Mar 18 Oct 2022 - 14:08
Il était bon d’être malin. Il le savait, parce qu’il était bon, de manière générale. Bon dans ses largesses avec ses affidés et ses vassaux, gens intelligents qui se plaçaient dans son ombre protectrice et paternelle. Bon dans ses méthodes, efficaces et tranchantes. Bons dans ses desseins, qui irradiaient tous de l’énergie vitale propre à sa race, qui se retrouvait chez lui violemment amplifiée. Violemment.
Violemment.
Mais aujourd’hui, il devait se placer sous un soleil conciliant, et laisser sa lumière adoucir les pointes de ses cornes. Il avait rendez-vous avec des gens de Xandrie, qui entendaient requérir son aide gracieuse et ses services précieux pour faire avancer leur cause. Etablir avec le réseau clandestin un rapport de confiance suffisamment solide pour leur permettre de l’accueillir avait demandé beaucoup de patience, et un peu de finesse. Il ne s’adressait après tout pas à des professionnels. Comme tous les idéologues, c’étaient des gens pleins de grandes idées et possédant peu de moyens. Ils étaient en vérité tellement dépourvus qu’ils en devenaient incapables de voir clairement leur situation, et d’en tirer les conclusions qui s’imposaient. Si cela n’avait pas été le cas, ils n’auraient jamais accepté de rencontrer le saraph : leurs positions étaient trop différentes pour qu’une quelconque négociation puisse avoir lieu. Le mercenaire avait beaucoup à proposer, très peu à gagner et beaucoup à perdre. L’inverse n’était pas pour les pauvres bougres très vrai. Fort heureusement pour eux, le saraph n’obéissait que très partiellement à la logique des herbivores d’Uhr, et il s’était donc dirigé sans faire trop d’histoires vers le lieu choisi par les marginaux. Il savait qu’il retirerait de cet entretien beaucoup de choses rares et précieuses, et que mieux encore, ces gens ne s’en rendraient même pas compte.
Comment le pourraient-ils ?
Personne ne voyait jamais les évidences les plus lumineuses, malgré les nombreux efforts entrepris.
Peu importait, au final. Il avançait, et dans son sillage la lumière la plus crue qui puisse être s’amoncelait en torrents discordants. Sans doute se laissait-il aller à ses tendances les plus dramatiques, mais la réalité avait de ses façons de se contorsionner pour lui plaire. Ou en tout cas, de se laisser suffisamment faire, tout en opposant ce qu’il fallait de résistance. Ce qui lui plaisait tout autant. Ces grandes considérations philosophiques et métaphysiques arrivées à leur inévitable conclusion, il se concentra sur la chose qui revêtait aujourd’hui un minimum d’importance. Les gens qu’il devait rencontrer aujourd’hui. Malgré la manne qu’Opale consentait à prêter à Xandrie, peu de gens dans la ville profitaient réellement de ces opportunités. C’était la preuve d’une terrible incompétence, et d’un pouvoir incapable de prendre des décisions correctes : l’émergence de ces indigents et de ces protestataires n’avait engendré en temps et en heure aucune réaction proportionnée, et la formidable opportunité qu’ils représentaient n’était nullement exploité.
L’ironie était mordante. De la même manière qu’Opale fournissait aux maîtres de la cité de quoi se développer, c’était elle qui allait aussi fournir à ses oubliés de quoi exprimer leur colère. Tlaxlheel doutait sincèrement qu’ils parviennent à quoi que ce soit, et que le cas échéant qu'ils améliorent réellement la situation locale. Mais cela aussi n’était pas spécialement important. Comme dans beaucoup de choses, c’était le processus et non le résultat final qui comptait vraiment. Finissant sa marche dans les rues populeuses de la ville, il arriva finalement dans un des quartiers les plus acquis à la cause révolutionnaire. Il le savait sans l’ombre d’un doute, non pas grâce à ses hypothétiques connaissances en matière de démographie et de politique xandrienne, mais simplement grâce à l’odeur : l’endroit puait un peu plus. Il n’avait pas fait d’efforts particulier pour se faire discret, sachant que c’était de toute façon peine perdue, et se planta devant le guetteur qui faisait tous les efforts nécessaires pour avoir l’air intimidant. Il n’était pas particulièrement bien nourri, son torse était maigre, et il lui manquait quelques centimètres. Le saraph lui adressa un salut paresseux de la main, et hésita un instant, avant de prendre la parole :
« C’est moi. Tlaxlheel Azcalxotil. Euh, le mot de passe, si y’en a un, j’ai pas retenu. Le renard ne se montre pas au chasseur ? Les vautours présagent un festin ? offrit-il en plaisantant. »
Il n’y avait pas de mot de passe. Mais il voulait vérifier certaines choses, et cela lui semblait une très bonne façon de le faire. Il hésita à en rajouter, mais se retint de forcer un rot. Son estomac creux aurait certes fourni une belle caisse de résonnance, mais mieux valait garder un minimum de crédibilité professionnelle à mâtiner avec sa désinvolture affectée.
Violemment.
Mais aujourd’hui, il devait se placer sous un soleil conciliant, et laisser sa lumière adoucir les pointes de ses cornes. Il avait rendez-vous avec des gens de Xandrie, qui entendaient requérir son aide gracieuse et ses services précieux pour faire avancer leur cause. Etablir avec le réseau clandestin un rapport de confiance suffisamment solide pour leur permettre de l’accueillir avait demandé beaucoup de patience, et un peu de finesse. Il ne s’adressait après tout pas à des professionnels. Comme tous les idéologues, c’étaient des gens pleins de grandes idées et possédant peu de moyens. Ils étaient en vérité tellement dépourvus qu’ils en devenaient incapables de voir clairement leur situation, et d’en tirer les conclusions qui s’imposaient. Si cela n’avait pas été le cas, ils n’auraient jamais accepté de rencontrer le saraph : leurs positions étaient trop différentes pour qu’une quelconque négociation puisse avoir lieu. Le mercenaire avait beaucoup à proposer, très peu à gagner et beaucoup à perdre. L’inverse n’était pas pour les pauvres bougres très vrai. Fort heureusement pour eux, le saraph n’obéissait que très partiellement à la logique des herbivores d’Uhr, et il s’était donc dirigé sans faire trop d’histoires vers le lieu choisi par les marginaux. Il savait qu’il retirerait de cet entretien beaucoup de choses rares et précieuses, et que mieux encore, ces gens ne s’en rendraient même pas compte.
Comment le pourraient-ils ?
Personne ne voyait jamais les évidences les plus lumineuses, malgré les nombreux efforts entrepris.
Peu importait, au final. Il avançait, et dans son sillage la lumière la plus crue qui puisse être s’amoncelait en torrents discordants. Sans doute se laissait-il aller à ses tendances les plus dramatiques, mais la réalité avait de ses façons de se contorsionner pour lui plaire. Ou en tout cas, de se laisser suffisamment faire, tout en opposant ce qu’il fallait de résistance. Ce qui lui plaisait tout autant. Ces grandes considérations philosophiques et métaphysiques arrivées à leur inévitable conclusion, il se concentra sur la chose qui revêtait aujourd’hui un minimum d’importance. Les gens qu’il devait rencontrer aujourd’hui. Malgré la manne qu’Opale consentait à prêter à Xandrie, peu de gens dans la ville profitaient réellement de ces opportunités. C’était la preuve d’une terrible incompétence, et d’un pouvoir incapable de prendre des décisions correctes : l’émergence de ces indigents et de ces protestataires n’avait engendré en temps et en heure aucune réaction proportionnée, et la formidable opportunité qu’ils représentaient n’était nullement exploité.
L’ironie était mordante. De la même manière qu’Opale fournissait aux maîtres de la cité de quoi se développer, c’était elle qui allait aussi fournir à ses oubliés de quoi exprimer leur colère. Tlaxlheel doutait sincèrement qu’ils parviennent à quoi que ce soit, et que le cas échéant qu'ils améliorent réellement la situation locale. Mais cela aussi n’était pas spécialement important. Comme dans beaucoup de choses, c’était le processus et non le résultat final qui comptait vraiment. Finissant sa marche dans les rues populeuses de la ville, il arriva finalement dans un des quartiers les plus acquis à la cause révolutionnaire. Il le savait sans l’ombre d’un doute, non pas grâce à ses hypothétiques connaissances en matière de démographie et de politique xandrienne, mais simplement grâce à l’odeur : l’endroit puait un peu plus. Il n’avait pas fait d’efforts particulier pour se faire discret, sachant que c’était de toute façon peine perdue, et se planta devant le guetteur qui faisait tous les efforts nécessaires pour avoir l’air intimidant. Il n’était pas particulièrement bien nourri, son torse était maigre, et il lui manquait quelques centimètres. Le saraph lui adressa un salut paresseux de la main, et hésita un instant, avant de prendre la parole :
« C’est moi. Tlaxlheel Azcalxotil. Euh, le mot de passe, si y’en a un, j’ai pas retenu. Le renard ne se montre pas au chasseur ? Les vautours présagent un festin ? offrit-il en plaisantant. »
Il n’y avait pas de mot de passe. Mais il voulait vérifier certaines choses, et cela lui semblait une très bonne façon de le faire. Il hésita à en rajouter, mais se retint de forcer un rot. Son estomac creux aurait certes fourni une belle caisse de résonnance, mais mieux valait garder un minimum de crédibilité professionnelle à mâtiner avec sa désinvolture affectée.
Dernière édition par Tlaxlheel Azcalxotil le Lun 31 Oct 2022 - 7:12, édité 1 fois