Lun 3 Juin - 16:01
Si le quartier de Khar-Toba n'était pas forcément l'emplacement le plus rentable pour un racket, le calme environnant et la relative discrétion de celui-ci, malgré sa localisation proche du centre de la cité, rendait l'entreprise bien plus facile. Et si Dustum avait survécu aussi longtemps dans le métier, c'était aussi parce qu'il choisissait toujours l'option de facilité -et avait autant d'ambition qu'un flétan sur un étal de poissonnerie. Pour lui, sa vie se résumait à parcourir les six ou sept commerces du quartier, récupérer sa paie hebdomadaire, donner sa part à ses supérieur, casser une vitre ou deux si les comptes n'étaient pas bon, mais rarement plus. Ses victimes en avait d'ailleurs pris leur parti, et le voyaient plus comme un protecteur contre d'autres prédateurs que comme un réel prédateur lui-même. Quelqu'un que l'on voyait pour régler les choses à l'amiable, avant de consulter la police. C'était après tout le but de tous les rackets, en fin de compte; se substituer au pouvoir et créer son propre réseau souterrain.
Mais Dustum savait qu'il était parfois un peu trop complaisant. Et aujourd'hui ne faisait pas faute.
"Qeyima, viens-donc parler en privé. Hannah, apporte-nous du café."
Sous la cape grise, massive et feutrée, Dustum peinait à voir l'expression de son interlocutrice, affectueusement nommée Qeyima dans le quartier. La réputation de Qeyima relevait d'une certaine mystique et d'une mystique certaine; beaucoup de gens la connaissaient, beaucoup savaient qu'elle était aussi ancienne que la librairie. Pour une raison simple, d'ailleurs : beaucoup avaient été autrefois sur les bancs de ses classes, se déroulant à même l'établissement.
"Ahavah... J'en ai parlé avec Skobelev."
Le regard de l'erelim, patricien, sévère, et impénétrable en même temps, déstabilisait toujours Dustum. Là où le temps l'avait vu vieillir et la guerre le défigurer, elle n'avait pas pris la moindre ride. Elle avait peut-être l'apparence d'une humaine, mais les capes qu'elle portait pour dissimuler ses ailes et son apparente jouvence ne laissait aucun doute sur le fait qu'elle était quelque chose de plus... et quelque chose de moins en même temps.
"Il a trouvé quelqu'un."
Quelqu'un d'assez stupide, ajouta-t-il in petto.
"Le fait est que la nature de l'expédition est... sensible, nous a poussé à chercher... hors d'Aramila."
"Epistopoli ?" Le seul mot prononcé par la grigori suintait d'un mépris presque palpable.
"Non, bien sûr que non... Xandrie, plutôt," se rattrappa Dustum. "Bien sûr, le voyage a été à vos frais, avec le prix décidé la semaine dernière," fit Dustum avec un sourire carnassier. "Mais la personne en question est très compétente. Skobelev s'en est assuré."
Pendant un bref instant, dans une démarche presque humaine, elle roula des yeux et sorta une enveloppe qu'elle posa sur la table. Un autre instant plus tard, et celle-ci avait disparue. Un silence s'installa, que Dustum eut presque envie de rompre pour parler chiffons, mais l'un de ses fils accourut lui chuchoter à l'oreille. Son visage balafré se fendit d'un sourire.
"Notre invitée arrive. Comme convenu, le salon est à vous. Tu peux compter sur ma discrétion."
Ahavah n'en avait aucun doute. L'invitée n'était même pas rentrée que Dustum avait déjà sorti l'argent de l'enveloppe, réfléchissant déjà à combien d'argent pouvait-il soutirer encore en prétextant d'autres frais cachés. Quant à la commanditaire aux ailes noires, elle resta silencieuse, attendant l'entrée de sa potentielle commanditée en buvant sa tasse de Gehvé -une infusion de grains de café et de cardamome qui n'avait de "café" que le nom. Aussitôt la gorgée brûlante passée, sans regarder la nouvelle arrivante, le sourire aveugle, elle la salua.
"Bienvenue dans l'Aramilan, efendim."
Mais Dustum savait qu'il était parfois un peu trop complaisant. Et aujourd'hui ne faisait pas faute.
"Qeyima, viens-donc parler en privé. Hannah, apporte-nous du café."
Sous la cape grise, massive et feutrée, Dustum peinait à voir l'expression de son interlocutrice, affectueusement nommée Qeyima dans le quartier. La réputation de Qeyima relevait d'une certaine mystique et d'une mystique certaine; beaucoup de gens la connaissaient, beaucoup savaient qu'elle était aussi ancienne que la librairie. Pour une raison simple, d'ailleurs : beaucoup avaient été autrefois sur les bancs de ses classes, se déroulant à même l'établissement.
"Ahavah... J'en ai parlé avec Skobelev."
Le regard de l'erelim, patricien, sévère, et impénétrable en même temps, déstabilisait toujours Dustum. Là où le temps l'avait vu vieillir et la guerre le défigurer, elle n'avait pas pris la moindre ride. Elle avait peut-être l'apparence d'une humaine, mais les capes qu'elle portait pour dissimuler ses ailes et son apparente jouvence ne laissait aucun doute sur le fait qu'elle était quelque chose de plus... et quelque chose de moins en même temps.
"Il a trouvé quelqu'un."
Quelqu'un d'assez stupide, ajouta-t-il in petto.
"Le fait est que la nature de l'expédition est... sensible, nous a poussé à chercher... hors d'Aramila."
"Epistopoli ?" Le seul mot prononcé par la grigori suintait d'un mépris presque palpable.
"Non, bien sûr que non... Xandrie, plutôt," se rattrappa Dustum. "Bien sûr, le voyage a été à vos frais, avec le prix décidé la semaine dernière," fit Dustum avec un sourire carnassier. "Mais la personne en question est très compétente. Skobelev s'en est assuré."
Pendant un bref instant, dans une démarche presque humaine, elle roula des yeux et sorta une enveloppe qu'elle posa sur la table. Un autre instant plus tard, et celle-ci avait disparue. Un silence s'installa, que Dustum eut presque envie de rompre pour parler chiffons, mais l'un de ses fils accourut lui chuchoter à l'oreille. Son visage balafré se fendit d'un sourire.
"Notre invitée arrive. Comme convenu, le salon est à vous. Tu peux compter sur ma discrétion."
Ahavah n'en avait aucun doute. L'invitée n'était même pas rentrée que Dustum avait déjà sorti l'argent de l'enveloppe, réfléchissant déjà à combien d'argent pouvait-il soutirer encore en prétextant d'autres frais cachés. Quant à la commanditaire aux ailes noires, elle resta silencieuse, attendant l'entrée de sa potentielle commanditée en buvant sa tasse de Gehvé -une infusion de grains de café et de cardamome qui n'avait de "café" que le nom. Aussitôt la gorgée brûlante passée, sans regarder la nouvelle arrivante, le sourire aveugle, elle la salua.
"Bienvenue dans l'Aramilan, efendim."