Mar 13 Fév - 20:54
Tiens toi à carreau
Si tu ne veux pas cueillir les trèfles
Mes talons claquent avant que je ne me retourne pour quitter l’office d’Amalia. Pas de partie d’échec sur plateau cette fois, me voilà cavalier solitaire sur un terrain de jeu beaucoup plus grand. Il me faut trouver tous les pions pour mettre en échec le Roi de cette farce et récupérer notre Reine, rétablir la vérité. Mes pas me guident automatiquement jusqu'à mon bureau, je dois tout rassembler pour savoir par où commencer.
Le dossier entre les mains, je commence à fureter le long des couloirs. Amalia m’a déjà dégrossi le tableau : une cargaison de plusieurs centaines de nascents en provenance d’Opale a transité chez nous avant de disparaître dans l’un des entrepôts de la résistance. Elsbeth s’est dénoncée pour apaiser les tensions, contre-productif puisque son bras-droit est venue pas plus tard que ce matin dans le bureau de la Commissaire pour prévenir d’une possible émeute si leur guide n’est pas libérée. Sans oublier la puissance des nascents disparus … Ils peuvent vite mettre à mal notre pays. Mission un : apaiser les tensions, mission deux : retrouver les nascents, mission trois : arrêter les vrais coupables … Une mise à l’épreuve des plus coriaces pour la jeune Commandante du Guet. Nul doute que certains voudront me voir échouer, je leur prouverai le contraire.
Les yeux rivés sur mes pages, je ne vois pas l’homme arriver en face de moi et nos épaules se bousculent. Je marmonne une vague excuse et la voix qui me répond m’est inconnue. Je me retourne, trop tard, il a disparu. Sur le coup, je ne réalise pas vraiment et je rentre dans mon bureau où tout est parfaitement rangé. J’ai toujours apprécié l’ordre. Je pose le rapport sur la table avant de m’asseoir quelques instants. Amalia souhaite garder ses contacts avec Elsbeth et son bras droit. Je n’ai pas beaucoup de piste à part la révolution à qui m’adresser, et leurs membres sont remontés contre le Guet car nous avons leur cheffe. S’ils comprenaient qu’il s’agit là d’une question de sécurité plutôt que d’arrestation … Je n’ai pas grand chose à me mettre sous la main. Une question me taraude depuis le début de cette affaire : à qui sont destinés les Nascents ? Je ne suis pas certaine que le Magistère ait pour habitude d’en envoyer de telles quantités. Qui ? Et pourquoi ?
En refermant la chemise, je remarque une enveloppe qui n'aurait pas dû être là. “A l'attention de la Commandante Shizo Fà” peut-on y lire. En l'ouvrant, une lettre pliée, le genre de lettre officielle qui ne l'est pourtant pas la moins du monde lorsque j'en découvre le contenu. Comme une aide tombée du ciel, il est question des Nascents. Une date et un lieu de rendez-vous y figurent. Un traquenard ?
Par réflexe j'attrape le médaillon qui pend autour de mon cou, caressant la cruche de la pulpe de mes doigts. J'ai deux jours devant moi avant de me rendre, ou non, à cette rencontre.
L'enseigne illumine les pavés humides de la rue, se reflétant dessus. “Le Bambou Royal” est un de ces restaurants réputés et spécialisés. J'hésite encore quelques instants à y entrer, jouant avec mon médaillon. J'ai beau m’être escrimée pendant ces dernières quarante-huit heures, je n'ai pu qu'approcher quelques connaissances d’Elsbeth qui n'avait pas eu grand chose à clamer à part l'innocence de leur amie. J'attends toujours une réponse de nos amis Opalins sur cette affaire et ce qu'ils seraient à même de me révéler. Et me voilà dans le quartier Est de la Juste à parier mon avenir sur l'inconnu. Je déteste ça mais après tout, je n'ai rien à perdre. Du moins je l'espère. J'ai repéré les différentes sorties du restaurant la veille, me préparant au pire. Rangeant mon bijou sous mon kimono - autant éviter de me faire remarquer pour un rendez-vous si officieux en laissant ma tenue de garde au placard - je me dirige directement au comptoir habillé de bois laqué et de décoration dorée, comme indiqué sur les instructions laissées par mon interlocuteur.
°°Bonjour, je souhaite goûter le sushi fourré°° dis-je sans autre forme de politesse. Autant aller droit au but.
Sans un mot il acquiesce et me fait signe du menton de suivre un serveur qui s'approchent de moi. Ma senestre serre subrepticement le couteau à ma hanche. Pas d'arme à feu pour ce soir, seul ma bague ornée de son nascent et mes dagues de lancer. Suffisant pour me trouver une échappatoire, en espérant qu'il n'y en ai pas besoin. L'on m'amène en silence dans une arrière salle, traversant un couloir agrémenté de tableaux où des paysages Xandriens sont peints avec réalisme. Deux femmes m'attendent sagement, me saluant respectueusement. J'écoute de mon oreille mécanique, les sons de la salle de restauration ne me permettent pas d'identifier avec certitudes ce qui m'attend. Ils sont trois visibles mais derrière, encore d'autres personnes semblent présents. Autant de monde pour moi … ma méfiance s'accentue. Je commence à comprendre que mon interlocuteur n'est pas le poivron du coin qui aurait certaines informations à divulguer contre quelques Astras. Non, nous étions plutôt sur une organisation. Un cartel ?
Je ne me fais pas d'illusion en attendant la sentence. Je fais un pas en avant passant sous un détecteur de métaux qui ne manque pas de s'allumer, l'on me stoppe pour me fouiller.
°°Je suis Commandante du Guet, je n'ai pas à subir quelconque palpation.°° m’énervé-je en écartant les mains de la femme.
°°Vous pouvez garder vos armes, nous nous assurons seulement que rien ne puisse compromettre cette rencontre.°° dit-elle de bonne foi.
Parfois il faut savoir mettre son égo de côté, d'autant que je suis de plus en plus intriguée par cet interlocuteur mystère. Je laisse donc la garde du corps vérifier qu'aucun attirail illicite n'entrave mon entrevue avec X. Pas de geste déplacé, tout le monde reste professionnel, je prends mon mal en patience avant qu'on accepte de me conduire, enfin, à la personnalité du moment. Après deux autres portes chacune gardée par deux autres garde du corps, je me retrouve rapidement avec une dizaine d'individus dans les pattes. J'ai sous estimé la personne que je m'apprête à rencontrer, pas étonnant qu'il m'ait laissé mes trois couteaux avec tout ce beau monde.
Une grande porte s'ouvre sur une pièce luxueuse, des fleurs fraîches embaument l'air. À mon arrivée, un joueur de guqin frôle les cordes de son instrument d'où sort une douce mélopée, troublant une nouvelle fois mon audition améliorée. La table, unique, au centre de la pièce, et prête à m’accueillir, deux couverts y sont installés. La lumière des lampions est douce, laissant dans l'ombre mon hôte. Je ne m'attendais pas à un rendez-vous galant …
°°Et à qui ai-je l'honneur ?°° demandé-je, debout face à l'ombre, aussi froide que le pic de la Glace Ardente.
Le dossier entre les mains, je commence à fureter le long des couloirs. Amalia m’a déjà dégrossi le tableau : une cargaison de plusieurs centaines de nascents en provenance d’Opale a transité chez nous avant de disparaître dans l’un des entrepôts de la résistance. Elsbeth s’est dénoncée pour apaiser les tensions, contre-productif puisque son bras-droit est venue pas plus tard que ce matin dans le bureau de la Commissaire pour prévenir d’une possible émeute si leur guide n’est pas libérée. Sans oublier la puissance des nascents disparus … Ils peuvent vite mettre à mal notre pays. Mission un : apaiser les tensions, mission deux : retrouver les nascents, mission trois : arrêter les vrais coupables … Une mise à l’épreuve des plus coriaces pour la jeune Commandante du Guet. Nul doute que certains voudront me voir échouer, je leur prouverai le contraire.
Les yeux rivés sur mes pages, je ne vois pas l’homme arriver en face de moi et nos épaules se bousculent. Je marmonne une vague excuse et la voix qui me répond m’est inconnue. Je me retourne, trop tard, il a disparu. Sur le coup, je ne réalise pas vraiment et je rentre dans mon bureau où tout est parfaitement rangé. J’ai toujours apprécié l’ordre. Je pose le rapport sur la table avant de m’asseoir quelques instants. Amalia souhaite garder ses contacts avec Elsbeth et son bras droit. Je n’ai pas beaucoup de piste à part la révolution à qui m’adresser, et leurs membres sont remontés contre le Guet car nous avons leur cheffe. S’ils comprenaient qu’il s’agit là d’une question de sécurité plutôt que d’arrestation … Je n’ai pas grand chose à me mettre sous la main. Une question me taraude depuis le début de cette affaire : à qui sont destinés les Nascents ? Je ne suis pas certaine que le Magistère ait pour habitude d’en envoyer de telles quantités. Qui ? Et pourquoi ?
En refermant la chemise, je remarque une enveloppe qui n'aurait pas dû être là. “A l'attention de la Commandante Shizo Fà” peut-on y lire. En l'ouvrant, une lettre pliée, le genre de lettre officielle qui ne l'est pourtant pas la moins du monde lorsque j'en découvre le contenu. Comme une aide tombée du ciel, il est question des Nascents. Une date et un lieu de rendez-vous y figurent. Un traquenard ?
Par réflexe j'attrape le médaillon qui pend autour de mon cou, caressant la cruche de la pulpe de mes doigts. J'ai deux jours devant moi avant de me rendre, ou non, à cette rencontre.
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L'enseigne illumine les pavés humides de la rue, se reflétant dessus. “Le Bambou Royal” est un de ces restaurants réputés et spécialisés. J'hésite encore quelques instants à y entrer, jouant avec mon médaillon. J'ai beau m’être escrimée pendant ces dernières quarante-huit heures, je n'ai pu qu'approcher quelques connaissances d’Elsbeth qui n'avait pas eu grand chose à clamer à part l'innocence de leur amie. J'attends toujours une réponse de nos amis Opalins sur cette affaire et ce qu'ils seraient à même de me révéler. Et me voilà dans le quartier Est de la Juste à parier mon avenir sur l'inconnu. Je déteste ça mais après tout, je n'ai rien à perdre. Du moins je l'espère. J'ai repéré les différentes sorties du restaurant la veille, me préparant au pire. Rangeant mon bijou sous mon kimono - autant éviter de me faire remarquer pour un rendez-vous si officieux en laissant ma tenue de garde au placard - je me dirige directement au comptoir habillé de bois laqué et de décoration dorée, comme indiqué sur les instructions laissées par mon interlocuteur.
°°Bonjour, je souhaite goûter le sushi fourré°° dis-je sans autre forme de politesse. Autant aller droit au but.
Sans un mot il acquiesce et me fait signe du menton de suivre un serveur qui s'approchent de moi. Ma senestre serre subrepticement le couteau à ma hanche. Pas d'arme à feu pour ce soir, seul ma bague ornée de son nascent et mes dagues de lancer. Suffisant pour me trouver une échappatoire, en espérant qu'il n'y en ai pas besoin. L'on m'amène en silence dans une arrière salle, traversant un couloir agrémenté de tableaux où des paysages Xandriens sont peints avec réalisme. Deux femmes m'attendent sagement, me saluant respectueusement. J'écoute de mon oreille mécanique, les sons de la salle de restauration ne me permettent pas d'identifier avec certitudes ce qui m'attend. Ils sont trois visibles mais derrière, encore d'autres personnes semblent présents. Autant de monde pour moi … ma méfiance s'accentue. Je commence à comprendre que mon interlocuteur n'est pas le poivron du coin qui aurait certaines informations à divulguer contre quelques Astras. Non, nous étions plutôt sur une organisation. Un cartel ?
Je ne me fais pas d'illusion en attendant la sentence. Je fais un pas en avant passant sous un détecteur de métaux qui ne manque pas de s'allumer, l'on me stoppe pour me fouiller.
°°Je suis Commandante du Guet, je n'ai pas à subir quelconque palpation.°° m’énervé-je en écartant les mains de la femme.
°°Vous pouvez garder vos armes, nous nous assurons seulement que rien ne puisse compromettre cette rencontre.°° dit-elle de bonne foi.
Parfois il faut savoir mettre son égo de côté, d'autant que je suis de plus en plus intriguée par cet interlocuteur mystère. Je laisse donc la garde du corps vérifier qu'aucun attirail illicite n'entrave mon entrevue avec X. Pas de geste déplacé, tout le monde reste professionnel, je prends mon mal en patience avant qu'on accepte de me conduire, enfin, à la personnalité du moment. Après deux autres portes chacune gardée par deux autres garde du corps, je me retrouve rapidement avec une dizaine d'individus dans les pattes. J'ai sous estimé la personne que je m'apprête à rencontrer, pas étonnant qu'il m'ait laissé mes trois couteaux avec tout ce beau monde.
Une grande porte s'ouvre sur une pièce luxueuse, des fleurs fraîches embaument l'air. À mon arrivée, un joueur de guqin frôle les cordes de son instrument d'où sort une douce mélopée, troublant une nouvelle fois mon audition améliorée. La table, unique, au centre de la pièce, et prête à m’accueillir, deux couverts y sont installés. La lumière des lampions est douce, laissant dans l'ombre mon hôte. Je ne m'attendais pas à un rendez-vous galant …
°°Et à qui ai-je l'honneur ?°° demandé-je, debout face à l'ombre, aussi froide que le pic de la Glace Ardente.