Astrebrume

Donc, si elle comprenait bien, il avait... Deux voix ? Etrange, tout cela. Etait-ce une autre forme de magie qu'elle ne connaissait pas ? Cela n'était-il pas embêtant, à la longue, d'avoir toutes ses pensées audibles par n'importe qui ? Mais si un monstre n'avait pas d'émotions, il ne ressentait pas de gêne, n'est-ce pas ? Voilà qu'elle se faisait toute seule des noeuds au cerveau.

Et lorsqu'il lui démontra de façon indubitable que son feu ne lui ferait rien... Elle commença vraiment à se méfier. Mais d'abord... Elle éteignit sa main. Inutile de gâcher de l'énergie pour quelque chose qui n'aurait de toutes façons aucun effet.

Et elle dut bien reconnaître qu'il avait répondu de façon satisfaisante... Bien qu'elle se déteste pour cela, elle n'était pas du genre à mentir :

- Euh oui... Même si votre résistance m'encourage à me méfier, je ne vais pas vous le cacher. Vous devez bien avoir une faiblesse, non ? Et pourquoi est-ce qu'on m'a dit que ceux qui n'ont pas d'émotions sont des monstres ? Nous sommes seuls, mes armes sont inefficaces contre vous, si vous correspondiez bien à la description, je ne serais déjà plus là... Pourquoi ? Quel intérêt avez-vous à chercher ma confiance ? Vous n'en avez pas besoin !

Oh, donc la méfiance était quelque chose de positif ? Décidemment, on en apprenait tous les jours... Et s'il ne lui révélait pas ses faiblesses... Cela allait dans le même sens. En effet, s'il acceptait qu'elle se méfie de lui, il était logique qu'en retour, il se méfie d'elle. Enfin... Etait-il capable de se méfier ? Ou appelait-il cela autrement ? Rha, décidemment, elle avait du mal à comprendre de tels êtres. Mais avait-elle vraiment besoin de les comprendre ?

- L'absence d'émotion... Au contraire, pour moi, c'est très facile à définir : c'est simplement quand je ne perçois rien.

Néanmoins, il marquait un point à un autre sujet. Croiser les sources. Apparemment, c'était une bonne idée. Et, à présent qu'elle croisait plus de personnes que jamais, c'était peut-être dans ses cordes. Il faudrait donc qu'elle demande leur avis sur le sujet à toutes les personnes qu'elle rencontrerait par la suite.

- Je n'ai pas vraiment d'entourage, du moins, selon la définition qu'on vous a probablement apprise. Mais je vois ce que vous voulez dire. Merci pour cet enseignement.

Puis il mentionna quelque chose qui la fit reculer.

- Une... Arme ?

Elle ne l'avait pas vu sous cet angle. Mais, à présent qu'elle y pensait, elle ne pouvait le voir autrement que comme une évidence. Oui... Si elle utilisait exclusivement la magie pour se défendre, elle avait vue des humains utiliser des versions miniatures de ce dont cette créature semblait équipée. Mais il ne lui avait pas dit AVOIR des armes, mais ETRE une arme... Quelque part au fond d'elle, elle sentait que c'était différent.

- Mais pourtant, vous ne m'avez pas l'air d'être un vulgaire objet... D'accord, vous n'avez pas d'émotion, mais vous avez votre volonté propre, sans quoi, vous ne m'auriez pas suivie. Est-ce que...

Elle hésita. Puis finit par ne rien dire. En effet, elle ne connaissait pas grand-chose au concept d'esclavage, mais la situation qui semblait être celle de l'automate l'y faisait penser... Mais, la dernière fois qu'elle avait exprimé son désaccord à haute voix à Xandrie, elle l'avait payé. Alors, peut-être valait-il mieux simplement se taire ?

Puis il mentionna ne pas connaître ses limites. Peut-être que cultiver ce mystère pourrait lui servir. Peut-être que si elle ne lui disait pas qu'il avait tout vu, elle pourrait s'assurer de s'en sortir, s'il ne voulait pas prendre de risque ? Ou alors, aggraverait-elle son cas en se faisant éliminer "par précauton" ? Elle n'arrivait pas à se dcider. Pour elle, les deux situations avaient autant de chances de se produire l'une que l'autre. Dans ce cas... Elle choisit le silence. Mais ce dernier ne dura pas longtemps.

En effet, lui demander si elle avait des questions n'était pas une bonne idée. Bien sûr qu'elle en avait ! Elle en avait toujours, sur tous les sujets !

- Juste une. Sincèrement, est-ce que vous me voyez comme une menace ou une cible ?

Être directe, comme elle savait si bien le faire. C'était un bon moyen de savoir à quoi s'en tenir, non ? Et tant qu'elle n'aurait pas cette réponse, elle n'oserait pas marcher devant lui.

Encore une réponse parfaitement logique. D'accord, il était probablement incapable de faire autrement. Mais pour autant, était-il nécessaire de tout expliquer ?

- Le détail n'est pas nécessaire. Je vois. Mais vous êtes quand même capable de faire des choix, n'est-ce pas ? Et ces choix ne sont pas faits par quelqu'un d'autre, à moins qu'il y ait toujours autour de vous quelqu'un capable de vous programmer... Et je ne pense pas que c'était le cas, tout à l'heure. Dites ce que vous voulez, mais moi, je pense que vous avez quand même au moins une émotion : la curiosité, l'envie d'apprendre. C'est la même qui me dirige souvent, je sais la reconnaître, même sans mon pouvoir... Qui ne sert d'ailleurs à rien, ici. Je vous en remercie, d'ailleurs.

En effet, cela faisait longtemps qu'elle ne s'était pas retrouvée ainsi, en paix, sans émotion autre que les siennes pour la perturber.

Puis cette deuxième voix la fit sursauter de nouveau. Mais, rapidement, elle décida de remplir les trous qui s'y glissaient :

- Nom : Lunia. Affiliation... Est-ce que vous pourriez détailler ce que vous mettriez ici ? Pareil pour "niveau corporel". Je peux compléter vos informations, mais j'ai besoin de savoir exactement ce que vous attendez. Ah, et pour le feu... Mouais, c'est vrai, même moi, je ne sais pas à quel point je le maîtrise.

Tout en parlant, ils avaient cheminé. À présent, ils arrivaient en vue de la forêt où elle s'était perdue lors de la première fois qu'elle avait quitté Xandrie. néanmoins, cette fois, elle savait par où passer. En passant dans la clairière où elle s'était fait bombarder de noix, elle s'arrêta, observant les arbres, espérant presque retrouver cette petite créature. Mais il lui semblait que personne n'était présent... Néanmoins, elle voulait en avoir le coeur net. Oubliant complètement qu'elle était accompagnée, elle sauta dans un arbre et explora les environs dans les branches.

Elle en fit plusieurs fois le tour, avant de devoir se rendre à l'évidence : pas de créature mi-animale dans les environs. Et ce fut à ce moment qu'elle réalisa qu'elle avait abandonné son compagnon. Alors, pour ne pas admettre qu'elle était partie par simple curiosité, elle décida de ne le rejoindre que lorsqu'elle aurait trouvé un animal.

Après un nouveau tour dans les branches, elle finit par trouver ce qu'elle cherchait. Un écureuil se nourrissait non loin. Alors, en s'arrangeant pour ne pas le déranger tout en le gardant à l'oeil, elle alla récolter plusieurs fruits à coque. Au moment de les déplacer, elle resta immobile un instant, réfléchissant. Puis elle prit une décision : finalement, elle n'avait pas vendu son miel. Alors, elle se fit plaisir en vidant un pot, dans lequel elle plaça ses friandises spéciales écureuil. Puis elle en prit une en main, qu'elle présenta au petit animal. Lorsqu'il s'approcha, elle lui laissa le fruit, le prit dans ses bras et récupéra son bocal comme elle le put. Avec une telle quantité, il y avait des chances qu'il reste par gourmandise si l'automate ne l'effrayait pas trop. Puis elle revint enfin au sol.

- Pardon, voilà notre premier cobaye !

Elle le caressait doucement, faisant tout son possible pour qu'il reste aussi calme que possible. S'il voulait de l'affection, Halie était entièrement disposée à la lui donner. S'il voulait manger, il n'avait qu'à se servir dans le bocal, qu'elle déposa au sol près d'elle alors qu'elle s'asseyait au sol, son attention visiblement entièrement focalisée sur son petit compagnon. Impression démentie par ses paroles suivantes, adressées à l'automate :

- Approchez, mais doucement. Même avec quelqu'un qui ne leur fait pas peur, les animaux sauvages peuvent vite fuir si on ne prend pas assez de précaution.

Soudain, elle eut une idée. Plaçant sa main derrière la tête de l'écreuil, elle lui fit regarder dans la direction opposée au bocal, dans lequel elle piocha plusieurs fruits qu'elle lança à l'automate :

- Si vous lui proposez ça quand vous ne serez plus trop loin, ça devrait aider.

Puis elle relâcha la tête du rongeur, qui, de toutes façons, ne semblait pas dérangé, tout absorbé qu'il était dans sa dégustation.

Malgré les explications, Halie ne changea pas d'avis. Même environnée de termes techniques, la curiosité restait de la curiosité. Néanmoins, elle n'avait pas envie de débattre. Alors, elle se contenta de sourire et de hocher la tête, avant de passer à la suite. Affiliation, hein. Faction, groupe... Elle réfléchit pendant un moment.

- Hum... Je vis près d'Opale, mais je ne m'y sens pas vraiment chez moi. Si je devais choisir une ville, ce serait Xandrie. Mais je ne m'y sens pas chez moi non plus. J'imagine que vous pouvez supprimer cette case. Je suis une solitaire, qui n'apprécie aucune compagnie autant que celle des arbres et des animaux. Quant au physique, à voir. J'aime grimper dans les arbres et j'imagine être assez agile. Pour le reste... Je ne pense pas être spécialement résistante.

Lorsqu'elle revint avec l'écureuil, elle remarqua avec satisfaction que l'automate semblait avoir compris ses instructions et, sutout, n'avoir aucun problème pour les appliquer. Alors, elle se concentra sur sa propre tâche : caresser et nourrir l'animal pour le garder calme.

Néanmoins, elle perçut rapidement son dilemme. Avec un sourire attendri, elle passa à la suite, et, récupérant une nouvelle noix, la plaça à portée des pattes avant de son protégé, et l'éloigna au moment où il allait l'attraper. Semblant se prendre au jeu, l'animal suivit. Elle continua donc ce manège, doucement, s'approchant de l'automate. D'une voix douce ne variant pas du ton employé pour apaiser l'écureuil, ce fut à son compagnon humanoïde qu'elle s'adressa :

- Qu'est-ce que vous dites de cette idée : cette noix finirait son chemin dans votre main, donc c'est vous qui lui offririez la fin de ce supplice ?

En attendant la réponse, le duo forestier s'était encore rapproché. Le moment de la délivrance de l'écureuil approchait. Il ne restait plus qu'à savoir qui la lui offrirait.

Attendrie, Halie observait la scène en silence. Finalement, l'acclimatation se passait bien. Elle ne put retenir un rire lorsque l'écureuil, son repas terminé, décida que le moment était venu d'explorer ce nouveau terrain de jeu en courant à toute vitesse.

- Bon, eh bien, je crois qu'il vous apprécie ! Vous semblez promu son nouveau terrain de sport ! J'espère que vous aurez le temps de revenir régulièrement !

Elle se laissa encore un moment pour rire, avant de se calmer et, reprenant son sérieux, de continuer :

- Honnêtement, je pense que vous n'aurez pas trop de mal à vous faire accepter, si vous restez prudent... Et je pense que les animaux dangereux, comme les serpents ou les nagoras, n'auront aucun effet sur vous, donc vous restez en sécurité.

À quoi pourrait-elle bien lui servir, à présent ? Quelque chose lui disait qu'elle avait fait son devoir...