Light
Dark
Bas/Haut

Les volontés d'Eos

Les volontés d'Eos Brandw10
Jeu 2 Fév - 9:52
Les années passent et invariablement on se lasse ; on finit toujours par revenir au point de départ. Mais dis-donc, quel est ton point de départ à toi ? J'aimerais avoir ta réponse, peut-être que cela pourrait m'aider à trouver le mien. J'ai toujours imaginé que c'était Andoria, que je venais de là, car tous mes pairs y sont rassemblés et chaque visite, chaque retour amène son lot de surprises, comme des bulles de nostalgie remontant à la surface de l'océan.

« - Esmée, bon sang, qu'est-ce que tu fous ici ?!

- Ah. »

Des bulles auxquelles on ne veut pas toujours se confronter. On essaye du moins. J'ai tendance à me dire que c'est une forme de courage, non ? Moi qui confonds cette vertu avec la témérité la plupart du temps, me voilà à aller mettre le nez dans des ennuis que j'ai laissés derrière moi depuis longtemps. C'est pas ça, affronter ses démons ? Non, ça c'est quand je prends mes délicieuses pilules... D'ailleurs où sont-elles ? Merde, je les ai laissées à l'auberge. Ou l'hôtel, je ne sais plus, je n'ai pas trop regardé ; tout ce que je sais, c'est que l'aubergiste avait un air simplet. Même parmi les élémentaires, il existe des couteaux pas trop affûtés dans les tiroirs.

« - Je ne suis pas sûre de vouloir avoir cette conv-

- La dernière fois que l'on s'est vu, tu avais toute la ville aux fesses. Cela fait plusieurs siècles et maintenant tu te pointes ici comme une fleur, comme si on allait oublier ?

- Ouais, euh, écoute, j'ai eu pas mal de travail et puis j'ai fini par rendre le livre, tout est bien qui finit bien non ? »

Non, peut-être pas. Lui c'est Albert, mon colocataire de l'époque. On partageait les mêmes passions à l'époque : mettre notre nez dans ce qui nous regardait pas. À y songer, des souvenirs me reviennent, sortis de cette mémoire morcelée et inefficace. Ah, voilà, je l'avais planté, il n'avait pas eu le droit de lire les « écritures sacrées ». S'il savait. À part quelques vieilles inscriptions au sujet d'un vieux royaume, il n'y avait finalement pas tant que ça de sacré.

L'élémentaire de vent me barrait le chemin, de toute façon. Il. n'y avait pas âme qui vive aux environs et même si c'était le cas, les gens ici ne cherchent jamais à intervenir. Les altercations sont rares parmi les élémentaires, qui ne voient pas l'intérêt de la violence généralement. Sauf certains mais ceux-là ne vivent pas en communauté. Tout est tellement stérilisé ici, à Andoria.

Mais j'étais aussi fichée. Qu'étais-je venue faire ici déjà ? Ah oui, je voulais justement me rendre sur les lieux du crime, mais cette fois-ci sans intention d'enfreindre les règles. Enfin ça, c'était avant de tomber sur Albert.

« - Ne croie pas que je t'ai oublié, tu m'avais promis de ramener le livre. Je t'avais payée pour ça et à la place, qu'est-ce que tu as fait avec mes économies... ?

- Un bon investissement ? Je peux te rendre au centuple ce que tu m'avais gentiment prêté ! Pas besoin d'en venir aux mains.

- C'est pas l'envie qui me démange... mais je ne tiens pas à avoir davantage d'emmerdes avec le doyen. Par contre, tu m'en dois une et je t'avoue que je compte bien saisir toutes les opportunités pour ne pas vivre mes derniers jours ici. »

Ses derniers jours ? Déjà ? C'était bien vrai qu'il avait quelques années d'avance sur moi... quelques siècles en vérité. Le bon Albert semblait exténué à mieux y regarder ; il avait quelques cheveux gris et des traits plus marqués. Lorsque les signes de la vieillesse physique surviennent chez les Élémentaires, il est généralement déjà trop tard. Quelques jours à tout casser avant que son apparence ne s'effiloche et qu'il ne retourne à la Brume. J'avais déjà vu ça une fois, c'était pas joli...

« - Qu'est-ce que tu attends de moi, Albert ?

- Tu as un aéronef non ?

- Et donc ? Tu es fait d'air, tu peux voler !

- Peut-être, mais pas sur de longues distances. Et je ne compte pas utiliser mes dernières forces ainsi. Il y a un endroit où je veux aller... »

Et mon petit doigt me disait que cet endroit ne se trouvait pas en ville, évidemment. Je pouvais profiter de sa faiblesse pour lui faire faux bond, mais je n'avais pas envie de fuir. Je l'ai déjà trop fait durant toute ma vie et aujourd'hui est un nouveau moi, une nouvelle période où j'assume mes actes. Ou presque. Enfin, je le voyais déjà venir ; ses vieux objectifs n'avaient pas changé et je le suspectais d'avoir fini, d'une façon ou d'une autre, par mettre la main sur l'objet de ses convoitises.

« - Je crois comprendre. Pourquoi le Royaume Oublié t'intéresse-t-il autant ? Ce ne sont que de vieilles ruines...

- De vieilles ruines ? C'est notre passé, c'est notre origine ! N'as-tu donc jamais cherché à savoir d'où tu viens ?

- Ah ! Bon point. J'imagine que je n'ai pas trop le choix donc, puis tu as de la chance que je sois venue en ballon, héhé. Mais les Terres Brûlées sont vastes, où veux-tu aller précisément ? » demandai-je, le sourcil levé, circonspecte.

Albert me sourit, dévoilant sa dentition parfaite. S'il n'avait pas adopté cette apparence à un stade de sa vie où il était encore un petit souffle d'air inconscient, on aurait pu le suspecter d'avoir choisi un larron avec une bonne poire. Évidemment, les considérations sur la beauté et l'attirance physique sont généralement étrangères aux Élémentaires et je n'avais des notions là-dedans qu'à cause de ma proximité constante avec les Humains, que j'observais parfois évoluer dans leur environnement naturel pour assouvir ma soif constante de curiosité. Toujours est-il que cette mimique ne répondait pas à ma question, mais appuyait sur les bons boutons. Je ne savais pas dans quoi je m'engageais, mais ça promettait d'être intéressant. Après un silence qui sembla durer dix minutes, mon vieil ami répondit :

« - La vérité ne s'est jamais trouvée dans les ruines du Royaume Oublié. Du moins, pas celles que l'on connaît. On tend à oublier qu'à une époque, Sancta n'occupait pas un territoire aussi vaste et que certaines régions les plus septentrionales faisaient aussi partie du Royaume.

- Aspharos ? Attends, tu veux vraiment que l'on mette les pieds là-bas ? » demandai-je gravement, sans nécessairement m'attendre à une réponse face à cette simple rhétorique. Elle me laissa suffisamment de temps de réflexion pour songer à mes dernières promenades dans les parages ; il n'y avait globalement pas grand chose à voir. De vieilles ruines, évidemment, mais je ne m'étais jamais posé la question de ce qu'elles pouvaient dissimuler. Ce qui est d'ailleurs inhabituel. « Intéressant... Ne perdons pas trop de temps dans ce cas, la soif de l'aventure me brûle déjà les ailes. »

Et dans mon cas, c'est généralement une bonne chose.


Dernière édition par Esmée le Ven 21 Juil - 17:53, édité 1 fois
Jeu 9 Fév - 5:09
Notre passé prend toujours une forme propre à nos tourments, s'adapte à l'état d'usure de la couverture de notre vie, se fond dans notre ombre et devient une bête vicieuse dont la gueule béante est constamment ouverte, ses crocs prêts à s'abattre d'un moment à l'autre sur l'instant présent. Certains ont l'audace et le courage de s'armer puis, de se retourner pour affronter ce qu'ils ont laissés derrière eux. D'autres, lâches et profiteuses créatures, vivent dans un déni constant, ignorant qu'au premier instant de faiblesse, le passé les rattrapera impitoyablement. J'appartiens à la troisième catégorie, celle que j'ai façonnée rien que pour mon humble existence. J'ai laissé le passé aux morts et le présent aux vivants. Je suis une entité qui ne regarde que l'avenir. Seul le futur m'intéresse. Il y a longtemps, j'ai renoncé à être quelqu'un...

La tension n'était pas celle que je préfère. Dans cette petite auberge aux murs trop blancs pour être du bois, trop étroit pour un être libre comme le vent, j'avais détourné le regard parce que les quatre armes pointées sur moi étaient des plus désagréables... Voyons, ce n'est pas ainsi qu'on traite une jeune demoiselle...

- "Tu nous as trompés !!!" Hurla le plus laid d'entre eux. - "Sale garce... Tes prédictions étaient fausses !" Et d'autres accusations que je n'avais pas envie d'entendre.

- "Hola, hola, hola ! Ne nous énervons pas pour si peu !" Tentai-je afin de détendre toute cette mauvaise énergie.

- "Trois de nos compagnons sont morts ! Nous nous sommes ruinés pour cette putain d'expédition de merde et rien, nous n'avons rien obtenu ! Tu nous a bernés !" Cracha l'une des fripouilles.

J'avais levé un index accusateur et après quelques claquements de langue agaçants, prenant un air que je voulais - en vain - sévère, j'avais corrigé cette méprise de façon, à ce que même des êtres aussi inférieurs puissent me comprendre. Les canons des armes s'étaient faits plus enquiquinants encore.

- "Mes prédictions étaient justes ! Vous vous êtes arrêté de les écouter à la moitié, oubliant négligemment la mise en garde..." J'avais alors entendu quelques menaces de mort vraiment glauques et repoussantes alors, j'avais ajouté avec un doux sourire réconfortant. - "J'avoue... Qu'il est difficile de trouver une rime riche à brume, mais je maintiens qu'écume n'était pas un mauvais choix !"

La suite s'était faite dans une confusion parfaite, mélangeant des bruits de fracas, des coups de feu, des grognements gras de douleur et quelques offenses verbales qui n'avaient rien de très fleuri. Alors que la foule s'amassait rapidement devant l'auberge, la curiosité à son comble, ma silhouette blanche, sagement dissimulée sous un long manteau à capuche, en était sorti à toute vitesse avant que subitement, ma course ne se freine dans un effroi presque palpable.

- "Requiem du Paradis !" M'écriais-je.

J'avais oublié mon seul bien et paradoxalement, ce qu'il y avait de plus précieux au monde, dans ma chambre d'hôtel... En flèche, j'étais retournée à l'intérieur, ignorant le combat qui continuait même sans ma douce présence, allant de malentendu en malentendu. En hâte, j'avais grimpé l'escalier pour ensuite filer dans une petite pièce précise où m'attendait... L'homme humain à qui j'avais écrasé les bijoux de famille à l'aide de mon talon quelques minutes plus tôt... Son arme s'était cruellement braquée sur moi dans une menace silencieuse puis, un bruit inattendu, parfaitement impuissant, avait résonné alors qu'il venait d'appuyer sur la cachette. Ce modèle d'arme ne peut comporter que six balles, et six inutiles coups de feu avaient été perdus.

- "Comme je l'avais prédit !" M'amusais-je en lui adressant un clin d'œil. J'avais chopé mon précieux bâton avant de choisir comme chemin de fuite la fenêtre ouverte, filant sur les toits voisins. Deux autres hommes, peu malins, m'avait suivi, leurs coups de feu dépassant ma course à quelques bons mètres de moi. Instables et glissants, les toits n'étaient guère adaptés aux humains... Ces derniers m'auraient probablement touché mortellement si la patience avait été leur fort. Dommage pour eux ! Le premier vaurien, mon préféré pour le coup, avait rapidement abandonné en poussant quelques grognements plus proches de l'animal que du citadin. Quant au second...

- "Vous devriez renoncer, vous allez vous briser une jambe !" Criais-je en me retournant légèrement avant, une main à côté de mes lèvres en guise de porte-voix. J'avais effectué deux bonds, sautant vers un toit moins élevé puis vers le sol. L'atterrissage s'était déroulé sans accroche pour moi, mais un hurlement de douleur ainsi qu'un atroce son que j'avais à peine perçue m'avaient fait comprendre, sans que je n'ai besoin de me retourner, que l'humain derrière moi ignorait tout de l'art d'un atterrissage réussi... -"Comme je l'avais prédit !" Lançais-je en guise d'adieux.

Je courrais dans les rues sans avoir de destination. Je ne pouvais m'envoler ici, à la vue de n'importe qui... Ce serait trop flagrant et encouragerait plus d'un à me poursuivre d'une façon ou d'une autre. Mes ailes étaient et devaient être un ultime recours. Créature des cieux, je voulais néanmoins instinctivement m'enfuir par les cieux, d'une façon ou d'une autre... Mes poursuivants me rattrapaient. Au nombre de trois, ils étaient les plus dangereux, ceux qui ne gaspillaient pas leurs efforts et leurs munitions, focalisant toute leur rage bouillante sur ce qu'ils me feront une fois qu'ils m'auront attrapés...

Il y avait au loin, face à ma course, deux individus. Ils semblaient discuter. Ils n'avaient rien demandé. Leur conversation ne devait pas être plus intéressante que ma mort imminente alors, je m'étais placé entre eux, ma course s'immobilisant dans une valse que ma longue cape avait eu du mal à suivre dans sa grâce. - "Vous avez un problème plus important..." Ma voix de velours s'était invitée sans permission. Mon capuchon, légèrement penché vers l'arrière et se balançant encore suite à mon arrêt soudain, laissait entrevoir ma peau douce et blanche mais surtout, mon regard aux joyaux impénétrables. Il n'y avait aucune émotion, aucune nuance de détresse, aucune demande de faveur, seulement des miroir vides aux couleurs volées à un printemps féérique.

- "Là ! Tuez-les !" Hurla l'un des trois hommes à mes trousses. - "Les... ?!" Couinais-je, surprise de ne pas l'avoir vu venir. C'était effectivement désormais leur problème à eux aussi.
Jeu 9 Fév - 13:53


« Foutu boulot. Ras-la-casquette d’obéir aux ordres d’un vieillard sénile, pas foutu d’expliquer à son petit-fils dans quelles circonstances son père est décédé.
- Tu as besoin de repos, fils.
- Du repos ? Je dors suffisamment.
- Alors cesse de te plaindre. », rétorqua sèchement le chef de la guilde des assassins, beau-père d’Azur.

Le blondinet s’arrêta et baissa ses lunettes pour observer le monsieur d’un œil plus éclairé. Ah oui, il n’est pas content, pensa-t-il.

« Tu as pris la décision de quitter la guilde pour servir ton grand-père. C’est tout à ton honneur, mais ne viens pas te plaindre à la personne qui a perdu un élément important au profit d’un vieillard sénile.
- Tu as besoin de repos, mon vieux.
- Tu as de la chance d’être le fils de ta mère. Je t’aurais mis sous terre il y a bien longtemps.
- Peuh ! Que du blabla. Comme les politicards de Xandrie. Ça parle, ça parle, puis quand il faut agir, plus personne. C’est à cet instant qu’on appelle le batard du prince mort. »

Les deux marchèrent, encapuchonnés sous une cape noire. Leur direction n’était pas un grand secret : Epistopoli. Le chef de la guilde avait à faire sur les lieux et le jeune assassin l’accompagnait, le temps du voyage, pour assurer sa protection, râler sur les aléas de la vie et prendre l’air. Leurs chemins se séparèrent peu avant l’entrée dans la capitale.

« Fils.
- Qu’est-ce qu’il y a, le vieux ?
- Pas de grabuge. Je peux compter sur toi ?
- Bordel. Je suis l’homme-lige du roi de Xandrie. J’ai l’avenir du royaume entre mes mains. Que veux-tu que je fasse ? Toutes mes actions peuvent avoir des conséquences sur le royaume. »

L’homme du quarantaine d’années acquiesça et reprit sa route. Le blondinet emprunta la direction d’Andoria, merveilleuse cité à l'architecture indémodable où il espérait pouvoir s’abreuver paisiblement. Et incognito. Il entra dans le cœur de la cité et trouva rapidement une auberge aux allures plus chaleureuses et accueillantes. Bien plus propre que les auberges des bas-fonds de Xandrie. Sauf peut-être le Vieux Bernil, qui rivalise pas mal avec d’autres établissements.

« Que veux-tu, jeune homme ?
- Donnez-moi quelque chose qui m’emporte loin d’ici.
- Ah… Tu n’comptes pas faire dans la délicatesse.
- Non. Ce soir, il n’y aura ni finesse ni élégance. Je veux boire quelque chose de rouge, de noir ou de transparent. Un liquide qui repousserait les moins vaillant à l’odeur. Je veux boire quelque chose qui, dès la première gorgée, brûlera mon âme et m’emportera dès la deuxième. Vous pouvez faire ça pour moi, brave monsieur ? »

L’aubergiste le regard d’un air désespéré, probablement lassé de voir des alcooliques lui demander la même chose. Comme si l’alcool pouvait réellement changer la vie d’un homme.

« Je vais voir c’que j’peux faire, gamin. »

Azur patienta calmement, observant le vieil homme chercher un de ses breuvages dans sa réserve. Parallèlement, des bruits attirèrent son attention. Il semblerait que des hommes s’en prenaient à une femme. Bon dieu, ils ne vont quand même pas s’en prendre à elle, se demanda l’assassin en observant la scène. Le vieil homme revint avec une bouteille poussiéreuse. Azur sourit. Il savait que cet aubergiste ne se moquait pas de lui. Derrière lui, le ton monta. Puis sans vraiment comprendre comment ni pourquoi, la situation dégénéra.

« Gamin, tu f’rais mieux de partir. Je te resservirai le même plus tard.
- Vous rigolez, j’espère ? Je n’apprécie guère le gaspillage. Je boirai chaque goutte présente dans ce récipient. »

Après tout, les types n’en avaient pas après lui. Et d’ailleurs, la cause de ce problème s’était tirée, mais le capharnaüm continua. Curieux, l’assassin but son verre cul-sec et le reposa lourdement sur la table en lâchant un long râlement.

« La vache ! Ca arrache votre truc ! Je reviendrai. », fit-il joyeusement, requinqué.

Il lâcha une piécette sur le comptoir et emprunta les escaliers menant à l’étage. Un courant d’air passa, une fenêtre était ouverte et supposa que la demoiselle avait pris la fuite par ici. Il repéra quelques traces de pas, trop grands, trop lourds pour être ceux de sa cible, supposant qu’elle était poursuivie. Des impacts de balle sur les murs. Devait-il poursuivre sa route ? Evidemment. Quelle question ! il tomba rapidement sur un homme, gémissant douloureusement, probablement tombé du toit. D’un bond bien assuré, léger et félin, Azur se réceptionna à côté de ce dernier. Pensant recevoir de l’aide, l’individu déchanta en voyant son « sauveur » dégainer une dague.

« Où est-elle ?
- Qui ça ?
- Ne joue pas aux cons avec moi, je gagne souvent.
- Encore une centaine de mètres au nord et tu devrais la rattraper. Par pitié, aide-moi !

Le blondinet observa rapidement la jambe de l’abruti. Ce n’était pas beau à voir. Il fallait lui remettre la jambe dans l’axe rapidement, sans quoi on devrait l’amputer.

« C’est quoi ça ? », fit-il en pointant du doigt quelque chose derrière le blessé.

Au moment où il se retourna, Azur effectua un mouvement sec, un gros craquement suivit et un hurlement. L’homme tomba dans les vapes. Avec de la chance, il récupérera bien. Reprenant sa course, il approcha d’un léger regroupement d’individus. Il les avait tous en visuel. Se rendant invisible, il approcha à pas de loup, neutralisa un par un les poursuivants qui tombèrent comme des mouches. Des coups précis qui les rendirent inconscients. Quand il redevint visible, il était adossé à un mur, légèrement écarté de la conteuse d’histoire pour ne pas l’effrayer.

« Tu me remercieras plus tard. », dit-il en guise d’introduction.  « Si je comprends bien, tu es une diseuse d’histoire, qui parlotte sur l’avenir des gens, hein ? Es-tu capable de voir le passé d’une personne ? Des choses qu’il ignore sur ses origines, par exemples ? Je ne te ferai aucun mal. Ou alors, tu seras morte avant de t’en rendre compte, ce qui est à peu près la même chose. », fit-il en esquissant un sourire.

Son arrogance était insupportable. Il plaignait intérieurement les deux types qui n'avaient rien demandé.

Jeu 9 Mar - 5:13
Le puits m'engloutit, je chute en lui durant deux milliards six cent vingt deux millions trois cent dix mille cinq cent trois ans et des poussières.
Durant cette modeste éternité, t'entends bien que j'avais tout le temps de penser
J'ai fabriqué le Temps, l'Espace sous mon crâne, d'eux alors a germé la Gravité
J'ai fabriqué des galaxies, des univers sous mon crâne, j'ai regardé tournoyer les civilisations se faisant et se défaisant
Ces univers lestés à mon esprit, sombrant avec moi au fond du puits, jamais ils ne les trouveront

Aspharos


Je me suis arraché délicatement du monde des rêves... encore tout frétillant, ce matin. Des restes de rêves collés partout dans l'âme. J'ai dormi comme un mort, éveillé dans un bain de vomi et d'herbes rances, au milieu d'un bosquet qui faisait "cui cui" et "croa croa".

Un morceau de cerveau manquant ; c'est ce qui se passe quand la fête se prolonge sur des décennies, on finit par égarer ses souvenirs et se retrouver avec ceux d'un autre. Je ne suis pas tout à fait nu, j'arbore un fabuleux pantalon cuir de veau tanné et rosé avec soin par un très cher camarade couturier sorcier, ce bel ouvrage moulant qui transforme mon cul en un beau beignet qu'on a envie de croquer, en famille ou entre amis.

A part ce super pantalon, je m'aperçois que j'ai également enfilé de grands mocassins adaptés à mes serres (ceux-ci sont tâchés de sang et le sang s'est incrusté dans le cuir et c'est impossible à récurer). J'offre donc un look vintage de bon goût, bien que tu conviendras que l'ensemble manque de paillettes et d'accessoires ; comme d'habitude je suis torse nu, l'air poussiéreux des montagnes chatouille agréablement mes pectoraux !

Aspharos. J'ai entendu ce nom, durant une fiesta, prononcé par un vieux gobelin jaune, un vieux gobelin jaune fluo qui luisait dans les ténèbres, et ce nom est revenu encore, Aspharos habite mes rêves depuis des semaines, il est devenu une mélodie entêtante. Il faut que j'écoute la mélodie ? Il faut que je la suive. Voyons où ça nous mène...

Ce refrain en tête, Aspharos, j'ai embarqué dans mon paquetage : mon charmant pantalon, mes mocassins ensanglantés, un slip de rechange, ma bonne humeur, et des dizaines de substances de voyage pour chatouiller le cerveau. Tu la sens ? L'aventure ? L'errance en solo, loin de la chaleur de mes amis et de mes oeuvres vivantes.

Cette expédition à travers les terres brulées, je l'ai menée seul. Y a rien d'égoïste à partir à l'aise dans la pampa, loin de la jungle epistopoilitaine ? Y a rien d'égoïste à se mettre au vert ? Mon estomac brûle tant il est vide, des hallucinations s'invitent dans mes yeux secs. Ce beau corps aux proportions savamment calculé se meurt de malnutrition : ce n'est pas un problème car je l'ai construit, je construis du solide. Je tiendrai. Avant de penser à ces besoins physiques, je dois écouter la mélodie, écouter Aspharos, et découvrir sur quel pied elle va me faire danser.

Mes premières investigations m'ont invité à Andoria :  je suis carrément pas censé être là, et les regards se tournent vers moi lorsque je dévale dans les ruelles, lorsque j'improvise mes danses au gré de mon juke-box mental... La sagesse aurait voulu que je me fasse discret ici, mais la fête demande qu'on la nourrisse ! Alors je dandine des hanches et de la fesse au milieu des coincés, je profane leur torpeur ! Vous vivez trop vieux les mecs... ça vous coince... Injectez vous un petit peu de mort dans les artères... moi c'est penser à ma mort imminente qui me remue le popotin... Ah ! j'adorerais organiser un suicide collectif récréatif entre potes ! MAZETTE ! Quand est-ce qu'on crève, quand est-ce qu'on rigole ? On s'emmerde, les copains...

En suivant les graines semées par mes rêves, j'ai donc découvert Andoria ! Et sur quoi que je suis tombé ? Un petit gars abîmé étalé dans des gravats, à la jambe déglinguée, sa jambe est une sorte de nuage rouge suintant, qui pleut, qui pleut averse. Lui n'est pas comme les autres locaux, lui est un mortel, qui souffre et meurt, comme moi. Le malheureux ! Je m'accroupis devant lui, passe la main dans ses cheveux.

« Tu t'es cassé la patte
Tu as glissé sur une peau de banane ?
As-tu besoin d'un bisou magique ? »

Tu me mires de tes grands yeux mi-effrayés mi-fascinés, miam miam j'adore l'effet que je te fais. Tu te crispes, tu gémis et j'entends les dents grincer sous tes lèvres. Tu vas pas bien ah non alors pas du tout, une jambe en bonne santé ça ne se plie pas dans ce sens, normalement ! Sauf quand R lui donne un coup de baguette magique évidemment.

« Vous êtes... Je suis mort ? Vous êtes... un... dieu... ? » Il bafouille.

Et maintenant c'est moi qui me plie ! Moi un Dieu ?! Je serais dieu de quoi ? De la fête, des muscles et de la beauté ? Allez, pourquoi pas ? Mon rire arrache des perles de sang de mes gencives, mes tripes s'enflamment, je me tord en cinq en hurlant de douleur, ce gars est un délicieux comique (son apparence est aussi délicieuse). Quelle poilade ça a été !

« Non ! Je suis un stagiaire de Dieu. Vois-tu je prépare son café. A l'aurore, j'étale sur tout mon corps un café brumeux, poisseux et au fumet rappelant l'odeur du Temps lui-même (une odeur proche de la lavande)
- ... Vous allez me faire quoi ? Et puis vous êtes quoi putain ?!
- Je m'appelle Ratamahatta mais mes confrères et amis, dont tu fais maintenant partie, me surnomment sobrement R. Je suis un sculpteur de vie, et je peins sur les esprits, en gros. Actuellement je cherche le dénommé Aspharos, et je suis sûr que si j'ouvre ce beau cerveau bien charnu, j'y découvrirai plein de réponses
- Euh ! Aspharos ? C-C'est p-pas un type. C'est un lieu !
- C'est les deux, je l'ai vu en rêve.
- Q-Quoi ? Mais qu'est-ce que vous voulez que je réponde à ça ?
- Réponds que tu as été vilain.
- J'ai été vilain !
- Tu t'es fait ce bobo tout seul ? »

Je me penche au-dessus de sa fracture, toute cette confiture rouge moi ça me donne envie de toasts à la viande bien cuits, pas toi ?

« Non... Une fille, dans la taverne. Une sorte de. Diseuse de bonne aventure, elle.. elle est partie par là...
- C'est complètement dingue ! Je suis verni non ? Je cherche une info, je tombe sur un devin. Cette histoire est une pièce de théâtre dont je suis le scaramouche »

Il voudrait gueuler "vous allez me laisser me vider ici ?!" mais le pauvre homme est intimidé (comment ne pas l'être face à une image de la perfection ?). Il me regarde m'éloigner, choqué et triste, tandis que de la confiture de framboise s'étale sur sa guibole. Je te laisse là, peut-être je reviendrai plus tard ? Peut-être pas. Ou peut-être ? Est-ce qu'on se reverra ? Une si touchante rencontre, ce serait plus cinégénique si elle était sans lendemain, non ?

Elle est partie par là c'est ça ? En direction de cette auberge ? C'est un petit peu de mauvais goût, ça, une auberge, non ? Un peu vulgaire et crasseux ? Tu crois qu'on me laissera distiller quelques substances de voyage dans les bières ? Non, non, chaque chose en son temps. Je DOIS en savoir plus sur ce concept, sur cet Aspharos. En deux grandes foulées de ballerine, j'avale une cinquantaine de mètres et découvre un attroupement de braves gens du peuple, dont je peux subtilement attirer l'attention en hur-lant

« ASPHAROOOS ! Qui sait donc ce qu'est Aspharos ici ?

J'ai rencontré un mignon petit chien dehors qui avait la patte cassée. Il m'a dit : ici, il y a une "diseuse de bonne aventure", elle va te raconter tout, tout ce dont tu as besoin sur Aspharos. Ben alors, qui c'est l'oracle ? Toi ? »

Oh bah non je suis bête, ça peut pas être elle : elle, c'est Esmée, une starlette d'Epistopoli qui vole dans les airs en faisant piou piou. Elle me regarde comme si j'avais cuisiné un carpaccio d'enfants et que je l'invitais à venir le déguster sur une musique lounge. Je me demande ce qu'elle branle là ? Elle a pas mieux à faire que d'aller picoler dans une auberge à l'autre bout d'Uhr, c'est à ça que servent les impôts des honnêtes gens ? Elle veut pas plutôt me suivre de l'autre côté du miroir et venir se rencontrer ? Peut-être qu'elle voudra me tuer ? Oh ça tuerait l'amour ça !

Et qui sont tout ces gens qui dorment par terre ? Dis donc, voilà que mon aventure prend déjà un tournant plus coquinou que prévu ?

« Vous rigolez bien ? »
Dim 2 Avr - 6:29
Il y avait rarement autant d'activité à Andoria. Je pouvais en attester pour plusieurs siècles d'emprisonnement dans cette ville maudite où jamais rien ne se passe. Mais c'était aujourd'hui, avec mon cher Albert à l'article de la mort, que tout le monde avait décidé de venir nous voler dans les plumes. À commencer par une emplumée, justement, qui avait cru pouvoir se servir de nous comme boucliers humains. Quelle surprise cela aurait été pour elle si ses poursuivants avaient essayé de nous tirer dessus. Probablement pas une bonne, d'ailleurs.

La folie ambiante me donne la nausée. Comble de chance, je retrouve finalement mon tube de cachetons au myste et j'en gobe un tout cru. Mon sang bouillonne, ma vision se précise, je crois pratiquement avoir des pouvoirs surhumains, mais non : c'est juste un effet secondaire, le temps que mon cerveau recommence à débloquer. Ah, tu es de retour toi ! Il n'y a que dans la folie que l'on prend des décisions rationnelles, note le bien.

Enfin, je ne sais quelle sorte d'entourloupe est en train de se dérouler sous nos yeux, copain. Albert est tout aussi spectateur que moi, je lui donne un coup de coude quand je vois un gonze débarquer et dessouder ceux qui en avaient après la garce. Je me retourne et plonge d'ailleurs mes grands yeux dans les siens. Grands, je les fais grands, car des fois ils sont trop petits et ces humanoïdes peinent à comprendre mes intentions.

« - Eh bien, il semblerait que votre problème soit réglé. En revanche, vous m'êtes redevable à présent. »

Je brode, je brode, un coup d’œil vers l'assassin. Il ne m'a pas l'air bien malin et s'il se rebiffe, je pourrais toujours le passer au fil de mon... lance-flamme. Je sais, ça marche moyen, c'est comme ça. Est-ce que je me plains moi ? Non ? Je pointe le gugusse du pouce, profitant qu'il soit toujours à distance.

« - À cause de vous, mon homme de main a dû faire couler du sang dans la ville immaculée. Vous savez ce que cela veut dire ? On va être persona non grata. Et sachez qu'il m'en coûte, réellement, car j'adore cette ville. N'est-ce pas Albert ?

- Euh... mais... oui. »

Le voyant dubitatif, j'avais chauffé un peu l'atmosphère pour lui faire passer le message. Joue le jeu, on va peut-être avoir des porteurs pour nous assister dans ta sainte mission. Tu veux porter mes bagages ? Moi-même, je ne veux pas porter mes bagages donc il faut bien que quelqu'un d'autre s'y colle. Déjà, je fournis le transport, faut pas trop m'en demander. Je suis un humble Élémentaire à deux siècles de la retraite et même si t'es en train de crever, ça te donne pas le droit de te croire supérieur à moi.

« - Alors ce qu'on va faire, c'est qu'on va déguerpir d'ici avant que... Qu'est-ce que c'est que ça. Oh. »

Je le reconnais. Je ne le reconnais que trop tard. Et lui aussi m'a reconnu ; je le devine faire une petite galipette pour me saluer. Ratahamatta, notre petit phénomène national, encore plus timbré que moi. L'homme à la tête de cheval et à la queue de paon, peut-être le seul humain capable de transgresser la mort et le bon goût. Le potentiel d'un Sapiarque mais ses expériences disent le contraire. Le voilà qui débarque et nous alpague en nous sortant ses élucubrations. Il gueule Aspharos, je me dis qu'il y a peut-être un coup à jouer.

« - Aspharos, justement on comptait s'y rendre. Hein Albert ? Je dois juste affréter mon véhicule avant que l'on se fasse jeter de la ville pour double assassinat. Pour cette raison... ne m'attendez pas ici, suivez moi plutôt, » dis-je après un brin de réflexion. Mais vraiment juste un peu.

Il ne faut pas forcer le destin. Lorsque celui-ci te met une palanquée d'aventuriers en herbe entre les doigts, il faut s'en saisir. Il faut leur dire : « viens avec moi, naviguons vers le soleil couchant et pillons les cargaisons des aéronefs d'Opale sur les terres de Xandrie, comme ça on met ça sur le dos de la Révolution », ce genre de choses. Je suis une pirate, je vole les gens, on pourrait même dire que je n'ai pas de race.

Je me rapproche d'ailleurs du meurtrier, prenant la tête du groupe d’abasourdis. Sauf Ratahamatta qui a l'air bien content de pouvoir se payer un petit trajet en zeppelin, je le devine. Je sens son regard de zèbre tout sourire couler dans mon dos. Quid de la demoiselle en détresse ? Je ne m'en soucie pas, elle m'en doit une et si ce n'est pas aujourd'hui, ça sera la prochaine fois que nous nous verrons où je n'hésiterai pas à lui faire les poches. Héhé. Bref, l'assassin royal que voilà, car je suis sûr qu'il vient de Xandrie et qu'il a un nom à coucher dehors.

« - Toi mon gaillard avec les mains pleines de sang, t'as pas l'air bien malin à dégainer plus vite que ton ombre dans une ville remplie d'Élémentaires psychorigides mais sache que j'ai un bon moyen de t'éviter les geôles du coin. Suis moi, on part en voyage. Direction Aspharos. »

Enfin, d'abord on fait un saut à l'aéroport. Ce n'est pas souvent qu'il sert à quelqu'un d'autre que le Chancelier, après tout. J'ai donc pris sa place de parking, gnéhéhé.


Dernière édition par Esmée le Ven 21 Juil - 17:59, édité 1 fois
Mar 2 Mai - 12:35


En voilà une belle équipe. Il ne connaissait personne et cela l’arrangeait. Peut-être l’avait-on déjà classé dans la case « assassin », mais aucune preuve n’existait et il ne confirmera aucune proposition dans ce sens. L’espèce de cheval humanoïde fut la découverte la plus troublante. Azur se gratta la tête en tentant de voir s’il s’agissait ou non d’un déguisement. Mais c’était bien réel. Probablement une chimère. Qu’est-ce que cela pouvait être d’autre ? Il n’avait rien contre. Durant ses nombreux voyages, l’assassin avait eu de nombreuses fois l’occasion de voir des choses plus étonnantes les unes que les autres. Enfin, cela ne l’aiderait pas à se sortir du pétrin dans lequel il s’était fourré. D’autant plus qu’il ne savait pas quoi, mais un truc clochait avec les deux briscards. Albert et l’autre.

Le second, pas Albert, demanda à l’assemblée, à savoir la demoiselle, la chimère et l’assassin de le suivre. Le même s’approcha d’Azur et lu apprit que c’était une zone remplie d’élémentaires. Aïe. Il ne releva pas le fait qu’il ne le pensait pas mal, c’était un rôle à tenir et il en avait l’habitude maintenant. Une des nombreuses couvertures à sa disposition. Et surtout la plus facile à jouer. Le blondinet avait bien compris que l’élémentaire qui menait la troupe avait besoin d’une main-d’œuvre qualifiée. Ce dernier avait fait ses preuves, le test était réussi. Direction Aspharos, donc.

« Bordel. C’est quoi cet engin ? Ça fonctionne comment ? Où sont les roues ? Quoi ? Ça vole ? Pas question que je foute un pied là-dedans ! »

Mais on lui rappela qu’il avait peu de chance de s’en sortir, ici.

« Bon, ok. T’as intérêt de bien maîtriser son engin d’malheur. »

C’était énorme. L’ensemble assez spacieux, voire même luxueux. Agréable aux premiers abords, Azur n’oubliait que cette chose allait décoller et flotter dans les airs. Rien de rassurant. Sur Xandrie, exceptés ses jambes et les chevaux, l’assassin ne connaissait pas d’autres moyens de transport. Il en connaissait d’autres, à l’étranger, en ayant toujours pris soin de les éviter. Un assassin appréciait plus que tout le contrôle. Dans cette situation, il ne contrôlait absolument rien et cela l’angoissait terriblement. Prenant son mal en patience, le jeune homme tenta de retrouver le contrôle de ses esprits et de son concentrer sur l’essentiel.

« J’vous suis pour m’éviter les ennuis, mais va falloir m’expliquer où est-ce que l’on va. C’est quoi Aspharos ? »


Mer 28 Juin - 16:36
"Vole petit oiseau", disait le philosophe, "Vole jusqu'au soleil et détruis toi les plumes mais alors au moins ta vie aura valu le coup d'être racontée", c'est un peu ça le résumé de ma vie, alors tu vois je suis heureux d'être aux côtés de tout ce beau monde à bord de cet engin de mort direction l'espace !

« Aspharos... C'est quelqu'un et c'est un lieu. C'est situé dans l'inexistent mais aussi dans la couche supérieure de la réalité. C'est un concept qui échappe aux sens humains.

Il paraît que c'est aussi un puits »  réponds-je au mec qui vient avec nous (qui est-ce ?) et qui demande gentiment pourquoi on se barre à l'aventure.

« Je dois visiter cet endroit car je l'ai aperçu dans un rêve », j'ajoute tout naturellement afin de donner un peu de contexte à ce petit gars.

Esmée, l'émanation empyrée, ouvre la porte de son zeppelin et nous invite à grimper. C'est avec un plaisir intense que je m'exécute, impatient de voir à quoi ressemble le monde des mortels lorsqu'on le contemple du point de vue d'un ange.

« Tu as déjà volé petit gars ? » je demande au petit gars.
« Moi non plus
Nous allons réaliser notre baptême de l'air ensemble
Mais je dois t'avouer que je triche un peu, j'ai déjà volé très lointain dans l'espace sur le plan astral et dans mes rêves alors j'ai déjà l'expérience des hauteurs. »

Ce petit gars semble rompu à l'art du massacre ? Est-ce toi qui a endormi tout ces pauvres gens dans le bar ? Tu pourrais m'être bien utile si je te ramenais chez moi, à Epistopoli, dans une valise, à la fin du voyage. Je suis sûr que c'est déjà acté, tu viendras avec moi et je te vois déjà comme un très bon ami, le 7ème ou 8ème dans mon classement d'amis ?

« Notre amitié est déjà si forte que me vient l'envie de t'inviter chez moi »

Je connais toujours pas le nom de ce mec ! Franchement qui en a quelque chose à faire ? Je pourrais sans souci passer le reste de ma vie à ne plus me référer aux gens par leurs prénoms, mais directement par l'odeur de leur âme : celle de ce mec sent le sang séché, ça donne envie de la gratter, elle doit croustiller sous les ongles. Oui, toi, je suis sûr que tu tues des gens et peut-être même que tu kiffes le faire. Tu sais quoi ? Bah y a rien de mal à ça. Dans ce monde, dès que tu te secoues le cul pour bricoler quelque chose de grand, tu finis forcément par buter des gens sur ta route. Y a que les feignasses qui butent personne. Et c'est elles qui nous jugeront...

Pendant que moi (Ratamahatta) et mon 7ème meilleur ami faisons connaissance, Esmée s'est précipitée en cabine, et nous sentons déjà l'aéronef, bouillant, vibrant, sifflant, comme si nous étions de petites crottes dans des tripes prêtes à exploser. Que c'est excitant !

Sur le tarmac, une bande de curieux s'entasse.

Ils nous mirent, scandalisés et jaloux, brûler un MAX de pétrole dans nos énormes moteurs. Nous commençons à prendre de l'altitude, ils continuent à nous mater, alors je prends l'initiative de leur offrir un court spectacle, je rouvre la porte du sas, et comme le veut la coutume je leur présente une parade d'adieu, dandinant aussi bien des fesses, de la hanche, du museau et des yeux, laissant mon sourire se propager jusqu'à mes oreilles puis faire un tour complet de mon visage, puis j'arrache brutalement mon sourire qui finit en un atroce claquage dentaire. En conclusion, je plie hystériquement dans un angle adorable ma nuque plusieurs fois d'affilé, de plus en plus frénétiquement, bavant partout.

Mon crâne devient une maracas c'est une samba cérébrale.

Des dizaines de mètres nous séparent du sol, mon public, en transe, vomit et s'évanouit. J'exécute une révérence, puis me retire calmement, je referme délicatement la porte du sas.

Je me tourne vers l'ami.

« Allons voir Esmée, ami »
Ven 21 Juil - 16:54
« - Loin des ennuis, » répondis-je d'abord avant de compléter « et dans un endroit merveilleux. Tu as déjà vu des ruines de près, mon garçon ? »

Ceci fait, je montais à l'intérieur de la cabine par les marches de l'escalier pliable aux reflets d'aluminium. Mon second patientait à l'intérieur et, quand bien même je faisais toutes mes aventures avec, il m'était impossible de me rappeler son nom. Je laissai bien volontiers mes comparses de voyage le nommer durant le vol. Il fallait, pour ma part, que je me concentre sur la route.

Alors que je me glissais dans le siège, dans ce qui était une forme de cockpit, simplement séparé du reste de l'appareil par le dossier des fauteuils, mais reconnaissable à sa verrière, mon index glissa volontairement dans l'une des poches de mon pantalon pour y chercher le délicieux boitier. Haha !

« - Vous allez finir par nous faire une overdose au volant, un jour.

- Tais-toi et copilote. »

Le plaisir du vol. Les joies du décollage. Le Myste décupla ces bas instincts pour me faire sentir plus légère encore qu'un oiseau, comme dépourvue de la carcasse en acier et de boîte crânienne. Aucun risque cependant : je restais maîtresse de moi-même... la plupart du temps. J'étais irresponsable certes, mais je connaissais mes limites. Jamais plus de trois pilules avant de conduire. Jamais moins non plus...

« - Tout le monde est bien attaché ? » demandai-je dans un éclat de rire, alors que deux de nos nouveaux amis s'approchaient du poste de pilotage. Pas Albert évidemment ; lui s'était étalé comme une crêpe contre une paroi, plus livide encore qu'avant de monter à bord. Quelle femmelette celui-ci.

« - C'est marrant toutes ces lumières qui clignotent, tiens.

- Regardez les bien alors, car si elles cessent de clignoter c'est que l'on sera sur le point de s'écraser. Enfin, moi je peux survivre à un crash, mais vous... »

Je me retournais pour dévisager les deux zigotos. L'un des deux lorgna le tube de comprimés que je dissimulais dans ma poche à nouveau, avec l'empressement d'une camée. À ce zèbre, je glissais mon sourire le plus coulant. Nul doute qu'il aurait aimé avoir un shoot de mon délicieux mélange.

J'omets ce détail, mais nous avions déjà décollé depuis quelques minutes. Une petite dissociation, trois fois rien ; mes muscles élémentaires pilotaient par automatisme. Vous connaissez probablement, si vous avez déjà fait Xandrie - Opale en voiture... des fois les routes sont ennuyeuses et le cerveau s'assoupit ou part ailleurs. Cuicui.

« - Restez concentré.

- Cui. Vous n'avez aucun sens de l'humour.

- Juste assez pour rester en vie. Vous êtes plus étrange que jamais, avez-vous respecté le dosage ?

- Oui, mais en plus de cela je suis animée par l'excitation d'une nouvelle aventure. »

À l'arrière, on demanda quand est-ce qu'il était prévu que l'on arrive. Je leur donnai une heure. Andoria n'était pas si loin que ça d'Aspharos, surtout en aéronef. Le plus dur serait de trouver un endroit où se poser. Un zeppelin c'est fragile et un arbre sur la piste a tôt fait d'abimer la toile cirée du ballon d'hydrogène.

***

Le voyage se déroula sans encombre. Je ne pense pas me rappeler de moins de la moitié ; aux commandes, il est facile de perdre contact avec la réalité et surtout avec la ligne temporelle. Ce témoignage éveilla la curiosité de Ratamahatta, bizarrement; il était hors de question qu'il pose ses pattes étranges sur le moindre centimètre du cockpit.

Nous arrivions donc aux alentours de la tombée de la nuit. Pas grand chose pour nous indiquer le chemin ni un moyen de descendre. Voilà qui était problématique. Par chance, j'avais peut-être sur moi de quoi éclairer un peu le ciel. À la surprise générale, je dévoilais une bouteille de Feu Grégeois.

« - Pas de panique, je ne compte pas nous faire exploser, » ricanai-je en délaissant mon poste. « Tiens les commandes, je vais illuminer le ciel. Tu me dis quand tu as trouvé quelque chose. »

Il y eut une forme de contestation de la part de mon apprenti que je n'écoutai évidemment pas. Au lieu de cela, j'ouvris l'un des sas et jetais la bouteille suffisamment loin de l'aéronef. Nous volions à basse altitude, les risques étaient minimes, mais quand même. Puis, imitant un pistolet avec mes doigts, je détonnais une flammèche en direction du récipient pour le faire exploser en vol.

« Boom, » fit la bombe et ma bouche simultanément. Une pluie de flammes menaçait de s'abattre sur la forêt. Mais je pouvais la contrôler d'ici, la compresser et l'élever vers le firmament comme une sorte de petit soleil dans la nuit naissante.

« - Pas mal hein ? »

D'une main, je faisais tourner la sphère sur elle-même pour conserver un maximum d'énergie tandis que de l'autre, j'agrippais le rebord.

« - Alors, maintenant tu vois quelque chose ?

- Je vois surtout que tu es encore plus timbrée que je ne l'imaginais ! »
Dim 6 Aoû - 10:30

Les Volontés d'Eos

Ft. Esmée, Ratamahatta & Azur

Maël observait sans les voir les quelques cumulus qui agrémentait le bleu du ciel. Le vent, sec et chaud, jouait avec sa chevelure de soie alors que le temps s’écoulait paresseusement. Dans ses mains, il tournait et retournait un magnifique cristal qui le plongeait dans une douce mélancolie. Depuis qu’il l’avait, son visage lui apparaissait plus clairement que jamais, tout comme les souvenirs des moments courts, mais intenses qu’ils avaient partagés à Zaravoda. Depuis qu’il avait acquis ce pouvoir d’hypermnésie, Maël voguait sans pouvoir s’en empêcher dans ses souvenirs les plus douloureux. Son âme l’élançait, amère, le ramenant dans les moments les plus sombres de son existence avec une précision presque effrayante. À nouveau, il se trouvait au milieu des vagues résiduelles de Charybde. À nouveau, il fuyait les effrayantes créatures de Bomhor. À nouveau, il la perdait. Hypnotisé par son passé, Maël perdait lentement pied avec la réalité.

Et pourtant, malgré la douleur, il ne se résignait pas à le mettre de côté. Ces souvenirs étaient une bénédiction autant qu’une malédiction, le grigori le savait. À nouveau, les enseignements qu’il avait reçus dans son enfance lui revenaient, comblant dans sa mémoire les trous que le temps avait créés. À nouveau, il maîtrisait les subtilités des arts grigoriens et se remémorait avec précision les ruines des civilisations anciennes qu’il avait visitées. Les connaissances que cela lui avait permis de redécouvrir lui permettraient probablement de trouver des réponses à certaines de ses questions... s’il parvenait à vaincre les démons qui en resurgissaient. Ainsi rêveur, il ne prit conscience de ce qui se déroulait autour de lui que lorsque le moteur au diesel du zeppelin sur lequel il avait paressé se mit à vrombir. Décontenancé, le cristal lui sauta des mains et glissa le long du ballon. Il se précipita pour le récupérer, faillit tomber lorsque le dirigeable décolla et le rattrapa de justesse une fois en altitude. Pris au dépourvu, il observa pendant quelques secondes la ville d’Andoria devenir de plus en plus petite, puis un sourire éclatant se dessina sur son visage. Voilà de quoi le sortir de sa langueur !

Bien que parfois de passage, les dirigeables étaient rares dans la cité épurée d’Andoria. Il y avait tout à parier que celui-ci se dirigeait vers Epistopoli et bien que Maël n’ait sur lui que son équipement de base, il n’était pas inquiet. Le voyage commença alors, la vitesse de l’engin l’obligeant à s’agripper à l’aileron arrière. Une fois installé, toutefois, il put profiter de la sensation grisante du vent qui fouettait son visage avec force, et il ouvrit les bras en riant. Le voyage se déroula rondement et Maël admira avec plaisir le paysage changer graduellement, frôlant parfois le cristal qui était revenu dans sa poche, substituant la réalité aux souvenirs. Les étendues arides des terres brulées laissèrent bientôt place aux pics acérés des Monts d’Argent, juste avant que le Val d’Argent ne dévoile sa nature abondante. Ici, la flore luxuriante reprenait ses droits. À mi-chemin entre la mélancolie et la sérénité, le grigori observa avec philosophie le paysage défiler sous lui, profitant du vent qui sifflait dans ses oreilles et du doux ronronnement qui résonnait dans le ballon.  

Alors qu’il s’attendait à naviguer toute la nuit, le zeppelin s’arrêta soudain au beau milieu de nulle part. Maël se pencha pour tenter de voir ou il se trouvait, mais ne vit sous eux que la silhouette d’une luxuriante forêt dont le soleil couchant étirait les ombres. Curieux, il observa quelque chose se faire lancer loin du ballon... et fut projeté avec force lorsqu’un souffle chaud s’engouffra dans les ailes qu’il avait déployées pour garder son équilibre. Il fut projeté loin du ballon, mais revint près de celui-ci en quelques battements. Un feu grégeois ! La curiosité du grigori était piquée : pourquoi lancer une telle arme au beau milieu de nulle part ? Toutefois, et heureusement, le feu ne redescendit pas : dans une démonstration d’un pouvoir puissant, le feu fut rassemblé en une énorme balle incandescente. Voilà qui devait être l’œuvre d’un élémentaire ! Alors qu’il n’avait jamais vraiment eu l’occasion de dévoiler sa présence, le diplomate changea d’avis. De toute façon, il y avait fort à parier que les occupants de la nacelle l’avaient vu se faire projeter. Il sentait désormais au fond de ses tripes l’appel de l’aventure !  

– Bonjour ! cria-t-il pour se faire entendre, saluant l’équipage de grands gestes. Vous voulez vous poser par ici ?

La boule de feu diffusait une lumière forte qui éclairait les occupants. Aussitôt, son regard fut attiré par cette créature à la tête d’âne et à la queue de paon. Il n’y en avait pas dix, comme lui : c’était Ratamahatta, l’un des scientifiques les plus déjantés d’Epistopoli, Maël en était certain. Que faisait-il dans un zeppelin en départ d’Andoria ? Un autre visage lui était connu, il le confirma d’un frôlement de son cristal : c’était celui d’Esmée, pirate de l’air et élémentaire à la réputation explosive. Le zeppelin devait lui appartenir. Il reconnut également le visage d’un autre élémentaire, mais son nom lui échappa, et les traits de l’homme aux cheveux blancs lui rappelait des caractéristiques xandriennes. Le dernier membre, vu son apparence, devait être un apprenti. Quel groupe étrange ! Que faisaient-ils au beau milieu du pays de Sancta ? Il regarda autour de lui, voltigea un peu autour du ballon, puis son visage s’éclaira.

– Là ! Ce sera risqué, mais je crois que l’espace sera suffisant !

Il voltigea un peu plus à l’ouest. L’espace était restreint, mais si l’Émanation Empyrée était à la hauteur de sa réputation, elle pourrait certainement s’y poser. Aidé par le feu grégeois qui tournoyait doucement, Maël guida l’appareil vers un espace dégagé, une grande clairière qui se dévoilait entre les arbres. Dès que le zeppelin fut au sol, le grigori se posa et gambada allègrement vers l’équipage.  

– Bonjour ! Quel drôle d’endroit pour poser un zeppelin ! les salua-t-il candidement.

Son regard se posa sur l’homme à la tête de cheval et ses yeux s’agrandirent. Une exclamation enjouée traversa ses lèvres alors que, tel un enfant, il le détaillait d’un air surexcité.

– Vous êtes Ratamahatta ! s’exclama-t-il en lui prenant la main pour la secouer vigoureusement. Et vous, dit-il en se tournant vers l’élémentaire de feu, vous êtes Esmée ! C’est surprenant de trouver de telles personnalités par ici ! Moi, c’est Maël, débita-t-il sans expliquer les raisons de sa propre présence. Oh, quelles plumes magnifiques ! s’exclama-t-il, inarrêtable, tournant autour de la chimère en admirant sa queue de paon.
Dim 27 Aoû - 7:23

Gêné. Ce fut à peu près le mot qui pouvait décrire ce que ressentait Azur aux côtés de la chimère. Il ne savait pas vraiment s’il était attiré par l’assassin, souhaitait l’utiliser et s’il était simplement dans sa nature d’agir ainsi. Bref, le blondinet préféra s’en amuser plutôt que de s’en préoccuper. Surtout quand il le vit se rompre les cervicales à plusieurs reprises. Ok, il est complètement fêlé. Il va finalement amuser mon voyage, songea Azur. D’autant plus que c’était une première fois pour le blondinet qui n’avait jamais pris d’aéronef. Quel délicieux spectacle que celui d’observer ces petits corps se mouvoir comme des insectes. Lui-même était insecte et l’acceptait volontiers.

La pilote, celle que l’on nommait Esmée, n’était pas rassurante dans sa consommation de drogue. Azur se demanda comment ils pourraient arriver indemne avec une personne complètement défoncée aux commandes. Néanmoins, elle semblait tenir la route et mener son groupe à destination. C’était du moins ce qu’imagina le jeune homme jusqu’au moment où elle utilisa du feu grégois. Un sas s’ouvrit et elle le balança à l’extérieur, le maîtrisant avec une aisance particulière. Méthode ingénieuse pour éclairer la zone et se poser en toute sécurité. Une nouvelle personne qui lui était absolument inconnue s’incrusta et prit part aux opérations d’atterrissage. Tout alla très vite et Azur ne se soucia que de pouvoir refouler le sol. En délicatesse. Ils descendirent, le nouvel arrivant se présenta au zèbre et à la pirate. Azur ne s’en offusqua point, il n’était qu’un inconnu et ce statut lui convenait parfaitement.

Profita de cet instant de solitude, il partit à la recherche d’une piste pouvant les mener à un puit. Il faisait nuit et l’obscurité rendait les recherches difficiles. Cependant, si Esmée avait décidé d’atterrir ici, ce n’était probablement pas pour rien : le fruit de ses recherches devait se trouver dans les parages. Utilisant de son cristal d’hypervélocité, Azur se déplaça à toute vitesse afin de couvrir le plus de terrain possible en un laps de temps réduit. Il procéda par élimination et avança zone par zone, autour de l’aéronef. Mais l’apprenti assassin n’était qu’un homme, jeune, qui ne contrôlait pas toujours son empressement. Ainsi, il manqua de discernement et tomba dans un piège. Il le vit bien trop tard pour réagir. Un trou pourtant béant, facilement évitable, l’entraîna au fond des ténèbres. Il tenta de freiner au dernier moment mais c’était inutile.

« AAAAAAAAAA L’AAAAAAAIIIIIIIIIIIIDDDDEEEE !!! »

La chute lui parut bien longue. Dans cette obscurité, il ne lui était pas possible de savoir à quelle distance de lui se trouver les parois, mais frôla un côté par un heureux hasard. Il activa une seconde fois son cristal d’hypervélocité et se mit à courir sur la paroi rocheuse. Son but n’était pas de remonter à la surface, mais bien d’effectuer la descente en y faisant plusieurs fois le tour, de manière à limiter la casse. Finissant par glisser, la chute libre reprit, sauf qu’elle ne dura qu’une seconde. Azur se ramassa lourdement sur un tas de sable, sain et sauf. Peut-être un petit bleu sur l’arrière-train mais rien d’insurmontable. Le noir absolu l’empêchait de savoir où est-ce qu’il se trouvait. Hélas, un bruit sinistre suggérait qu’il n’était pas seul et qu’une armée avançait vers lui, haletant de désespoir. Les pas trainaient et une odeur fétide lui piqua le nez. Il dégaina ses deux dagues et ne se fia qu’à ses sens.

« Les copains, j’ai besoin d’aide. », murmura-t-il sans trop d’espoir.

Mar 19 Sep - 16:47
Le nouveau venu s'est montré directement raide dingue de mes plumes et c'est tout à son honneur de savoir reconnaître la Beauté là où un Dieu (ici moi, en l'occurrence) est venu en déposer, j'adore déjà ce mec, il dit s'appeler Maël et j'ai aucune idée de ce qu'il fout là, mais n'est-ce pas ainsi que toute aventure commence, lorsque tu invites de parfaits étrangers et de dangereux maniaques dans ton aéronef ?

Il se passe vachement trop de choses, heureusement que j'ai embarqué un buvard de symphonies d'étoiles mortes que je m'envoie illico presto dans les gencives, sinon je pourrais juste PAS suivre ?! Mon 7ème meilleur ami vient de dégringoler dans un puits, que faire ?! Y a pas à tortiller du cul tu sais, j'ai une idée. Je me mords un petit coup dans la peau de l'index c'est pas grave ça repoussera. Le sang coule par gougouttes, je m'en sers pour improviser un artwork sur un arbre, je dessine à la va-vite un très long ténia dont les extrémités ressemblent à la tête du gars tombé dans le puits.

Ténia1:

Mon sang séché forme de grandes croûtes odorantes, j'en choppe une et la mâche comme un chewing-gum. Rien de tel pour triper que de réutiliser les substances contenues dans son hémoglobine.

Bien, maintenant allons sauver mon nouvel ami.

<< J'espère qu'il est pas allé se fracasser son beau visage
Notez que je pourrais lui réparer si c'était le cas, mais pas sans quelques kilos de graisse de phoque >>


J'en appelle au cristal d'animation que j'ai glissé quelque part sous un de mes pecs dans une poche de viande prévue à cet effet, je le sens remuer et chauffer, un filet de sang bleu sort de mon téton. Mon ténia arboricole commence à tressauter sous l'écorce puis en gicle en dehors, on peut dire que c'est mon gosse comme il a littéralement mon sang ? Il a la même odeur que l'intérieur de mes intestins en plus, c'est à dire ce subtil arôme de lavande mixé à de la merde ? C'est définitivement mon môme ce petit.

Ni une ni deux j'attrape le ténia et jette sa tronche en contrebas du puits. Le gentil ver se déroule langoureusement durant quelques secondes en poussant hystériquement des cris de singe. Tu peux me demander pourquoi un ténia gueule comme un macaque mais je saurais pas t'expliquer... Il arrive simplement que l'oeuvre dépasse l'artiste...

<< ACCROCHE TOI A TA TÊTE >> que je hurle à notre pote en mauvaise posture, il est quelque part au fond du puits mais j'y vois rien du tout c'est trop noir. Par contre, j'entends des grognements, qu'on dirait qu'il y a des bestioles qui voudraient boulotter le copain. Devenir ami avec un type juste avant qu'il se fasse dévorer vivant, ça m'arrive beaucoup trop souvent, honnêtement, et ça commence à me saouler pas mal.

Alors je fais un gentil balancier de ténia en espérant que ça finisse par lui passer sous le nez. S'il a plus de deux de tension il devrait pouvoir l'attraper au vol.
Puis je noue l'autre extrémité de mon ténia autour d'un arbre. Tu l'auras compris : ce ténia forme désormais une corde vivante, permettant à tout le monde ici de dégringoler dans la fosse en toute sécurité. Il s'agira de pas se péter une guibole si tôt dans l'aventure !

(cependant le Mael a des ailes dans le dos, moi j'en ai dans le cul, et Esmée est une sorte de turbo-réacteur vivant. Donc personne a vraiment besoin d'une corde pour descendre à part le pote débile d'Esmée)
(cependant au moins le type dans le trou peut attraper le ténia pour reprendre de la hauteur)
(seulement s'il a plus de deux de tension, cependant)
Dim 24 Sep - 18:43
Je regardais le long filament de chair se déployer dans les ténèbres infinies, incapable de me réveiller de ce qui était en train de se produire sous mes yeux. Rêve, cauchemar, réalité ? J'avais bien entendu des rumeurs à propos de Ratamahatta et à vrai dire, je ne savais dire si ce qu'il cherchait était réellement à aider notre comparse maladroit ou bien à assouvir un fantasme morbide. Frénétiquement, j'avais alors sorti ma boîte de comprimés pour en avaler un entre deux tremblements, comme si ma psyché fragile résonnait avec la folie de l'homme-zèbre-pan. Ou quoi qu'il soit réellement.

« - Le petit homme est en danger... il est en danger non ? » me demandai-je à moi-même en entendant les cris parvenir depuis l'abîme. S'il avait encore la force de hurler, c'est que ce n'était pas si profond. Pour un élémentaire, quelle différence ?

Prenant la forme d'une boule de feu, je me jetai nonchalamment dans le trou en laissant les autres derrière. Sauf pour mon assistant, qui resterait probablement bien sagement près du zeppelin, je ne m'en faisais pas trop. Nous avions tous la possibilité de ne pas utiliser la corde maudite du mutant. Du moins le pensais-je.

« - Et moi je fais quoi ? »

C'était Albert. Évidemment, il ne pouvait pas trop jouer avec les molécules et prendre le risque de disparaître soudainement. Mais sa question tombait dans le fossé, en même temps que moi, comme je rejoignais l'assassin et ses petits copains en contrebas. La lumière que projetaient mes flammes irradiait les environs et permettait de reconnaître quelques morts-vivants des profondeurs, bien décatis et pourtant incroyablement préservés. La voilà la preuve que nous n'avions pas fait fausse route.

Comme si le danger n'avait pas d'importance, je posais donc la main sur l'épaule du bonhomme en reprenant forme humaine :

« - Eh bien petit veinard, je crois que tu as trouvé l'entrée de ce que nous recherchons. »

Il avait l'air perdu. Se rendait-il seulement compte de ce qu'il faisait, ni de pourquoi il était là ? Il était vrai que je ne lui avais pas laissé beaucoup de choix, mais c'était ça ou les cachots d'Andoria. Mais passons. Me voilà à me retourner pour identifier nos deux visiteurs... ou hôtes, cela dépend du point de vue. Après tout, il étaient là bien avant nous.

« - On a même un comité de réception. Beuark, quelle odeur... »

Ce n'était évidemment pas ma première expérience avec des Jiangshis, mais c'était toujours aussi désagréable. Intérieurement je maudissais les humains et leur infâme tendance à ne pas vouloir mourir ; ils infestaient les ruines avec leurs cadavres et leurs esprits désincarnés. Albert pouvait au moins se vanter de savoir ce qui l'attendait, et que ce n'était rien de tel. Mais tout de même quelque chose de bien effrayant, aussi. Soudainement, des idées sombres occultaient mes pensées, pourtant le temps n'était pas à l'introspection.

Trois. Trois monstres en vue, avançant péniblement dans notre direction. Derrière eux, des arches sombres pouvant laisser présager plus de zombies dégoulinants pour peu que l'on traîne trop. C'était évident : tuer ceux-là attirerait les autres, il nous fallait donc faire vite.

Par leurs propres moyens, Ratahamatta, Albert et le Grigori incongru, dont le nom ne me paraissait pas encore pertinent à connaître, nous rejoignirent tandis que je dessinais de jolies rosaces enflammées dans les airs pour diriger le regard de l'ennemi sur ces prouesses pyrotechniques. Cela n'avait absolument aucune utilité, mais ça faisait passer le temps et me permettait de jauger leur délai de réaction.

« - Nous perdrions trop de temps à les affronter et, de toute manière, le jour va bientôt se lever. Quand bien même nous sommes au fond d'un trou, je ne pense pas qu'ils apprécient la chaleur diurne et tout ce qui va avec. »

Jetant un coup d’œil par-dessus mon épaule, je pouvais admirer vivement l'architecture similaire dans notre dos. Il y avait une sortie... ou pour mieux dire une entrée. Tenir à distance les Jiangshis tandis que nous nous faufilions dans les tunnels était un jeu d'enfant. Que je garantissais d'ailleurs en alimentant le brasier aérien pour faire jaillir, à partir de mon bras, une torche horizontale, une sorte de lance-flammes. Les monstres restaient ainsi sagement à distance, mais je m'épuisais.

« - Allez, dépêchez-vous d'entrer là-dedans. On n'est pas arrivés au bout du voyage, on vient simplement de trouver l'entrée. Si c'est quelques morts-vivants qui vous effraient, on n'est pas rendus... » dis-je en voyant Ratahamatta s'engouffrer en même temps que je clamais mes ordres, probablement plus par goût du risque qu'autre chose. Celui-là était incontrôlable, mais les autres avaient les esgourdes grandes ouvertes.

Je me repliais alors à mon tour, trottinant en marche arrière tout en crachant des flammes, puis des flammèches et finalement plus rien. Je le cachais à mes valeureux partenaires, mais une telle prouesse venait de me coûter beaucoup d'énergie...

Nous n'étions pas bien sûrs d'avoir semé nos hôtes, mais le réseau de couloirs en pierre, tout en coudes et en descentes, nous avait au moins permis de mettre une distance suffisante pour ne plus nous en soucier. Maintenant je pouvais admirer un peu plus la structure qui nous accueillait, similaire à celle d'une crypte ou d'une prison. Aucun doute, nous venions d'entrer dans l'un des nombreux hypogées locaux, principaux points d'intérêt du Puits d'Aspharos et origine du nom, même. Celui-ci, comme beaucoup d'autres, devait avoir déjà été exploré auparavant, mais de nombreuses rumeurs laissaient entendre que les caveaux n'étaient rien que la partie émergée de l'iceberg et que les tunnels qui les connectaient entre eux les reliaient tous à une seule et même structure antique, dernier vestige de la civilisation du Royaume Oublié.

Et il ne faisait aucun doute que c'était ce que Albert recherchait.