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La Chute (PV. Séno)

La Chute (PV. Séno) Brandw10
Dim 11 Déc - 15:32

Sibylle n’attendait rien plus impatiemment que ses petites escapades bimensuelles dans la campagne de Xandrie, prêt de Doucerive. C’était une belle journée – le ciel était clair, un petit vent vrai faisait rougir ses joues et le bout de son nez, elle voyait toute la contrée verdoyante onduler en dessous d’elle. Même si son destrier volant était relié d’une corde à celui de son garde du corps – même s’ils n’allaient jamais bien loin, c’était un tel soulagement, un tel poids ôté de ses épaules. Elle sentait l’air picoter ses poumons et le vent mordre son visage, elle entendait le claquement des puissantes ailes de Morpheus et criait dans les cieux de délice à la seule sensation de la communion qu’elle ressentait avec l’animal puissant qui la portait. Elle ne sentait plus que lui – les muscles saillants de ses ailes qui roulaient au niveau de ses épaules, son souffle puissant, sa crinière qui battait l’air – le sentiment de liberté qui l’habitait lui aussi, malgré une once de frustration qu’elle partageait elle aussi.


Mais c’était mieux que rien.


Ne plus entendre la complainte de la ville, enfin. Ne plus sentir la dépravation tout autour d’elle, lui coller à la peau, ralentir son pas comme du goudron sur ses semelles. Oublier brièvement ces nuits à fixer le plafond le cœur battant, ressentant la douleur et la peur d’une famille à proximité – ou à sentir les desseins flous et menaçants de sa propre « mère ». Qu’il était bon de passer du temps loin d’elle, à vrai dire. Et ne plus porter ces fichues tenues qui l’étouffaient du soir au matin ! Pas de gants aujourd’hui, ni corset ni chemise ni bottes- simplement une robe blanche à jupon de dentelle et un cardigan brodé ainsi qu’une simple paire de sandales.


Alors qu’ils fendaient les cieux, une silhouette étrange se profilait au loin, derrière les nuages cotonneux. Elle avait déjà vu certains objets dans le ciel – des draconides quand elle vivait dans la Mer de Brume, des zeppelins à Opales… Mais cet objet était rond. A mesure qu’ils se rapprochaient, il l’intriguait davantage.


« Marcus ! » Cria-t-elle, afin que le zoan derrière elle l’entende, « qu’est-ce donc que cela ? »


« Un ballon milady. Il transporte sûrement des marchandises. » L’homme se passa de faire remarquer que ce genre de ballons était l’apanage de contrées plus pauvres, comme Aramila, mais ajouta cependant « gardons nos distance ! ».


Sibylle acquiesça d’un signe de tête, ne lâchant cependant pas l’objet volant désormais identifié du regard. De loin, elle commençait à distinguer ses couleurs – la toile cirée miroitant au soleil, ses mouvements... Il semblait… Agité ? Marcus s’apprêtait à faire bifurquer leurs montures, quand une averse la frappa soudain. Elle se raidit sur son cheval, ses petits doigts serrant jusqu’à en blêmir les crins de l’animal alors qu’elle fixait le ballon les yeux exorbités.


Sans avertissement, de la peur, crue et froide, lui tombait dessus en pluie torrentielle. Au loin, le ballon s’approchait du sol à une vitesse alarmante.


« Il a besoin d’aide. Le ballon. » marmonna-t-elle en serrant les jambes autour des flancs de son destrier, l’engageant à accélérer. « Mademoiselle Sibylle nous ne pouvons… » Le zoan n’eut pas le temps de finir sa phrase que l’Hespéride avait machinalement défait la corde qui la reliait à lui d’une main et plongeait avec son destrier en direction du ballon qui bientôt s’écrasa sur le sol dans un tintamarre métallique, avant que sa toile colorée se répande par-dessus la nacelle, comme si elle fondait.


Le cheval toucha terre et la jeune femme bondit au sol sans demander son reste, la peur pulsant à ses oreilles. Se jetant sur la toile, elle s’empressa de tirer sur l’épais tissu comme elle le pouvait afin d’en extirper la personne affolée qui se trouvait en dessous.


 

Dim 25 Déc - 15:58
Et je tombais des cieux. L’horizon n’était qu’une toile bleue et blanche doucement caressé par les lumières du soleil. Si le ciel était clément, il n’en était pas autant de ma situation à ce moment précis. Les coutures du ballon avaient lâché. Las de toujours se voir raffistolé ici et là, l’inéluctable était pour aujourd’hui. Le sol m’appelait, de toute ses forces. Une force attractive contre laquelle j’avais beau lutter mais c’était peine perdue. Ma détresse m’inondait. J’étais dans le noir complet, aspiré par mes propres tourments qui sans cesse venait altérer mon jugement et la situation désespérante dans laquelle je me trouvais.

Avec l’énergie du désespoir je tentais tant bien que mal de tirer sur le cordage afin de trouver le sol le moins rude contre lequel mon embarcation viendrait se fendre. J’apercevais au loin un sol encore humide des eaux de la veille. C’est là que je reposerai mon salut ou mon sort fatidique. Je récitais quelques prières, j’avais chaud, j’avais froid. Transit par des sentiments contraires et attisé par cette malédiction qui amplifiait mes maux. Le souffle du ballon s’amenuisait à mesure où ma peur, elle, grandissait.

J’observais les quelques caisses de denrées autour de moi. Autant de victuailles et d’outils dont je devais malheureusement me séparer, non pas contre une rémunération ou du troc, non, c’était ma vie qui était en jeu. Et bien que cela me répugnait, je jetais par-dessus bord tout ce que je pouvais afin d’alléger le terrible fardeau qui pesait sur le ballon. Aussi vite que je le pouvais je jetais tout ce que je pouvais, mais mon intellect ne pouvait faire autrement que de compter mes pertes et de mettre ma vie sur la balance.

Saleté de reflexes de marchand, comment pouvais je avoir ce genre de réflexion en cet instant fatidique. J’aurai donné tous mes biens pour ne plus me retrouver dans cette situation, mais il n’était pas question de m’égarer. J’étais à présent fatigué et résous à ce qui devait m’arriver. Mes yeux étaient à présent river sur la terre tandis que mon corps était enchevêtré dans le cordage afin de ne pas être expulsé au loin.

Le ballon dépérissait et alors que ses dernières forces l’abandonnaien, le fracas de la rencontre tintait à mes oreilles tandis que le contrecoup de la collision avait malmener mon corps et les dernières forces qu’il me restait. Vaincu, mon corps s’en alla choir je ne sais où. Le choc fut terrible, mais je bougeait encore. Je sentais mon cœur battre fortement dans ma poitrine et ce à mesure ou ma lucidité me quittait. Je luttais pour ne pas céder aux limbes, mais c’était peine perdue, ma conscience se refusait à rester plus longtemps en ces lieux, il lui fallait regagner un endroit où elle pourrait se reposer.
Lun 2 Jan - 17:23
Plus ses doigts s’enfonçaient dans les épaisseurs de toile huilée, plus Sibylle revivait les émotions traversée par le corps qu’elle tentait de libérer à l’instant : des flots de détresse s’abattaient comme une pluie torrentielle sur ses épaules alors qu’elle pleurait silencieusement malgré elle, ses larmes gouttant sur le tissu imperméable qui se décousait entre ses mains frêles. Elle sentait l’adrénaline pulser à ses tempes, la prendre à la gorge, dans ses poumons, brûler son nez dans l’immobilité totale du paysage et ses mains se mirent à trembler alors qu’elle redoublait d’efforts, son fidèle destrier tirant dans sa bouche un épais pan de la toile et la reculant de toutes ses forces, battant de ses puissantes ailes ce faisant. Un deuil à l’âme s’installa dans son esprit avec une certaine résignation – comme si elle venait de perdre quelque chose, d’abandonner face à l’inéluctable.

Puis, plus rien. Elle sentit ses forces la quitter peu à peu, alors qu’enfin une silhouette se dessinait sous l’amas de tissu. Le souffle de Morpheus dans son cou la ramena à sa propre conscience – elle ne vivait pas ses propres émotions, elle devait se ressaisir, une vie était en jeu si… Si la personne avait survécu. Ensemble, Hespéride et animal libérèrent enfin l’inconnu de son linceul de toile des cieux, qui représentait des kilos et des kilos de toile.
Sibylle le mis sur le dos, dégagea les cheveux noirs collés sur le visage de l’inconnu, vérifia rapidement ses signes vitaux en appuyant sur son poignet – son pouls était faible comme l’était son souffle, mais il vivait encore. C’était visiblement un jeune homme au corps couvert d’étranges dessins – elle n’avait jamais vu ça auparavant. Le visage mouillé de larme, elle secoua l’épaule de l’individu, tentant de le réveiller.

« Vous m’entendez ? Vous devez vous réveiller, je vous en prie. Si vous ne vous réveillez pas…»

L’anxiété dans la voix, elle songeait déjà à retrouver Marcus pour lui demander une aide que le garde du corps ne voudrait certainement pas lui apporter. Il ne fallait certainement pas que la demoiselle se mêle à la plèbe, particulièrement s’il s’agissait, comme il le soupçonnait, d’un marchand aramilan.