astuce.
Jeu 9 Nov - 16:07
« Eh ben merde alors !
- Quoi quoi quoi ! Raconte moi TOUT petit gros ! »

J’sais pas par où commencer, on s’est perdu de vue toi et moi, normal, j’suis parti sacrément loin et pendant sacrément longtemps après avoir bouffé l’écorce de cet arbre pourri. J’ai compté, et j’ai vécu trois vies, tout ça en l’espace de quelques mois qu’étaient en fait quelques minutes. En fait, j’peux pas vraiment t’expliquer, z’ont pas encore inventé une langue assez poussée pour qu’j’exprime mon voyage interstellaire. Mais si j’devais le résumer en quelques mots, j’dirai que j’ai bouffé l’espace-temps avant de le chier sous une forme nouvelle. Ouais, c’est ça. Tout ça en pas plus de cinq minutes. Mon nouveau copain comprend tout de suite, pas de doute, il a d’jà fait ce voyage !

« Tout est comme ça dans c’te forêt de malheur?
- De malheur?! Ne me dit pas que tu REGRETTES !
- Nan, j’veux recommencer. »

J’dois pas avoir récupéré tout mes sens encore, j’ai l’impression que son sourire dépasse son visage, j’en ai vu des délires bizarres dans ma vie mais alors ça, c’est une première.

« Tant mieux ! Ça, c’était qu’un aperçu. Ce que je recherche est beaucoup, BEAUCOUP mieux !
- Mieux comment?
- Trois milliard fois mieux environ. »

Trois milliards, ça fait quand même beaucoup alors j’vais pas chipoter et j’me relève, j’prend pas le temps de décrasser mon futal parce que j’imagine bien que j’vais retomber à nouveau à la prochaine merde qu’il me fait goûter. C’est qu’il racontait pas que d’la merde, il est pas juste taré, il sait d’quoi il parle ! Et ça le rend beaucoup plus intéressant la moyenne des cons que je croise d’habitude. Environ trois milliards de fois plus intéressant. D’ailleurs, ça m’fait pensé que j’ai des questions pour lui. Parce que j’ai pas oublié pourquoi j’suis là, à la base ! Mon petit trip me l’a rappelé en fait, durant mon voyage j’ai croisé quelques âmes en perdition avec qui j’ai tapé la discut’.

« Dis moi mon pote, tu viens souvent ici?
- C’est un peu un chez moi. Mais je suis un citoyen du monde, alors je suis partout chez moi.
- T’as d’jà croisé des morts? Et j’te parle pas de cadavre ambulant. J’te parle de la Mort, des murmures du Vide, des fragments d’âmes et toutes ces merdes.
- Bien sûr ! J’ai un carnet d’adresse très fourni.
- Ça m’fait plaisir d’entendre ça, la Mort vient plus trop m’voir en songe, et ça me manque. Pour ça qu’j’suis ici. Les locaux se chient dessus à l’idée de venir ici la nuit, j’me suis dit qu’y’avait bien une raison, même si j’commence à penser qu’t’es peut-être à l’origine des rumeurs, en fait.
- La clef, c’est d’avoir les bons ingrédients et la bonne recette ! Avec ça, tu rencontres qui tu veux. Dans tout l’univers.
- Et ça, que j’fais en pointant du doigt une merde qui pendouille d’un arbre, c’est un bon ingrédient tu penses ?
- Aucune idée ! C’est étrangement excitant. »

Ca r’ssemble à une vieille fleur fanée mais qui brille dans le noir. Rien qu’au regard j’peux dire que c’est un peu visqueux. Doit être rare, parce que y’en a qu’une seule dans l’périmètre.

« Y’a qu’un moyen d’savoir si c’est mortel, ou mortel.
- Alors allons-y ! »

Ce fou furieux hésite même pas une seconde, alors comme j’veux pas avoir l’air d’une poule mouillée, j’le suis. On choppe la fleur en même temps, comme deux putains d’amoureux, il m’fait voir comment il écrase ses ingrédients dans un bol rose fluo et puis, en s’regardant dans les yeux, on se sert en même temps, synchronisation parfaite, j’peux pas te dire c’qui va se passer, on va crever sûrement, tu vas peut-être plus m’entendre pendant un temps, j’sens la poudre m’envahir l’gosier, ça r’monte, et...
Sam 3 Fév - 16:56
- T'es ?
- J'ai pas bougé.
- Ça répond pas à ma question
, j'affirme au petit malin tout en évacuant de mon nez la morve gazeuse qui l'irritait de l'intérieur.

- Alors je comprends pas la question, il répond.

Sa silhouette se dissous dans l'herbe noire.

- Ah.

Les bruits autour de moi deviennent cotonneux et la pleine lune toujours plus radieuse. T'entres, toi et moi, dans une version esthétique d'un univers habituellement moche et con.

- T'as l'air à l'aise je lui dis.
- Dans les mines tu sniffes de sacrés gaz, et tu trouves de drôles de moisissures

Il esquisse une sorte de sourire qui se termine dans une quinte de toux. Dans ses dents luisantes se reflète la pleine lune. C'est la meilleure période, celle qui présente des pics d'activités brumeuses pour qui sait les reconnaître. L'intérieur de ma gorge se disloque je finis par tousser je tousse dans la paume de ma main puis je sniffe la glaire afin de ne perdre aucune miette de sa sagesse.

- L'univers n'existe que pour nous servir nous autres êtres conscients. Il a été érigé à notre gloire, il est notre petit spectacle de fin d'année scolaire.
Je ris de ceux qui croient en des Dieux, je leur crotte dessus parce que nous SOMMES tous des Dieux.

- Si j'étais vraiment un Dieu y aurait vachement moins de connards dans cet univers, je te le dis canasson

Il hurle de rire en frottant sa barbe contre un tronc d'arbre et je m'arrache moi-même la cage thoracique de rire, présentant mes pectoraux saillants au clair de lune. Mes muscles finement sculptés dégoulinent de lumière bleue.
Ce minuscule personnage a des couilles étonnamment larges vis à vis de ses proportions. Petit et laid ça n'a pas d'importance, je veux voir tes couilles, montre moi tes couilles.

- Montre moi tes couilles, j'annonce en amorçant de larges pas plus en avant dans les bois. L'araignée du gnome est sur mon épaule, elle se fait messagère de son maître. L'araignée déclame en son nom, d'une voix rauque et claire,

- Inutiles sont les couilles pour qui a les yeux ; les yeux qui voient les portes, les portes qui surgissent aux éveillés. Tout le monde sait ouvrir des portes, R, même certains clébards savent le faire.
Mais tu peux pas ouvrir des portes que tu ne vois pas, DÉBILOS


C'est un défi ?
Après seulement quelques pas je m'arrête net. Je me retourne, je le cherche quelques secondes du regard mais je me perds dans les galaxies lumineuses tournoyantes, baignées de lumière pourpre. Le nain est hors de mon champ de vision, hors de mon champ de réalité. Durant quelques secondes qui se déguisent en heures, mon âme chute dans un puits, rebondit au fond puis revient s'insérer dans ma caboche.
Mon âme sent la pisse. Non c'est pas mon âme. C'est cette étonnante forêt...

Sa pute d'araignée de merde m'a défié, j'ai envie de lui rouler un palot à cet insecte rigolo mais j'aurais peur de la croquer par accident.
Je glousse, hennis et ricane tout à la fois et je bégaye

- Un défi ! Elle me lance un défi, ton araignée. Elle parle des portes qu'on sait tous ouvrir mais SELON ELLE, MOI, je saurais PAS les voir. MOI.
MOI.
J'ai déjà ouvert des fenêtres sur des réalités-dépotoirs adjacentes à la nôtre.
Et elle prétend que je verrais pas les PORTES ?
...

Mes organes se fracturent puis se réassemblent en divers points à travers la forêt.
J'ai beau faire rouler mes globes oculaires tout partout je vois zéro porte.
Cette araignée-pute a raison, je suis pas foutu de voir les portes. Je fais montre d'une extrême faiblesse.

- ... Vois-tu des portes toi, petit farfadet ? J'annonce ma faiblesse.

Il déborde de magie et de lumière. Il les voit déjà, forcément. Le petit est un enfant précoce.
Dim 4 Fév - 7:28
Des portes des portes... Ben oui j’en ai vu, une seule en fait, une grande, une énorme, la plus grande porte que t’ai jamais vu, impossible de piger à quelle point elle était énorme, humainement pas possible, plus large qu’un continent, plus grande que les Trois Soeurs, et pourtant c’te porte tenait dans un minuscule trou creusé à même la roche, deux coup de pioches et je l’ai vu, entre-ouverte ! Dans mon ancien chez-moi. C’était une sacrée expérience moi j’peux te le dire. Le début d’ma liberté, on a commencé à me traiter de paria, rien à foutre, moi j’sais ce que j’ai vu. Sais-tu, mon pote équidé, que celle qui t’as lancé ce défi en est sortie, de cette porte? Coup de foudre direct, entre elle et moi, elle a vu mon potentiel, parce que j’pouvais la comprendre, tu vois. C’est une sorte d’écho de ce que j’ai vu, le seul souvenir vivant de cette putain de porte qui menait vers le Royaume du Vide, des Morts, appelle ça comme tu veux ! Elle en est sorti en courant sur ses petites pattes, d’abord géante, parce tout était distordu là-dedans, avant de devenir minuscule en arrivant à mon niveau, au trou qu’j’ai creusé.

« J’en vois pas là, mais j’peux les sentir j’crois. »

J’renifle un coup, ça sent la mort mais pas celle qu’on cherche, ça pue juste la pâte qu’on vient de bouffer, sûrement un genre de mécanisme d’autodéfense qui lui aura pas servi à grand chose. Mais dans le fond, entre deux odeurs de merde que m’rapporte la douce brise de la nuit, j’sens quelque chose ouais. Un courant d’air Putride, avec une majuscule attention, qui vient m’caresser la nuque, ça m’fait vibrer et dresser le poil de partout, partout j’te dis.

« Avec ton museau tu dois bien r’ssentir un truc aussi nan? Vas-y pour voir, si tu m’suis juste ça servira à rien ! »

Alors là, il se met à renifler comme pas possible, une inspiration de zinzin, il s’emplit les poumons comme un mioche en manque d’amour, je le vois gonfler, ses veines ressortent, il s’arrête pas il aspire toute la forêt et même plus, il devient géant sous mes yeux, j’dois m’accrocher à un arbre pour pas m’faire aspirer, il grandit grandit puis reprend sa taille anormale habituelle d’un coup, le vif dans l’œil.

« Gloups. J’ai avalé un peu de Vide ! »

Et alors là, il s’dirige dans la même direction que le courant d’air, il a le flair c’est sûr, j’aurai bien aimé le rencontrer plus tôt le bazar. Il s’met à galoper vers là-bas, tout sérieux, ça m’fait un choc il a plus l’air d’un illuminé mais d’un type en mission, tu vois? Rien peut plus l’arrêter, ni moi ni l’arbre qu’il vient de dégommer d’un coup de pec saillant.

Et enfin, on y arrive. C’est prodigieux. J’le savais que cette forêt d’mort avait plus d’un secret, j’le sens, ça m’renvoie des années en arrière, des milliers d’années, quand j’minais encore, quand j’ai frappé la roche et que j’ai découvert ma voie, le même souffle, la même odeur, la même impression;

Alors oui, y’a que dalle. C’est sûrement ce que tu t’dis ! Pauvre ignare que t’es. Y’a que dalle mais y’a tout ! Si tu t’étais concentré deux secondes, t’aura remarqué que le vent coupe net à cet endroit, il passe pas, les branches s’arrêtent aussi nette dans leur croissance, ça forme une sorte de ligne de vide, même l’herbe s’est couchée sur le sol parce qu’elle ose pas lever la tête. Mon nouveau copain se stoppe, ma copine perchée sur son épaule trépigne d’impatience, ça fait un bail qu’elle a pas fait un saut à la maison, faut la comprendre ! J’me rapproche jusqu’à son niveau, j’sens qu’on est ENCORE entrain de partager un truc d’unique, parce qu’on est tout les deux happés parce ce qu’on voit, on voit pas vraiment mais on sent. Il fait un pas de côté vers moi, c’est beau ce moment putain, on se prend la main parce qu’on est vraiment trop potes, ses palmes me filent un frisson mais à ce stade tu vois j’m’en fiche.

« On y va en même temps? que j’propose.
- Sautons à trois !
- Un...
- Deux... »

Trois.
Dim 4 Fév - 18:35
- Ah ben rien a changé ? Je suis déçu mais en même temps j'sens qu'un truc m'échappe.

On est encore chez nous mais tu remarqueras la fluidité anormale de la matière ici-bas et je te le prouve d'office en ramassant une pelletée de terre et en te la carrant au travers du museau. Au lieu de s'étaler sur ta face hideuse elle en épouse l'aspect, s'infiltre dans tes narines et dans tes oreilles et dans ta bouche et te ressort par les trous d'yeux sous forme d'énergie pure.

- Effectivement.

T'entends mes pensées ?

- Mince. Ouais on dirait. Je lis tes pensées et ta mémoire. Ton cerveau est la grotte la plus drôle et riche que j'aie jamais visité, j'pourrais y passer des siècles à coller de grands coups de pioches dans tes neurones, à miner dans tes pensées.

T'y perds pas, on a déjà beaucoup à faire dans le vrai monde sans en plus jouer les touristes cérébraux. J'ai des salopes de monstres foutrement puants et cons tapis dans mes méandres. Si tu tombes sur l'un d'entre eux il va te retarder sur plusieurs éons et va pas mourir de vieillesse dans mon esprit, je te préviens y a déjà assez de cadavres en décomposition là-dedans sans en plus y ajouter celui d'un petit farfadet laid (mais d'une grande intelligence et d'un grand appétit, tu es d'or et déjà devenu mon meilleur ami)

- Je peux pas sortir ! Je peux pas sortir de ton putain de cerveau ! Merde ! Où est la... ?!

Bon, attends.
Ton araignée se présente à moi. Elle a décuplé de volume, émet une succession de sons stridents qui distordent localement l'espace-temps. Elle est ravie, bien sûr, que nous ayons traversé la Porte tout en conservant nos formes d'origine.
Les arbres, si tu les observes correctement, tu remarqueras leur anormalité. Ils sont des tentacules surgissant de la terre, qui fouettent délicatement cette atmosphère lourde et un brin trop rosée pour être honnête. Je me risque à exécuter quelques pas, c'est comme nager dans du sirop. Ce sirop d'air frotte mon torse nu, me chatouille les tétons, me fait glousser.  

Quelle. EXTASE. Ce petit monde sirupeux est une invitation à cesser de réfléchir, et à simplement ÊTRE. Se satisfaire d'EXISTER. Tu vois ce que je veux dire ? Ton araignée comprend, elle improvise sous mes yeux émerveillés quelques pas de danses, fait la toupie en continuant à couiner et en secouant davantage l'espace-temps.
Naturellement je me joins à elle.

- FAIS MOI SORTIR ! FAIS MOI SORTIR !

Ce qui effraie dans une transformation c'est la transition, le choc de la transition, l'instant précis entre l'avant et l'après, l'instant précis où le corps de Ryan s'est vu déchiqueté et broyé et catapulté dans les empires infernaux en deca de notre réalité. Quand ce fut terminé et que Ratamahatta était né y avait plus aucun blème mon pote bah non, transformation complète et entrée dans les vallées de l'extase ; mais pour passer la douane des vallées de l'extase tu dois avoir préalablement visité les empires infernaux c'est la loi.

- AAAAAAH ! C'EST QUOI ! C'EST QUOI CA ?!

Courage, c'est bientôt fini. Allez abuse pas, ma cervelle est quand même pas si labyrinthique que ça ? Ce n'est après tout qu'un vulgaire mille-feuille de fantasmes et de monstres. Indice : mon cerveau n'a que TROIS sorties, TROIS petits trous tout ronds, qui correspondent à mes TROIS auto-trépanations que j'avais réalisées dans un but artistique, plus jeune. Tu es rentré par l'un d'entre eux, fais demi-tour et emprunte le chemin inverse, non ?