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Une consultation improvisée [ LIBRE ]

Une consultation improvisée [ LIBRE ] Brandw10
Ven 14 Oct - 22:22
La mousse à profusion. L'entrechoquement des verres. L'harmonie monotone et constant des discussions emmêlées. Vindicus, à travers toute cette festivité presque étouffante, ne savait où donner de la tête. À vrai dire, il n'avait pas l'habitude des tavernes. Il n'avait globalement pas l'habitude des endroits bourrés de monde. Évidemment, il ne montrait aucune émotion. Ni joie. Ni plaisir. Ni gêne. Ni rien. Une statue vivante arborant une vieille collerette et se protégeant sous une épaisse capuche.

- C'quoi c'te tête, gamin ? Se fit entendre une voix rauque.

Pourtant, rien ne changea chez la statuette vivante. Pas un regard. Pas une émotion.

- Hé. Tu m'entends ? Ta maman t'a pas appris la politesse ? Fit-elle de nouveau.

Cette fois-ci, un vieil homme trapu s'était levé de sa chaise et s'était rapproché de Thadée, bière à la main. Son regard était sévère, tout comme sa posture qui pouvait même être qualifiée d'agressive. Désormais, il attendait une réponse, et ne comptait pas jeter l'éponge aussi facilement. Le cartomancien tourna lentement la tête, puis axa ses yeux en direction de son interlocuteur.

Tiens. Tu m'en diras tant. La tienne t'a pas appris à ne pas déranger les inconnus ? Visiblement pas.

- Je ne vous avais pas entendu. Désolé. Répliqua Thadée avec détachement.

L'homme leva un sourcil et patienta dans cette position durant quelques secondes, avant de relâcher les traits de son visage. Il semblait s'être apaisé, du moins, pour l'instant. Il s'assit à la table du cartomancien et prit deux grosses gorgées de sa boisson, avant d'essuyer la mousse retenue en otage par sa barbe du dos de la main. Il afficha un sourire qui dévoila quelques dents en moins.

- J'te r'connais, canaille. T'es le p'tit gars qui fait les cartes dans l'vieux salon de l'aut' ruelle. J'ai vrai ? J'crois pas à ces conneries de divina-je-sais-pas-quoi. Pour moi, c'est un attrape-nigaud. Balança t-il entre deux rots.

Il se tenait là, jubilant en regardant Thadée dans les yeux. Provocant. Pathétique. Il n'était plus si loin du verre de trop, et c'est ce qui inquiétait le jeune garçon. Il ne pouvait contrôler les réactions des autres, et surtout pas dans ce genre d'état. Il devait aller dans son sens, sans pour autant se laisser marcher dessus.

- Putain, t'es pas bavard toi. C'quoi ce truc autour du cou. C'bizarre. Demanda t-il.

Le jeune Vindicus plongea une main dans sa besace, sans quitter l'homme des yeux.

- Une collerette. Répliqua t-il sans plus d'explication, sortant ensuite un jeu de cartes du contenant après quelques secondes de recherche. Vous êtes disposé à entendre ma prédiction vous concernant ?

Cette fois-ci, le barbu fronça les sourcils puis, après une gorgée qui aura raison du restant de bière, frappa la table avec son verre et son poing.

- J'viens d'te dire que je croyais pas à ces conneries ! S'exclama l'homme, menaçant.
Sam 15 Oct - 12:04
Aramila était une constante. Une sorte de point suspendu dans le temps, l’espace et l’intelligence, de parenthèse sale dans un concert autrement très bien régimenté. Les gens y affluaient en flots épais et poisseux, s’accrochant à des visions qu’ils refusaient de réellement reconnaître pour ce qu’elles étaient. Tlaxlheel devait bien se l’avouer : c’était son endroit préféré. Il n’était jamais déçu de visiter l’austère cité, avec ses relents de fumier et de sueur, de gens mal rincés et mal insérés dans un monde qui refusait de les attendre plus longtemps. Il avait prêté ses forces à Opale par pragmatisme et pour s’assurer que ses appétits autant que ses ambitions seraient satisfaits. Mais c’était quand il posait son large cul dans une taverne de la ville des treize, quand il prenait avec délice la mesure des conversations qui n’avaient jamais rien à dire et des gens qui n’allaient jamais nulle part qu’il se sentait réellement plein de sang. Que ses veines épaisses se dilataient sous la pression renouvelée de son cœur, que sa bave blanche et opaque s’amoncelait sur les racines épaisses de ses défenses, qu’il sentait ce tremblement plein d’anticipation naitre de la pointe de ses cornes, et descendre jusqu’à sa bite. Il en aurait bandé, s’il n’avait pas trouvé les autochtones si laids.

C’était leur fonction. Ils la remplissaient.

Leur dévotion était un monument, plus durable que nombre de leurs chapelles et de leurs autels.

Il écouta un échange plus vif, plus productif ; ça ne manquait jamais ; une porte était poussée, une scène se dévoilait, lascive et impudique, sous ses yeux de voyeur. Un homme, grand et large d’épaules et plein d’alcool et de frustration, parlait à un jeune homme. Et leurs bouches s’agitaient, et les mots qui en sortaient s’échouaient sans jamais parvenir à s’imprimer réellement dans l’esprit de leur destinataire. Lui était petit, et chétif, et ses paroles se voulaient détachées. Il ne savait pas réellement quoi dire, ou en tout cas pas comment, et il tentait de le camoufler en se tenant à distance. L’autre était tout aussi simple : il se faisait un mouvement perpétuel, un présent qui refusait de se prolonger autrement que par la promesse de la violence. Le saraph se leva, et emporta dans son propre sillage la bouteille qu’il avait commandé.

« Moi j’suis intéressé, fit-il sans tenter de cacher la joie qu’il éprouvait en ce moment. Tu fais comment, pour lire l’avenir ? Les entrailles, le thé, les lignes de la main ? »

Il passa une main amicale dans le dos de l’ivrogne, lui faisant comprendre ses intentions. Ce dernier hésita un court moment, et son regard éteint virevolta entre la cible de son ire et le nouveau venu. Il comprit rapidement, et recula un peu, secouant ses épaules pour se débarrasser des doigts insistants du saraph, et ne pas avoir simplement l’air de battre en retraite. Il voulait après tout lui aussi voir ce qui allait advenir, et se faire voyeur à son tour. Pour le saraph, c’était un détail plaisant : il arrivait à se trouver des points communs avec les adorables herbivores qui broutaient l’herbe de ces terres. Il se pencha en avant, et plia légèrement les genoux, s’abaissant d’une dizaine de centimètres pour paraître moins grand. Il envoya devant lui sa main nouvellement libérée, ses doigts épais et griffus s’ouvrant comme les pattes d’une araignée.

« J’suis Tlaxlheel. Ravi d’te connaître, petite corne. »

Il lui décocha ensuite un sourire ravageur, révélant les deux rangées brillantes de ses dents. Il avait dévoré avant de se lever environ deux kilos de nourriture, et ces dernières brillaient pourtant de leur éclat habituel : immaculé, pur et tranchant. Quant à lui, il se demandait en ce moment comme le spectacle du jour allait bien pouvoir tourner. Il suivait, comme souvent, son envie du moment, et espérait ne pas en être déçu. C’était rarement le cas, mais tout de même. On était jamais à l’abri d’une mauvaise surprise, et Aramila était, de manière paradoxale peut-être, souvent très surprenante.
Sam 15 Oct - 12:58
La scène suivante s'était déroulée en une dizaine de secondes, mais s'était étalée tel un film aux yeux de Thadée. Il avait profité de chaque passage. L'arrivée de la créature rougeâtre. La première prise de contact. La fuite du barbu trapu. Il ne se sentait pas forcément à sa place jusqu'à présent, mais ne se sentait maintenant plus de trop. Enfin une discussion qui serait un peu plus croustillante, il en était convaincu. Vindicus regarda donc l'insatiable durant quelques secondes. Inconsciemment, il déglutit. Le cartomancien n'était pas effrayé, non. Du moins, pas du tout à cause de son apparence. Il constata juste l'inégalité de leurs capacités. Un coup de poing, et c'était terminé. Un coup de croc, terminé. Même un seul de ses doigts pouvait réduire le frêle garçon au silence. Lentement, il tendit son bras et ouvrit sa main.

« Enchanté, Taxhel. » Répliqua t-il, se trompant dans la prononciation.

Il avait essayé d'écouter au mieux et de retenir son prénom, mais avait surtout été plongé dans ses réflexions un peu trop longtemps. C'était pour cette raison qu'il n'avait pas tout de suite répondu à son nouveau interlocuteur.

« Merci d'avoir fait fuir ce mec. C'était la merde, là. » Avoua t-il, en sortant une nouvelle fois son tas de cartes. « Je ne lis pas véritablement l'avenir. Je considère plus la cartomancie comme un outil de réflexion. J'essaie de mettre en lumière les secrets de l'âme, de dévoiler au grand jour ce qui sommeil au fond des gens. »

Quelque chose ne passait pas dans la question de Tlaxlheel. Comme une arrête qu'on sent, mais qui ne glisse pas au fond de la gorge.

« Lire l'avenir avec les entrailles ? »

C'était peut-être de l'humour. Peut-être pas. Il ne savait même pas pourquoi il avait répété ces mots, à vrai dire. Qu'importe, il poussa de sa paume le tas de cartes vers la créature, plongeant son regard vers lui. La première de ces dernières qui se dévoilait sur le paquet était celle du diable. La carte numéro 15.  Un hasard.

« Mélangez le paquet. Vous avez une question précise ? » Demanda t-il.

Une consultation improvisée [ LIBRE ] Ae-wai12


Dernière édition par Thadée P. Vindicus le Dim 16 Oct - 11:33, édité 1 fois
Sam 15 Oct - 18:00
Traînant le pas dans le désert d’Aramila, le vagabond souffrait. Il n’était pas désespéré car il se savait bientôt arrivé, mais ses organismes souffraient de la chaleur et de la déshydratation. De l’Arbre Dieu de la région d’Opale, il suivait la piste d’une bête qu’il avait repoussé et traqué jusque dans ce désert. Ici, il le savait, ses chances de retrouver ses traces étaient quasiment nulles. Il avait tout de même décidé de poursuivre son voyage jusqu’à la capitale de cette région désertique. Sa forêt lui manquait déjà mais le panorama offert ici, bien que différent, était assez plaisant. Des sables de l’Epaule, jusqu’aux pyramides de Saleek, Artémis apercevait enfin Aramila. Étonnamment, le chevalier noir appréciait ce coin, encore rural, jugé arriéré, mais ô combien respirable.

Épuisé, il s’enfonça légèrement dans la capitale et décida de s’arrêta dans un bar. Sans perdre de temps, il s’installa directement au comptoir et demanda une bonne chope de bière bien fraîche, sans s’affoler sur la bière en question. Un liquide frais. C’était tout ce dont désirait le pauvre voyageur. Rien d’autre ne le préoccupait plus que cela. Une voix rauque, celle d’un homme, attira son attention. Il semblait embêter un jeune homme. Artémis n’était pas chez lui ici, et s’il le pouvait, préférait éviter les ennuis. Mais il eut à peine le temps de se lever du tabouret, épuisé, qu’une créature - qui ne lui était pas inconnue – fit son entrée. Tlaxheel le saraph. Le hasard faisait sacrément bien les choses. Il se rassit et attendit qu’on lui serve sa boisson fraîche. Quand celle-ci arrivé enfin, il la but d’une traite avant de lâcher quelques piécettes au tavernier.

Le jeune homme importuné semblait être un cartomancien. Intéressant, pensa-t-il en regardant d’un peu plus près sa technique. Le saraph passa le premier. Artémis, lui, s’approcha timidement, presque de manière inaperçue et s’installa à la table à côté. Il ne tenait pas tant que cela à être discret mais ne voulait pas déranger la séance de cartomancie pour autant. Il se contenta d’un geste de la main pour les saluer. Tlaxheel l’avait certainement repéré à son odeur. Après tout, quelques temps auparavant, ils avaient partagé un repas ensemble. Ses « affaires » l’avaient certainement menées dans ce désert dépourvu de technologie. Artémis songea néanmoins que ce coin pouvait être parfait pour se reposer en sécurité. Dans sa forêt grouillaient constamment d’affreuses créatures. Dos à sa table mais accoudé à celle-ci, les jambes croisées, le vagabond observa avec attention ce qu’il se passait.

« Salut, Tlax’. Toujours un plaisir de te croiser. », fit-il à son camarade. « Moi, c’est Artémis. Je ne crois pas avoir entendu ton nom. », reprit-il en pivotant légèrement sa tête vers l’inconnu. Au premier abord, l’homme costumé pouvait paraître froid, alors qu’il était en réalité un gentilhomme. Il fallait apprendre à le connaître un peu.
Dim 16 Oct - 6:32
Les manigances des petits humains ne cessaient jamais de le surprendre. Nombre de ses pairs attribuaient leur empressement et leur agitation stérile à leurs courtes vies. Sitôt qu’ils avaient appris à être, disaient-ils, ils étaient hantés par l’ombre de leur propre mort, qui arrivait en quelques respirations tragiques. Ils passaient leur temps à la fuir, à tout faire pour éviter de la croiser. Ils devenaient ronds et doux, pour éviter de l’attirer, comme si se recouvrir d’une couche de graisse et de sympathie était réellement capable de détourner de soi les crocs affamés. Et souvent, ils en oubliaient de vivre, se faisant pareils à des feuilles agitées par le vent. Tlaxlheel, lui avait un autre avis : leurs instincts, insidieux et réprimés, s’exprimaient autrement que chez ses propres congénères. C’était la différence entre ce qu’ils voulaient et ce qu’ils pouvaient avoir qui créait ces personnalités incomplètes. Il regarda l’individu qui se trouvait devant lui. Petit. Fragile. Ravi d’avoir une réponse positive, et si heureux de pratiquer ses petits tours. Tout cela était absolument dépaysant, et il regarda les différentes étapes de la compréhension se succéder sur la face de la créature, en même temps qu’il tentait de comprendre ce qu’il disait. Personne ne comprenait jamais ce qu’il disait, alors qu’il faisait pourtant de très grands efforts de clarté. Sans doute y avait-il là aussi un grand mystère à découvrir. Plus tard. Il attrapa le paquet entre deux doigts, les petits bouts de carton peinant à produire une sensation suffisamment forte pour qu’il l’enregistre. Un troisième doigt s’ajouta à l’assemblage, et il mélangea le paquet.

« Oh, tu sais, j’ai pas grand-chose à mettre en lumière. Suffit de me demander, et je réponds avec honnêteté, fit-il en prenant soin de cacher de nouveau ses dents derrière un sourire plus calme. Vraiment. Mais souvent, les gens ne posent pas les bonnes questions, ou ne comprennent pas les bonnes choses. C’est encore une histoire de tripes et d’entrailles, ça. Y’a des gens qui lisent la vérité dedans. J’ai essayé. J’ai pas réussi à en retirer grand-chose, à part les poncifs habituels. »

Il plongea avec plus d’insistance son regard dans celui de son interlocuteur, voulant s’assurer que ce dernier comprenne que l’on venait de quitter le domaine de la badinerie pour s’approcher tout proche de celui des choses. Des choses importantes, avec un poids conséquent. Des choses très matérielles, que l’on pouvait gouter du bout de la langue, dont on pouvait profiter sans se sentir coupable d’un affront à ses ancêtres.

« Mais ce ne sera pas ton cas, donc ? Tu vas ausculter les profondeurs de mon âme, pêcher dans mon esprit ? J’ai vraiment hâte. Quant à ma question, bah écoute, j’en ai bien une : que me faut-il faire pour perfectionner mon art ? Pour toucher l’absolu et le beau et l’éternel ? »

Il était sur le point de préciser les choses, quand il vit et entendit le nouveau venu s’exprimer. Artémis. Il était curieux de le trouver ici, loin de ses forêts et plongé tout entier dans le grand bain d’Aramila. Il y détonnait encore plus qu’ailleurs : ses vêtements étaient de manière évidente le produit d’un savoir-faire qui dépassait celui des couturiers de la ville arriérée. C’était un travail qui s’éloignait du simple et du dévot. Peu importait. Il lui adressa un signe de la main, qu’il accompagna d’un hochement de la tête. Il ne voulait pas trop distraire le diseur de bonne aventure, ce dernier lui semblant déjà assez facile à éparpiller. Et il ne voulait pas cela. Il avait besoin qu’il soit concentré et efficace, s’il voulait retirer tout ce qu’il y avait à retirer de l’expérience proposée.

Il se demandait si le petit bonhomme aurait une réponse intéressante à lui apporter. Il en doutait. Il se demandait aussi s’il serait capable de discerner certaines choses avec clairvoyance et perspicacité. Il l’espérait.
Dim 16 Oct - 13:02
Une nouvelle rencontre vint s'ajouter à la liste des allégresses qui, manifestement, n'étaient pas prévues en cette douce soirée. Un homme s'était rapproché doucement. Lentement. Méticuleusement. Il était arrivé avec respect. L'homme n'avait probablement pas voulu perturber le processus de cartomancie, ce qui offrait une conclusion positive pour le tirage de cartes. Dans cette même dynamique, l'insatiable ne lui avait pas véritablement répondu. Il semblait concentrés sur les dires du frêle garçon.

« Je m'appelle Thadée. Thadée Vindicus. » Répliqua t-il.

Il n'allait pas s'avancer plus que ça dans la présentation, et n'allait pas non plus interroger le nouvel interlocuteur sur son identité. Il lui offrit un très bref sourire coincé, signe qu'il décalait cette rencontre d'une dizaine de minutes. C'était la première fois qu'il voyait un Saraph. Il connaissait cette race, grâce aux livres, principalement. Sûrement aussi grâce aux rumeurs. À l'inverse, Artémis était moins impressionnant physiquement, probablement humain. Mais son apparence était tout aussi énigmatique. Il n'arrivait pas à l'analyser et à se faire une idée sur la personne qu'il était. Il se força à sortir de ses pensées après avoir entendu la demande de la bête. Vindicus attrapa le tas de cartes, balayant de nouveau la créature du regard. Que devait il faire pour perfectionner son art ? Pour toucher l’absolu, le beau et l’éternel ? En voilà une question plus intéressante que les éternelles interrogations frivoles qu'il recevait d'habitude. Quand les ex-conjoints allaient ils rentrer ? Quand allaient ils les aimer de nouveau ? Quand allaient ils les pardonner ? Plus spécifiquement, comment le consultant pouvait il toucher la richesse et la gloire du bout des doigts ? Ennuyant. Le cartomancien étala les cartes en éventail et tenta d'attraper la main de la bête. Il n'arriva à saisir que deux de ses doigts avec la sienne. Qu'importe. De l'autre, il piocha sans aucune hésitation dans le tas. Soixante-dix-huit cartes. Une multitude de choix. Une mosaïque de possibilités. Après deux secondes, il retourna et dévoila une image. L'Arcane Majeur numéro XVII : la Lune. Il en piocha une deuxième, puis une troisième. L'Arcane Mineur du Cavalier de Bâtons ainsi que l'Arcane Majeur IV : l'Empereur. Il fixa le résultat un instant, puis regarda son consultant.

« Le tirage m'indique que de nombreuses choses sont terrées au sein de votre inconscient. Même si vous n'avez pas grand chose à mettre en lumière, comme vous dites, elles demeurent présentes et grandissent en vous. En parallèle, la figure d'autorité est sortie. Le père. La domination. La figure d'autorité qui peut s'avérer impitoyable et destructrice. Vous avez une détermination imposante, une impulsivité insatiable.» Dit-il.

La cartomancie était basée sur l'effet Barnum, désignant une sorte biais cognitif qui pousse les individus à accepter les choses et les descriptions comme étant personnelles et spécifique à l'individu. Thadée ne souhaitait pas trouver la vérité dans ses tirages. Il souhaitait faire réfléchir les consultants et les pousser à remettre en question chaque parcelle de leur existence afin qu'ils tendent à devenir de meilleures personnes. Vindicus fronça un sourcil. Il voulait être plus précis concernant la carte de la Lune. Concernant l'inconscient. Il tira deux nouvelles cartes, qu'il disposa sur cette dernières.

« Le Huit d'Épées et l'Arcane Majeur XIII : la Mort.» Poursuivit t-il. « Les gens sont souvent effrayés par la carte de la mort. Je ne suis pas d'accord. C'est un signe avant-coureur de transformation. Elle vous impose et vous rappelle l'obligation de vous débarrasser de ce qui est ancien et familier afin de vous tourner vers un nouvel être. Rompez avec vos habitudes, avec l'emprisonnement pour accueillir de nouveaux changements. De nouvelles possibilités. C'est de cette manière que vous avancerez vers votre objectif. »

Il laissa les cartes ainsi durant quelques secondes, avant de fermer l'éventail d'un seul geste de la main, signe que la consultation était terminée. Il ne se laissa pas rentrer dans un jeu de question-réponse. Il ne pouvait pas être plus précis avec les moyens qu'il avait, avec tout ce brouhaha. Désormais, une nouvelle personne était présente et il ne souhaitait pas le mettre d'une quelconque manière de côté. Son regard jonglait désormais entre les deux individus. Il n'attendait pas spécialement une réponse de Tlaxlheel, mais était tout de même curieux d'entendre cette dernière. Si Vindicus pouvait faire réfléchir la bête, ce serait une victoire. Si cette dernière n'était pas touchée et voyait désormais Thadée comme un charlatan hérétique, ça ne ferait qu'une personne de plus sur cette longue liste. Lui laissant le temps de digérer, il se concentra sur l'homme masqué.

« Je suis cartomancien à Aramila depuis quelques années. Je possède mon salon de divination à trois rues d'ici. Artémis, c'est ça ? Enchanté. » Conclut il en analysant de nouveau l'homme.
Jeu 20 Oct - 19:57
Artémis, choppe à la main, observa la séance de cartomancie, silencieusement, mais avec beaucoup d’attention. Il ignorait totalement d’où pouvait venir un tel don de divination. N’ayant jamais eu l’expérience d’un tel moment, le vagabond ne savait pas si ces séances étaient concluantes ou non. Difficile de se faire une idée sans essayer et l’occasion semblait se présenter. Avant de commencer, le jeune homme se présenta. Son nom ne lui disait rien mais il était satisfait de mettre un nom à ce visage. Deux cartes furent tirées. Au début, leur signification échappa complètement à la chauve-souris, mais les réponses arrivèrent bien assez vite. Du charabia. Il tourna discrètement l’œil pour observer la réaction de son compère, curieux de voir s’il y comprenait quelque chose. Evidemment, difficile de lire quoi que ce soir sur le saraph. Artémis savait seulement que tout ce que penserait un humain dans cette situation serait perçu différemment par ce dernier. Il fut sortit de ses songes quand le cartomancien prit la parole pour lui parler.

« Enchanté, Thadée. Je n’ai pas réellement de profession. J’habite non loin de l’Arbre-Dieu, dans la région d’Opale. Disons que je suis un… Observateur ? Comment définirais-tu ce que je fais, Tlaxheel ? », rétorqua Artémis en se tournant vers le saraph. Mais il enchaîna rapidement. Le moment ou jamais de s’essayer à cet art. Il devait saisir l’occasion. « Dis-moi, jeune cartomancien, serait-ce possible de te solliciter ? Je n’ai jamais eu la chance d’être confronté à une personne possédant tes dons et l’occasion me semble trop rare pour l’ignorer. Je dois te poser une question, n’est-ce pas ? »

Le vagabond resta songeur quelques instants. Des questions, il y en avait à la fois tellement et pas assez. Le monde allait inévitable être bousculé. La guerre est aux portes d’Aramila, les bêtes les plus terrifiantes en train de se densifier, la brume s’agitait… Bref, d’ici peu de temps, quelque chose va se passer. Pourtant, Artémis n’était ni cartomancien, ni devin, ou quoi que ce soit d’autre. Simplement un homme qui explorait les différentes contrées et qui faisait ses observations. Son boulot, celui qu’il s’était lui-même attribué, était de protéger le plus de gens possible. La majorité du temps, n’étant qu’un simple humain, il se contentait de la forêt du Val d’Opale, déjà très dense. Mais il lui arrivait de vagabonder dans d’autres régions et de rendre service aux personnes démunies. La question devenait évidente.

« Des bouleversements auront lieu prochainement. Bientôt, dans un avenir relativement proche. Je ne vois pas l’avenir mais cela n’aura échappé à personne. Les voyageurs, les explorateurs, savent très bien de quoi il en retourne. Ma question est simple : aurais-je un rôle dans ce cataclysme ? Si oui, lequel ? »

Artémis se moquait d’être un héros. Il savait ce qu’il avait à faire. Non. Ce qu’il désirait, c’était de savoir s’il sera utile pour l’humanité. Si non, il devrai rapidement prendre des dispositions pour le devenir. Tout seul, il se savait impuissant. Sauf qu’il n’était pas seul et cela ne lui échappa guère. Dans ses nombreuses missions, il a toujours croisé du beau monde, prêt à combattre pour le bien commun. Parfois en échange de rémunération, parfois de bon cœur. Parfois les deux. Il était prêt à relever tous les défis.
Ven 21 Oct - 13:08
Il écouta la petite créature, qui semblait se transformer quand venait le temps de tripoter ses cartes. D’une espèce de petite chose chétive et craintive, qu’un vague courant d’air aurait pu enlever à l’emprise de la gravité, il devenait un érudit sérieux. Son regard se faisait droit et concentré, son ton abandonnait ses intonations désincarnées, et il parlait avec franchise, devenant brusquement capable d’aligner plus de quatre mots. Cela au moins méritait d’être reconnu : il était possédé d’une réelle passion pour son art. Que ce dernier soit fonctionnel ou pas n’était pas selon Tlaxlheel particulièrement important. Non. Ce qui comptait réellement, ce qui avait la valeur d’une bonne pierre introduite entre les plis des tripes, c’était l’énergie dépensée. Le mouvement. La passion. Le feu qui brûlait en soit. Chez les humains, ce dernier avait, lorsqu’il lui venait des velléités de grand brasier, des allures de flammèche. Ces êtres vivaient leurs vies comme leur nature l’imposait : ils broutaient. Mais parfois, leurs regards placides se levaient vers autre chose, et le vert humide de l’herbe maintes fois digéré prenait d’autres teintes.

On lui parla de son inconscient. Des secrets enfouis au sein de ce dernier. Des secrets qui grandissaient en lui. Ca ne démarrait pas spécialement bien. L’idée que l’intégralité de la population avait des parts d’elle-même qu’elle refusait de voir était un cliché idiot, qui servait justement à justifier la docilité caractéristique de ces gens. Ils la devaient au reste de leur troupeau, mais aussi à eux-mêmes. Et ceux d’entre eux qui s’affranchissait de cette illusion, qui se voyaient réellement clairement étaient les premiers à perpétuer la grande illusion. Il ne commenta pas. Il se voyait parfaitement clairement, des instincts les plus glorieux aux petits manquements du quotidien. Sa culture l’imposait, et lui-même n’avait aucun problème à le faire, pour une raison simple : il s’aimait avec une puissante intensité. Au moins avait-il raison en parlant de sa détermination et de son impulsivité. N’importe quelle personne s’étant penchée un tant soit peu sur les traits communs de sa race pouvait arriver à la même conclusion. C’était encore une fois une des grandes différences entre eux ; le plus veule des saraphs passait auprès des races atrophiées pour un bloc inflexible et monolithique, un condensé pur de volonté.

Il continua en lui parlant de la mort, et en lui indiquant de tuer la monotonie de son quotidien. Là encore, c’était curieux : il faisait tout pour que sa vie soit un enchainement de surprises et d’expériences nouvelles, et pouvait le dire sans faire preuve de la moindre arrogance : peu de personnes, saraphs ou non, vivaient avec la même intensité que lui. Mais il pouvait là aussi le comprendre, et cela mettait en lumière quelque chose qui avait déjà questionné ses pensées. Peut-être pouvait-il faire mieux encore, abandonner toute prudence : les choses les plus merveilleuses demandaient toujours les sacrifices les plus terribles. Peut-être devait-il chercher plus, et repousser plus encore les limites. Après tout, le simple fait de reconnaître ce terme voulait dire qu’il n’était pas totalement libre de s’emplir de révélations nouvelles et de lumières formatrices. Il grogna discrètement, et hocha la tête, laissant Artémis enchainer. Il n’était globalement pas particulièrement ébloui par l’habileté du cartomancien : ce dernier restait timidement sur les rivages sages, et l’ironie mordante de la chose restait qu’il ne pouvait pas voir que le conseil qu’il venait de prodiguer lui aurait été bien plus approprié.

Il se pencha tout de même en avant, voulant profiter de la réponse qu’appelait la question d’Artémis. Comme lui, il pensait que le monde se dirigeait rapidement vers une période de changement. A la différence de ce dernier, le saraph ne doutait nullement de son implication dans celle-ci. Elle n’était pas négociable, et il entendait y jouer un rôle frontal, majeur et sans partage.

« J’aurai à te questionner encore, ajouta-t-il après que l’homme en collants eut terminé de parler. Mais réponds-lui avant. »

Il avait sous les doigts quelque chose d’amusant. C’était rare, et on venait après tout de lui dire de rester ouvert aux choses nouvelles. Il doutait que le diseur de bonne aventure aurait été enthousiasmé de connaître les projets qui surnageaient en ce moment dans la conscience du saraph, mais comme il l’avait si poliment indiqué, ce n’était pas important. La mort était un terreau fertile, et même sans en arriver à la fin de ce qu’il voyait maintenant se dessiner, elle n’était pas à craindre.

Qu’il ne soit pas dit qu’il repousse les tentatives des autochtones d’un revers rapide et méprisant de la main.
Sam 22 Oct - 12:42
L'Arbre-Dieu ? Vers Opale ? Le cartomancien ne connaissait pas particulièrement cette région, à vrai dire, probablement parce qu'il ne voyageait que très peu. Après s'être présenté un peu plus en profondeur, l'homme costumé posa également une question. Thadée n'était pas spécialement habitué aux consultations à plusieurs. Son cerveau jonglait entre deux individus visiblement bien différents, ce qui n'était pas un exercice forcément simple. Qu'importe. Artémis cherchait des réponses, il se devait d'essayer d'y répondre. Il lui donna les cartes à mélanger, avant de les reprendre. Après avoir attrapé la main de son consultant, bien mieux proportionnée que la précédente, il effectua cette fois-ci un tirage en croix. Première carte, en haut, l'Arcane Majeur du Chariot. Deuxième, à gauche, l'Arcane Mineur du Trois de Pentacles. Troisième, à droite, l'Arcane Mineur du sept de Coupes. Quatrième, en bas, l'Arcane Mineur du six de Bâtons. La dernière carte sera posée au centre, il s'agira du Cavalier d'Épées.

« Vous semblez avoir défini votre objectif. C'est bien. Maintenant, prenez les rênes et ne les lâchez pas. Vous allez devoir galoper vers cette destination sans relâche. » Commença enfin le cartomancien, après quelques secondes de réflexion. « En permanence, l'Univers nous offre la possibilité d'aller plus loin. De foncer avec détermination. En chemin, vous devez faire des choix et choisir la meilleure route à suivre. »

Thadée s'arrêta quelques instants, prenant une gorgée de sa boisson. Il tourna également les cartes pour qu'elles soient en direction d'Artémis, et posa son doigt sur la deuxième carte.

« Des compétences, des idées, des énergies et rôles divers... Mis en commun pour créer le monde de leurs rêves. La cocréation n'est pas seulement une opportunité d'apprendre des autres, c'est aussi le moyen de mettre les énergies en commun pour créer ce qui n'aurait jamais vu le jour par une seule personne. » Continua Vindicus, n'hésitant pas à faire quelques pauses en cours de route. « Des obstacles seront forcément à franchir, la vie s'apparente parfois à un jeu de serpents et d'échelles et vous feront descendre pour mieux vous faire remonter. Malheureusement, il n'existe aucun moyen de prévoir réellement l'avenir. Utilisez votre intention pour prendre vos décisions. Vous devez réfléchir aux meilleurs choix et vous en servir comme d'un tremplin vers une expansion perpétuelle. »

Encore une fois, il fit une pause. Cette fois-ci, autant pour Artémis que pour lui. Le cartomancie lui demandait beaucoup d'énergie et de concentration. Chaque carte possédait un message et une intention propre pouvant évoluer selon sa position.

« Donnez le meilleur de vous-même. Le mouvement ainsi créé changera tout, pour le meilleur. Agissez. » Termina t-il.

Encore une fois, Thadée ne répondit pas directement à la question de son interlocuteur. Il ne donnait pas son propre avis, il transmettait le message des cartes et laissait donc Artémis réfléchir de lui-même. Après avoir rassemblé de nouveau son tarot, il se tourna vers la créature rougeâtre.

« Oui ? » Répliqua t-il.

Une autre demande ?
Mar 25 Oct - 14:38
Il ne savait pas s’il ressentait de la déception ou de l’incompréhension. Si l’on résumait ce qui avait été dit, Artémis devait continuer sur cette voie. Il avait bien compris qu’il ne s’agissait pas ici de divination, mais son esprit simplet d’être humain en attendant davantage. Cependant, si l’on se creusait un peu plus sur le sens de ces paroles, le vagabond devait au contraire prendre les devants, continuer dans cette direction mais prenant lui-même les initiatives, pas seulement se laisser aller au gré du vent. Il lui laissa le temps de boire sa boisson, mais il y avait déjà matière à la réflexion.

Le passage sur la mise en commun d’énergies et d’idées signifiait probablement de s’ouvrir aux autres. Le seul regret fut été que cela ait été dit non loin de Tlaxheel. En effet, ce dernier avait déjà proposé son aide au vagabond qui la déclina respectueusement. Un jour, peut-être, le saraph obtiendra ce qu’il désir. Pour l’heure, Artémis garda simplement en tête le fait de s’ouvrir au monde qui l’entourait. Ne pas vivre son aventure seul, sans quoi il ne toucherait jamais à son but. Le vagabond resta stoïque, imperturbable, accentuant davantage cette impression avec ce costume qui dissimulait toute réaction de sa part.

« Hm. Je vous remercie pour ces éclaircissements, Thadée. », fit-il respectueusement.

Il voulut faire la blague au saraph, qu’il devait accepter l’aide des autres, mais il craignait de réellement le regretter. Alors il ne fit rien. Le démon attendait justement son tour. D’autres questions lui taraudaient l’esprit. C’était un être fantastique qui n’avançait pas seulement avec ses gros bras, mais beaucoup avec sa matière grise. Artémis avait sa réponse, il s’écarta donc un peu pour laisser la place au cartomancien et au saraph. Donner le meilleur de soi, l’ermite savait le faire, la direction à prendre était donc assez claire pour lui. Satisfait de cette simple réponse, il but sa chope avec bonne humeur.

Du reste, il resta silencieux et attendit les questions de Tlaxheel. Le peu qu’il le connaissait présageait quelque chose d’intéressant.
Lun 31 Oct - 8:10
La réponse, encore une fois, n’avait pas été particulièrement éclairante. C’était sans doute le but, et il se demanda si monter à Opale une entreprise de diseurs de bonne aventure pourrait fonctionner. La cité se voulait un bastion du progrès technologique, social et mercantile, et plaçait donc l’esprit de raison et d’entreprise comme point central. Paradoxalement, cela voulait dire qu’il y avait sans doute un marché très juteux qui s’adressait aux incertains de ce tourbillon constant. Deux choses se vendaient toujours facilement : le rêve, quand on était pauvre, et la certitude, quand on était riche. C’était une idée intéressante, qu’il se promit de garder sous le coude. Après tout, ses soirées étaient déjà connues pour permettre nombre de folies. Une de plus ne serait sans doute rien de particulièrement choquant. Pour le moment, il fallait rester concentré sur l’instant présent. Ses délicieux projets pouvaient encore attendre, surtout quand le morceau présenté devant lui se révélait suffisamment distrayant pour lui faire oublier la monotonie de la ville-dévote.

« Quel sacrifice serait trop grand ? questionna-t-il brutalement après s’être muré pendant quelques secondes dans le silence. »

Il connaissait déjà la réponse. Rien de ce qu’on pouvait lui dire ne pourrait jamais infléchir sa course. Il doutait également que la petite chose en face de lui dispose réellement de dons de voyant. Mais si jamais c’était le cas, c’était alors une opportunité merveilleuse. Un de ses grands problèmes était, encore et toujours, qu’il était difficile de trouver des personnes capables d’apprécier pleinement son art. Et d’aventure le voyant possédait réellement des dons extralucides, alors il ne pouvait pas décemment passer outre cette opportunité ; il voulait qu’il voit ; s’il ne voyait pas, il aurait sans doute à lui montrer, et après cela à lui reposer certaines questions, pour voir si l’imposition de la vérité aurait été suffisante à le faire changer d’avis. Il espérait que non. Il y avait, dans l’innocence inconséquente de nombre des autochtones, quelque chose de très charmant. De presque attachant. Même le bon Artémis, dans son costume cuir-de-nuit et plein de ses promesses mortifères, possédait un peu de cette légèreté réjouissante. Il voulait en deviner la source, et s’y abreuver goulument.

Comme tout ce qui était caché et précieux, le lait et le miel qui composaient les âmes des petits bipèdes l’appelait, et excitait tous ses instincts.

Mais pour l’heure, se fustigea-t-il pour la troisième fois en quelques minutes, il fallait converser au présent. Les choses douces viendraient, un jour. Il n’en doutait aucunement, il en avait la certitude la plus absolue.
Mar 1 Nov - 14:29
L'homme masqué semble satisfait des réponses apportées par le cartomancien, du moins, il n'exprime plus d'autres questions pour l'instant. Thadée rassemble ses cartes avant de ranger son paquet dans sa besace. Il sort ensuite un autre tarot, aux illustrations bien différentes. Plus complexes. Plus sombres, peut-être. Cela ne change rien au processus de divination, il s'agit seulement de repartir sur des énergies neutres. Les précédentes interrogations sont mises de côté, pour le bien de cette ultime question.

« Alors... Quel sacrifice... Serait trop grand...? » Répète t-il en chuchotant d'une manière saccadée.

Il étale ses cartes fraîchement déballées et les écarte encore une fois en éventail. Pas sans hésiter une seconde, il attrape la main de la créature ardente pour la placer au dessus de la table. Une dizaine de centimètres au dessus des cartes. Il guide et bouge cette dernière en fermant ses propres yeux, puis abaissera la main du Saraph contre la table. La carte du destin sélectionnée par les énergies du consultant et par l'instinct du cartomancien. Le frêle homme retourne cette dernière face contre ciel, dévoilant l'Arcane Majeur XV : le Diable. Cette carte montre un diable cornu, mi-homme, mi-bouc, aux ailles de chauve-souris. Au dessus de son front, un pentagramme renversé témoigne de sa magie noire et de ses intentions maléfiques. Enchainés à ses pieds, se tiennent un homme et une femme. Leurs cornes naissantes et leur queue animale indiquent qu'ils sont déjà dangereusement sous l'emprise du démon. Leurs chaînes, pourtant, sont lâches autour de leur cou et, s'ils le veulent, ils peuvent s'en défaire aisément.

« Cette carte vient mettre en lumière, avec crudité, tout ce qui nous enchaîne et qui nous maintient prisonniers, tout ce qui nous empêche de nous sentir totalement libres. Cependant, il ne s'agit pas d'entraves imposées par l'extérieur, mais plutôt de jougs auxquels nous nous assujettissons nous-mêmes, volontairement. » Commence t-il calmement. « Cela peut prendre la forme d'addictions, de mauvaises habitudes, de travers nocifs mais dont nous ne parvenons pas à nous défaire. Celle lame est formelle, Tlaxlheel, vous devez vous en débarrasser. »

Une fois le message du Diable énoncé, il range ses cartes, fixant son consultant.

« Vous devez vous confronter à ces comportements toxiques. La carte vous amène à vous redresser, à vous élever et à faire de vous un être libre. » Poursuit-il.

Les réponses sont toujours présentes au fond de nous. C'est à la créature de trouver les siennes et de les faire ressortir à la surface. Encore une fois, comme toujours, Thadée espère juste que son tarot puisse mettre en lumière les réponses de l'Univers. Ce sera au consultant, en l'occurrence au Saraph, de faire le reste. Le frêle garçon range ses affaires dans son sac de fortune et, après avoir écouté l'ensemble des réponses de ses interlocuteurs, se lève poliment.

« Monsieur Artémis, ce fut un honneur. Merci pour votre curiosité et pour votre consultation improvisée. Vous êtes et serez utile au monde. N'en doutez pas. » Dit-il, offrant un rapide sourire crispé par la même occasion.

Il se tourne vers la bête cornue.

« Tlaxlheel, même chose. Merci d'avoir fait fuir la brute alcoolique, et merci pour vos questions. Je vous souhaite de trouver les réponses que vous cherchez. N'oubliez pas, chaque chose sur cette planète grise à un prix. » Ajoute t-il, avec la même mimique.

Puis, il s'en va aussi discrètement qu'il était arrivé dans cette taverne, sans un regard en arrière. Il n'en doute pas, les chemins des trois individus se recroiseront de nouveau. Du moins, il l'espère.